Le quotidien agité du service des objets trouvés


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Le quotidien agité du service des objets trouvés

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 13/12/2012 PAR Elise Lambert

Je vais vous raconter moi l’histoire de ce lieu! Quand je suis arrivé il y avait 680 parapluies et une centaine de doudous épinglés au mur! Voyez l’ambiance vaudou!” S’exclame Pierre, la cinquantaine, responsable du centre des objets trouvés depuis 2009. Dans son uniforme de policier, il avance débonnaire dans son bureau. Il sort d’énormes classeurs rangés par date et d’anciennes photos du local. “ Quand je suis arrivé, c’était le souk! Il y avait des souris partout, ça puait! On devait garder les objets indéfiniment! Lorsque j’ai pris mes fonctions on a fait des travaux et il y a eu un arrêté pour réguler le stock.”

A la vue du local actuel, très clair par ses grands murs blancs et quasi-vides, on a du mal à imaginer la caverne empestée que l’agent décrit. Deux grandes armoires de bureaux fermées à clé, une table de bureau et un tableau de liège avec tous les trousseaux récupérés. Un escalier mène dans une cave où sont rangés quelques vélos et un mini-quad rapportés. Quelques boules scintillantes sont accrochées au calendrier. Les plantes sont chargées de guirlandes. “On a fait ça hier, ça fait du bien non?” plaisante le policier. Noël approche et le centre sera ouvert jusqu’au soir du réveillon.

vélos perdus

Les vélos rapportés sont entreposés dans une cave.
« Quand on sent qu’il pourrait y avoir du trafic, on prévient la police » . Commente Célyne.

 “OT 3245, Gare Saint-Jean, 23/11”. L’étiquette correspond au numéro d’identification, lieu de la perte et date d’arrivée au service “C’est l’ordinateur qui enregistre tout. Plus de fiches à la main” explique Sylvie, au centre depuis deux ans. Sur son écran, un logiciel à la présentation démodée . “On va le changer en 2013” rassure le chef, un peu embarrassé. Dans la barre des choix, Sylvie fait défiler le classement: “Belle, bonnet, appareil dentaire, caddie, doudou, bijoux, carte d’identité… Et aussi “Autres“, pour les trouvailles extra-ordinaires.

A ses côtés Célyne, 33 ans. En Air max et baggy, cheveux très courts et fraise tagada à la main, elle a la parole très vive:“ Franchement on pourrait faire un sketch ici”. L’autre fois j’ai enregistré un sac à main rempli de jouets d’adulte, de menottes en fourrure… Bah, j’enregistre “jouets d’adulte” qu’est ce que vous voulez. Par contre la personne n’est jamais venue réclamer” s’amuse-t-elle. Sa collègue ajoute en riant : ” Un papy est venu rechercher son dentier hier. On s’est retenues de rire, on ne l’avait pas. Comment perdre son dentier sans s’en rendre compte?” Les visiteurs arrivent inquiets, et ressortent parfois soulagés. Sur le cahier des suggestions du service, les compliments se comptent par dizaine: “ Vous sauvez les étourdis!”, “Excellents accueil et coopération avec l’Espagne”, un mot en italien et des coeurs dessinés.

 “Vous avez déjà parlé au consul des Etats-Unis et au chanteur Mylo dans la même journée?”Au-delà du travail de classification “qui pique les yeux à cause de l’écran”, comme le qualifie Sylvie, le centre travaille avec la police nationale, les consulats et les ambassades. “ C’est un vrai travail d’équipe et d’enquête. On ne s’ennuie jamais. Notre boulot, c’est de retrouver à qui appartiennent les objets.” Affirme Célyne d’un ton sérieux. “Vous avez déjà parlé au consul des Etats-Unis et au chanteur Mylo dans la même journée?” interroge-t-elle. “Chaque jour ne se ressemble pas.”

“ Mylo avait perdu sa guitare sur une aire d’autoroute, elle a atteri içi. Lorsqu’on retrouve des papiers d’étrangers on appelle les consulats. Si l’Irlande est carrée, impossible de coopérer avec la Chine.“ Commente sa collègue.

Depuis le début de l’année, 3873 objets ont été rapportés par des particuliers ou la police. Seuls un tiers d’entre eux ont retrouvé leurs propriétaires. “Les gens ne savent pas qu’on existe”, se désole Pierre. “Ils écrivent au maire parfois!” dit-t-il en montrant une lettre adressée à Alain Juppé, pour un portefeuille volé. “Les objets trouvés ont toujours l’image d’un service ennuyeux et administratif, caché quelque part.”

En quittant le centre, les deux agents retournent pressées à leurs bureaux. “Faut que j’enregistre un nouveau dossier” annonce Sylvie. “Moi faut que j’appelle la BAC pour un chéquier apporté suspect” ajoute Célyne.

En s’éloignant, derrière la vitre, les deux employées discutent au téléphone, impassibles. A l’accueil la guirlande rose clignote toujours. Le temps ici a l’air routinier. Mais au bout du combiné, on est bien loin du train-train.

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