La fanfare des « Tape-cul », jeunes musiciens aux habits et lunettes noires, fait résonner trompette et saxophone. Attirés par le bruit, les visiteurs du Salon du Livre s’approchent. Yolande Laloum Davidas, chargée de la communication de Mediapart, en profite pour distribuer ses tracts. Et elle y met les formes : « Demandez le lancement de Mediapart, demandez ! », lance-t-elle au milieu de la foule. Elle joue au crieur de journaux, l’emblème du nouveau quotidien d’information en ligne, qui se lance officiellement ce 16 mars.
Edwy Plenel, l’ancien directeur de la rédaction du Monde, présente son « bébé » devant la cinquantaine de personnes réunies. Il a choisi d’inaugurer son journal pendant le Salon du Livre mais dans l’espace « Lecture de demain », consacré aux supports numériques. Tout unsymbole. Le journaliste prend la parole non sans émotion. Le discours est bien rodé : ces derniers mois Edwy Plenel a fait un tour de France pour faire parler de son projet de journal sur Internet. (cf aqui.fr du 4 mars dernier)
Payer pour lire et contribuer
Medipart se veut un quotidien en ligne de qualité et payant. Pour lire les articles en ligne ou en publier, dans la partie « club » de Mediapart, les lecteurs devront s’abonner. Le tarif est de 9 euros par mois et 5 euros « pour les moins de 25 ans, les demandeurs d’emplois et les petites retraites », lit-on sur le tract. « Le système de l’abonnement est le seul capable d’assurer l’indépendance financière et éditoriale du journal », explique le rédacteur en chef. Un système en totale opposition avec le mode de fonctionnement des autres sites web d’information, fondés sur la gratuité. « La qualité a un prix et demande du temps », réplique Edwy Plenel. Les vingt-six journalistes professionnels qui l’ont rejoint après avoir quitté leur poste dans les quotidiens nationaux, partagent cet avis.
Pour convaincre les lecteurs, les informations proposées seront inédites et originales. Surtout, la rédaction entend se démarquer des autres journaux en offrant une hiérarchie de l’information différente. Exemple : alors que tous les quotidiens parlaient hier des élections, Mediapart faisait sa une sur les réformes que prépare Nicolas Sarkozy concernant notamment l’ISF. « On ne veut pas de flux continu d’informations qui saoule le lecteur », enchaîne David Dufresne, ancien journaliste à Libération et rédacteur en chef d’i-télé. A la fin de chaque sujet, la « boîte noire » explique pourquoi et comment le journaliste a choisi le sujet. Autre détail dont le journaliste est très fier : en bas de chaque page, le lecteurtrouver les unes de la semaine qui vient de s’écouler. Pour prendre du recul sur l’actualité.
Les citoyens, un réseau d’alerte
Mediapart entend aussi former une communauté, celle de ses abonnés. Dans la partie « Club », sur une page différente du journal, chaque abonné peut publier des articles, sélectionner ses préférés et les envoyer à ses amis, réagir sur l’actualité ou encore créer son blog, seul ou à plusieurs. « Nous souhaitons que Mediapart devienne un lieu », dit en s’accrochant à son micro Edwy Plenel. Correspondants étrangers, blogs de ville ou précision de spécialistes, chacun peut apporter sa contribution. Expérience numérique, Mediapart est aussi une aventure humaine.
L’auditoire est attentif … et critique. « Vous allez vous servir des citoyens pour trouver des sujets », lance une jeune fille. « Loin de nous l’idée de piller, mais si on peut créer un réseau d’alerte, tant mieux », rétorque enthousiaste Sylvain Bourmeau, ex-France Culture. Et comment contrôler les publications ? Edwy Plenel et son équipe croient en l’autocontrôle. « Si une information est médiocre, elle sera rétrogradée en bas de page par les Internautes », explique l’ancien journaliste du Monde. De toute façon, pour écrire, il faut payer l’abonnement. » Comprendre, adhérer à Mediapart, c’est défendre et exiger la qualité. « D’ailleurs vous pouvez vous abonner dès la fin de la présentation, sur les ordinateurs à côté de l’estrade », lance-t-il. La plupart des visiteurs prendront le temps de la réflexion.
Photo : Leafar