100 % discours vrai et pratique. Il est 9 heures, au 5 Allée des Peupliers, et le cours de chant commence à peine. 30 élèves de 1ère et 2e année de l’Atelier Rive Gauche, une formation de comédien, forment un cercle et se mettent à faire des vocalises, allongés, en courant, en dansant, en marchant. « Uiuiuiuiuiuiuiiii », répètent-ils en chœur. Un mercredi ordinaire.
Il y avait, à Bordeaux, une vraie demande de formation concrète et professionnalisante qui n’existait pas dans la formule que l’on propose
À l’origine de l’Atelier Rive Gauche : Bérangère Nicolle, ancienne directrice de casting, et Émilie Granier, comédienne et scénariste. Arrivées toutes deux à Bordeaux il y a quelques années, elles ont commencé par dispenser des stages de préparation au casting. Au vu des retours positifs des stagiaires, l’idée leur est venue de créer une formation en trois années, mêlant pratique et théorie.
« L’envie y était déjà. Nous avions toutes les deux envie d’accompagner et de transmettre. C’était en soi prêt à éclore, le déclic a été le retour de nos stagiaires ! On a ensuite mûri le projet, pris le temps de réfléchir à une méthode pédagogique », affirme Émilie. L’Atelier Rive Gauche a ainsi éclot en 2021. De 18 élèves, elles sont passées à 36 en l’espace d’un an. « Il y avait, à Bordeaux, une vraie demande de formation concrète et professionnalisante qui n’existait pas dans la formule que l’on propose », estime Bérangère.
Après s’être échauffé les cordes vocales et le corps, c’est l’heure du cours d’improvisation. Les élèves, dont l’âge oscille entre 18 et 57 ans, devaient imaginer pour ce mercredi, à partir d’un synopsis, une scène de folie, pour certains d’ivresse. « Cet exercice a pour but de les pousser à être ridicule, à en faire trop », explique Émilie. En duo, les élèves prennent deux minutes avant leur passage pour mettre leurs idées en commun. Emma et Jean-Michel ouvrent le bal. Les passages s’enchaînent dans une ambiance bienveillante et légère. « Ayez cinq ans dans votre tête ! », s’amuse Bérangère. « Amusez-vous ! », complète Émilie, tout sourire. Les élèves s’encouragent et se félicitent les uns les autres. « À l’Atelier, on est une famille, ce n’est pas l’usine », précise Lily-Rose, en 1ère année.
Pratique, pratique, pratique
À l’image de ce cours d’improvisation, les élèves baignent dans la pratique. Les cours s’organisent en différents modules. Par exemple, module acting in English, module cascade, module doublage voix, module théâtre. Des professionnels du métier, comme Raphaëlle Agogue (comédienne) et Rodolphe Lauga (réalisateur et scénariste), témoignent aussi de leur expérience lors de masterclass.
En plus des 12 heures de cours hebdomadaires, 10 heures sont consacrées à tourner dans des conditions professionnelles avec des partenaires, tels que l’École 3iS et l’École du 7e Art. Autrement dit, jouer dans un film ou une série. La troisième année est, quant à elle, destinée à la création d’un projet. Cette troisième année leur permet notamment d’avoir du travail en sortant de formation. « Dernièrement, on s’est occupé de la mise en scène du one-man-show d’un de nos anciens élèves. On porte les élèves de façon concrète, même après leur passage à l’Atelier », affirme Émilie.
On a accès à toutes les facettes du métier. On ne nous dit pas : « vous allez voir, vous allez passer à la TV »
Si pratique il y a, Bérangère et Émilie ne jettent pas pour autant de la « poudre aux yeux » à leurs élèves. « En France, on croit encore, et à tort, qu’un comédien naît et sait jouer. Or c’est faux. C’est énormément de travail », corrige Émilie. Ces valeurs sont d’ailleurs ressenties par les élèves. « On aborde évidemment le jeu, mais aussi beaucoup d’informations sur la réalité du métier. On a accès à toutes les facettes du métier. On ne nous dit pas : « vous allez voir, vous allez passer à la TV » », déclare Sandra, en 2e année.
Trois heures d’improvisation s’achèvent, tous se sentent apaisés, bien que certains ne soient pas satisfaits de leur performance. « Je ne suis pas bien… », dit une élève en riant, se sentant ridicule. « Arrêtez d’avoir peur d’être ridicule. Le ridicule est sublime ! », renchérit Émilie. Bérangère et Émilie donnent des conseils à leurs élèves pour s’améliorer : « Entraînez votre corps », « soyez plus à l’écoute de votre partenaire ». C’est sur cette note de complicité et d’égalité que cette journée au goût amer du ridicule se termine pour les élèves de l’Atelier.
Parcours des fondatrices :
Bérangère Nicolle : Elle suit les cours de comédie Alain De Bock et ceux du conservatoire du 15ème à Paris. Préférant rester derrière la caméra, une belle carrière de directrice de casting s’ensuit, durant 14 ans. Elle dirige ainsi des castings pour des séries et unitaires phares (Boulevard du palais, Dame de feu, Dame de cendres, Julie Lescaut, Famille d’accueil, L’Affaire Courjault, Longue Peine…). Elle gère ensuite un vivier de comédiens pour la publicité, travaillant dans L’Agence Dynamite à Paris. Devenue une évidence, la direction d’acteurs est une passion qu’elle partage à ses élèves comédiens depuis 2011.
Émilie Granier : Formée au Cours Florent, elle suit notamment les cours d’Acting in English, dispensés par Lesley Chatterley. Elle poursuit sa formation au Laboratoire de l’Acteur avec Hélène Zidi Cheruy. Elle commence sa carrière en 2004 avec la série Coeur Océan. Elle enchaîne ensuite, durant 15 ans, les séries (Cut, Joséphine ange gardien, Paris 16, l, Profilage, Sous le soleil…). En parallèle, elle donne des cours de théâtre en anglais au sein de la Compagnie des Aléas. En 2017, elle co-écrit « La Marche du Singe », un moyen métrage dans lequel elle joue, primé au Festival CINEKOUR (Prix du Public) en 2018. Depuis 2019, elle développe une série de science-fiction MUTATIO. Forte de ses expériences, Émilie les transmet depuis 2020, en qualité de coach de comédiens.