L’Actualité du Roman Noir : Traverser la nuit


Le Corre : Traverser la nuit- Rivages/Noir- 316 pages-Janvier 2021- 20,9 €

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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 09/03/2021 PAR Bernard Daguerre

La pluie tombe tout au long du livre, il y a d’ailleurs une belle phrase sur le sujet : « L’averse s’éloigne sur le fleuve soudain jaune, presque doré, puis l’éteint et rend les eaux à leur débit terne et boueux », comme si cette eau-là prenait le relais liquide de celle tombée du ciel, pour étouffer toute velléité des personnages à mettre la tête hors de l’eau de leur désespérante condition. On rappellera un célèbre antécédent : dans Le grand sommeil de Raymond Chandler, des pluies orageuses jalonnent l’enquête de Philip Marlowe, plombant une ambiance loin de l’attendu soleil de Californie.

Car c’est un nouveau roman noir que nous propose Hervé Le Corre. On y trouve des personnages cernés par le chaos du monde, lestés par la dureté de leur existence. D’abord le commandant Jourdan : il est au bout de tout et à bout de sa vie ; officier de police judiciaire il est tétanisé, comme à bout de souffle devant la scène de crime d’un infanticide, ne s’en arrachant que pour penser à faire justice lui-même. Puis Louise : cette jeune femme ne se sort, à grand peine, de la vie fracassée de sa jeunesse, qu’en jetant toutes ses forces dans l’éducation de son petit garçon, Sam, 8 ans ; son travail d’aide à domicile, difficile et dévalorisé, ne la comble guère et elle se débat dans les affres d’une relation toxique, celle d’un ancien amant, tourmenteur violent. Elle ne sait comment s’en débarrasser, victime passive de ses agressions répétées. Enfin, dans une espèce de relation sombrement triangulaire, il y a Christian, ancien militaire à la vie terne, devenu tueur en série avec la complicité de sa mère, sur la piste duquel Jourdan se met en chasse.

Les héros de papier de Hervé Le Corre ont intégré en eux un puissant sentiment d’échec, constitutif de leur être. Pour l’atmosphère qui les nimbe, pour « le maudit manège du monde » qui les accable, selon la formule de l’auteur dans un récent interview, il faudrait presque inventer un superlatif plus fort que, par exemple, « noirissime ». Le romancier excelle à cerner les situations d’une phrase ; pour dire la difficulté qu’a Jourdan à parler à sa fille, un matin de forte tension, dans la voiture où il l’emmène :« dans le bourdonnement du ventilateur de chauffage, l’air est saturé par leurs paroles empêchées ». Et pourtant, en dépit de la radicalité de ce récit mélancolique qui nous mène d’un Bordeaux crépusculaire aux rives, noyées sous la pluie, de la Gironde, des taches claires illuminent parfois l’histoire. Pour cette combinaison d’ombres et de lumières, on appréciera aussi ce livre.

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