La seconde main a le vent poupe et même le fabricant de chaussures de luxe sur mesure J. M. Weston a succombé à cette mode. Depuis deux ans et demi, des cordonniers de la manufacture basée à Limoges reconditionnent des paires rapportées par des clients. Le succès est au rendez-vous au point que la liste d’attente compte plusieurs centaines de personnes.
Marcher en Weston, un rêve qui devient désormais accessible grâce à l’offre de seconde main « Weston Vintage » lancée par le fabricant. La demande a été relativement forte dès que Weston a annoncé son projet.
« Cela a été une petite surprise au départ admet Marc Durie, président de l’entreprise, quand on l’a lancée fin 2019. Cela n’existait pas sur le marché, nous avons donc été les premiers à explorer ce type de revente. On trouvait le projet passionnant, sans avoir idée de la réception du public et tout de suite, il y a eu beaucoup d’engouement car cela permettait de retrouver des chaussures avec un vieillissement exceptionnel au fil du temps. Il y a aussi un côté chasse au trésor assez excitant pour le client car il faut avoir cette chance de tomber sur sa pointure dans le modèle et la matière qu’on cherche. »
Weston surfe sur la vague de la seconde main (on pourrait dire second pied dans ce cas !) qui s’est accentuée depuis deux ans. « Cela a replacé notre offre au coeur de la problématique actuelle et l’a renforcée avec différentes typologies de clients poursuit-il, au Japon, lors d’un pop-up à Tokyo, le succès est extrêmement fort on a vendu 300 paires en trois jours à des jeunes clients qui veulent accéder à Weston et à des collectionneurs. En France, 300 personnes sont inscrites sur la liste d’attente. Ils recherchent des modèles spécifiques ou attendent d’avoir un coup de foudre.»
« Rendre toute la gamme réparable et revendable »
Lors du lancement, seuls les modèles iconiques étaient repris soit dix au total. L’offre a ensuite été élargie à toute la gamme cuir et à certains modèles à semelle gomme. « D’ici trois à quatre ans, on a pour objectif de rendre la quasi totalité de nos produits réparables et potentiellement revendables ajoute le président, nous étudions donc tous les pans de notre collection pour assurer cette réparabilité. Aujourd’hui, cela couvre 75 % de notre production. » Les modèles les plus recherchés en seconde main sont finalement les plus vendus à savoir l’intemporel mocassin 180 hommes et femmes, le Derby et le Golf.
La réparation est inscrite dans l‘ADN du chausseur depuis toujours. Il a toujours encouragé ses clients à prolonger la durée de vie de leurs chaussures. Ainsi, 10 000 paires repassent chaque année dans l’atelier de restauration.
« Deux piliers ont participé à la création de cette offre, d’abord la plupart de nos produits sont réparables depuis la création de la société en 1891 remarque Marc Durie, puis on s’est demandé comment leur donner une seconde vie au fil du temps, seconde vie qui peut passer par une autre personne que le client d’origine. On a commencé à imaginer cette seconde vie dans nos ateliers de Limoges où on assure déjà la réparation. On voyait aussi beaucoup de jeunes clients acheter d’autres produits en vintage. On s’est aperçu qu’il y avait un vrai engouement et que cela pouvait nous permettre de recruter de nouveaux clients. »
100 euros pour une paire rapportée
L’entreprise a mis en place une stratégie vertueuse d’économie circulaire pour récupérer des paires qui n’ont pas vu le bitume depuis des années. Le fabricant a invité ses clients à rapporter leurs chaussures dans l’un des 42 points de vente pour une première expertise. En échange, ils ont reçu un bon d’achat de 100 € minimum et même 150 € pour des mocassins. Les chaussures sont à nouveau expertisées à la manufacture avant d’être démontées et remontées. En deux ans, environ 1 200 paires sont revenues dans le circuit de distribution. Seul bémol, l’entreprise n’avait pas mesuré l’attachement de ses clients à leurs Weston, parfois achetées ou offertes pour une occasion particulière.
Six de ses cordonniers bottiers maîtrisent le démontage et le remontage, un savoir-faire qui nécessite de connaître les étapes de fabrication de chaque modèle. Quand on sait qu’il faut 180 à 200 prises en main pour fabriquer une paire en deux mois, on comprend la complexité de la tâche.
La semelle usagée est remplacée puis la chaussure remontée sur sa forme d’origine qu’il faut retrouver dans un stock d’au moins 40 000 exemplaires. La semelle comprend une pièce en bois et un revêtement de liège qui apporte le confort de marche. Sur les bottines, les élastiques et les tirettes sont remplacés. Ces opérations sont possibles grâce au cousu Goodyear qui fait la réputation de la marque depuis une centaine d’années. Le fil est coupé ce qui permet de démonter la semelle. Elles sont ressemelées avec du cuir de vache, fruit d’un tannage végétal extra lent effectué par la tannerie Bastin située à Saint-Léonard de Noblat.
L’ultime étape est confiée aux « bichonneuses » chargées de nettoyer, brosser, crémer et cirer la tige des chaussures pour qu’elles retrouvent leur aspect neuf, la patine en plus. Elles sont ensuite vendues 40 à 60 % de leur valeur neuve dans les boutiques des Champs-Elysées et de la rue Saint-Honoré ainsi qu’à Tokyo.