Les 3èmes Rencontres «Au doigt & à l’œil » de l’An@é ont bel et bien mis les « Savoirs en tête»


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Les 3èmes Rencontres «Au doigt & à l’œil » de l’An@é ont bel et bien mis les « Savoirs en tête»

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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 13/12/2012 PAR Solène MÉRIC

Parce que, comme l’a rappellé en introduction Michelle Laurrissergues, Présidente de l’An@é, «on ne peut pas adapter l’école d’hier en rajoutant là un outil, là un jeu sérieux, ou là un tableau numérique,  mais en repensant tout l’environnement éducatif», c’est donc un certain nombre de savoirs liés à cet environnement qu’il faut repenser, revoir, voire revisiter en cause à l’obscure clarté de la lumière numérique. Une adaptation de nos savoirs qui commence de manière primaire et logique au niveau… de notre cerveau, l’organe de la connaissance et de l’apprentissage.

Un cerveau qui évolue peu…Si on fait évoluer nos méthodes d’apprentissage, si on y intègre de plus en plus une dimension numérique, cela est-il le signe de l’évolution de nos cerveaux ou bien, au contraire le générateur de l’évolution de nos cerveaux? Pour Bernard Claverie, Professeur des Universités, Directeur de l’Ecole Nationale Supérieure de Cognitique, les choses sont claires, « l’évolution du cerveau doit être démystifiée. Elle ne peut se mesurer qu’en million d’années». «Les technologies ne s’accélèrent donc pas en fonction d’une quelconque évolution du cerveau, et, inversement le cerveau n’évolue pas au rythme de l’évolution technologique, grandement accélérée sur les 5 dernières générations de toute l’histoire de l’humanité»

… mais dont nous adaptons l’utilisation Pourtant on le constate, on ne lit pas comme avant, on n’écrit pas comme avant, on ne mémorise pas comme avant, on n’apprend pas comme avant. Si le cerveau n’évolue pas anatomiquement par rapport aux technologies, la confrontation du cerveau aux technologies modifie en revanche son mode fonctionnement. Premier constat de Bernard Claverie, «plus nous apprenons, plus nous modifions l’utilisation des zones du cerveau.» Second constat : selon que l’on soit utilisateur de livres ou utilisateur de numérique, nous n’utilisons pas les mêmes zones du cerveau.
Pour autant, le cerveau garde une partie de son mystère. En effet, comme les futures technologies ne peuvent pas être prévues, on ne peut pas savoir comment le cerveau va s’y adapter dans son mode de fonctionnement. En tout cas, une chose est sûre pour Bernard Claverie, « l’homme du futur ne sera pas un sur-homme, mais simplement un homme qui apprendra de manière différente» dans un environnement où l’information sera véritablement partout. En effet, depuis l’an 2000 l’humanité produit tous les deux ans la même masse d’information qu’elle avait été en capacité de produire en 4000 ans d’histoire de -2000 av JC à +2000… Autant dire un système d’information pervasif auquel l’école, va bien devoir non seulement s’adapter mais aider au mieux les citoyens de demain à savoir maîtriser.

Un approche translittérastique de l’informationPour cela, Vincent Liquète, responsable de la spécialité «Documentation et Système d’information»,
propose une approche translittéracique de l’information et des savoirs, autrement dit une approche mobilisant toutes les sources médiatiques possibles. Selon lui dans ce monde hyper informationnel ou en passe de l’être, « il ne serait plus tenable d’organiser le système scolaire dans la tradition de média de masse, mais plutôt d’opter pour un modèle transmédia », développant ainsi une véritable « culture du numérique.» qui permettait ainsi des réflexions autour de la compréhension et de l’appréhension des systèmes d’information, d’intégrer davantage la culture visuelle ou encore de mieux identifier, et caractériser les styles cognitifs propres à chaque élève.
  
Après une première pause pour un temps d’échange en ateliers,  c’est Joël de Rosnay Docteur es Sciences et futurologue, qui a repris les conférences de cette journée « Savoirs en tête». L’occasion pour lui d’évoquer dans un échange avec Antoine Chotard, Responsable de la veille à AEC et Marcel Desvergne Vice-Président d’An@é différents enjeux et défis d’avenir pour l’éducation.

Marcel Desvergne, Joël de Rosnay et Antoine Chautard

« Pas hyper fana de l’e-éducation »Pour lui, l’éducation, doit suivre le pas de la société qui est en cours d’évolution «de la rigidité à la fluidité ». Il faut donc «passer d’une éducation pyramidale à une éducation fluide où chacun apporte sa pierre à l’édifice, il faut aller vers le « co-», le partage, avoir une approche systémique». Une logique qui va assez bien dans l’idée de partage de donnée, de projet collectif, d’ouverture que facilite l’introduction du numérique dans la classe. Pour autant, si Joël de Rosnay voit non sans humour, dans les jeunes d’aujourd’hui et de demain, des « hybrides, des mutants biogéolocalisés, très différents de ce que nous sommes » il reconnaît bien volontiers que c’est aux profs de « faire l’effort de les comprendre pour qu’ils apprennent de façon multidimensionnelle, et non plus strictement pyramidale ».
Pour autant, il ne s’avoue pas «hyper fana de l’e-éducation». Comprendre ici que le numérique, à l’école, comme ailleurs ne doit pas sombrer dans la «gadgetterie». Classe immersive, pour permettre une interaction entre élèves, professeur et les parents, pourquoi pas… Mais rappelle-t-il, « il existe une interaction extraordinaire qui s’appelle le dialogue et le lien humain. La force de la classe du futur sera sa capacité à échanger. Le lien technologique c’est très bien mais le lien humain, c’est encore mieux.» Même logique sur ces nouveaux usages de gamification à l’école, qui utilise le « jeu sérieux » pour faire passer un savoir. Il rappelle qu’ici, le numérique n’a rien inventé : « simuler la réalité, entrer dans des jeux de rôle, c’est ce que font les enfants depuis toujours, c’est l’apprentissage de la vie de manière pluridisciplinaire, c’est une pratique de la complexité. »

Virtuel et bénéfices dans le réelDans l’après-midi, loin de la prospective, la conférence «Entreprise, pratiques sociales et école, regards croisés» a ramené les participants à la journée au cœur de préoccupation très concrète l’école, les usages numériques certes, mais pour quelle conséquence en terme d’emploi? Quel est le regard des entreprises sur ces jeunes de la génération dite Y ?
Pour Nayra Vacaflor, Docteur en sciences de l’information et de la Communication, au regard des pratiques sociales des jeunes, «l’école ne peut plus nier les écrans». Les jeunes sont déjà dans une très large majorité dans une quotidienneté numérique non seulement pour communiquer mais aussi dans une fonction de méta communication qui donne naissance au divertissement. L’absence de mobile va, pour eux, jusqu’à devenir une gêne sociale notamment en raison de l’absence cette quotidienneté du numérique dans le rapport aux autres.
Quant aux risques d’isolement que pourrait créer une immersion dans un monde virtuel, Nayra Vacaflor considère qu’il s’agit avant tout d’une question de génération, les jeunes sont de plus en plus sensibilisés et vont même jusqu’à développer des usages insoupçonnés grâce auquel le virtuel retrouve des bénéfices dans le réel. Elle cite en exemple les réseaux sociaux qui ont donné lieu à des mobilisations physiques plus grandes pour sortir, manifester, voire renverser des gouvernements.

Trop confiance dans les sytèmes d’informationDu point de vue de l’entreprise, Emeric D’Arcimoles, Directeur chargés des relations institutionnelles pour le Sud Ouest au sein du groupe Safran, ils observent trois points négatifs c’est chez les jeunes du numérique. Le premier d’entre eux, est « le manque total de sens critique. Peut-être est-ce une des caractéristiques à corriger du serious game ? En tout les cas, dans le cadre de l’entreprise, ils font trop confiance aux systèmes sophistiqués alors même qu’ils n’en connaissent pas les sources. C’est un vrai problème.»  Autre observation faite auprès des nouvelles générations, « les jeunes sont le plus souvent stupéfaits des responsabilités personnelles qui leur incombent ». Notamment dans les métiers de la sécurité, « on passe un temps fou à leur expliquer qu’en raison des normes très précises ils ont dans leur tâche de tous les jours au sein de l’entreprise une responsabilité personnelle.» Enfin, Emeric D’Arcimoles se désole également de constater que cette nouvelle génération, «n’a aucune notion de l’économie de l’entreprise.». Mais au-delà de ces critiques il reconnaît volontiers que les jeunes s’adaptent «remarquablement» lorsqu’il s’agit de travailler en transversal ou d’associer des technologies différentes.

Pour amoindrir le choc de la rencontre entre l’entreprise et le jeune, Emeric D’Arcimoles, tout comme Agnès Passault, Présidente d’Aquitem et membre du Syndicat Régional des Professionnels de l’informatique et du numérique en Aquitaine, prône «un rapprochement entre entreprise et l’école». Pour une meilleure connaissance mutuelle mais aussi ajoute Agnès Paillot pour «une meilleure connaissance des formations. De nombreux recruteur n’ont pas idée de la cartographie des diplômes».  Globalement, selon elles, les PME ont besoin de communication, «c’est primordial » ; «le numérique doit permettre une continuité entre l’école et l’entreprise et  non pas un point de rupture et d’incompréhension entre les générations.»

Les perspectives, entre décentralisation et nouveau projet de loiEn conclusion de la journée, Alain Rousset, Président de la région Aquitaine (par vidéo), Jean-Louis Nembrini, Recteur de l’Académie de Bordeaux, et Jean-Marc Merriaux, Directeur national du Centre national de documentation pédagogique ont évoqué les perspectives possibles du numérique à l’école sur les territoires.  Le premier évoque la décentralisation espérée à la fois d’un service d’orientation mais aussi à terme d’une partie des lycées et notamment la filière professionnelle. Tandis que les deux autres intervenants reviennent sur le projet de loi prochainement présenté portant «Refondation de l’école » à travers la « refondation de ses objectifs», mais aussi la refondation de la formation des maîtres. Pour autant si le choix des outils devrait aller en s’assouplissant, les programmes et diplômes doivent quant à eux être fermement maintenus au niveau central estime Jean-Louis Nembrini. Une manière selon lui de «dépasser les risques d’émiettement sur le territoire tout en permettant de maintenir une équité territoriale et sociale.»

Jean Marc Merriaux, revient lui aussi sur ce projet de loi. Il souligne d’ailleurs que le texte du projet évoque la question de l’éducation au média, à l’information et à la culture numérique à cinq reprises, tant au primaire, collège et lycée. Une culture du numérique par ailleurs très présente et souvent appelée de leurs vœux par les intervenants de la journée. Car en numérique comme ailleurs, c’est bien les références culturelles de l’individu qui lui donnent ses repères et facilitent l’assimilation et la compréhension de son environnement. Pourquoi en serait-il différent pour les approches éducatives numériques ?

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