L’Actualité du Roman Noir : La nuit tombée sur nos âmes


Frédéric Paulin : la nuit tombée sur nos âmes- Éditions Agullo- 272 pages-, septembre 2021- 21,5 €-

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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 16/12/2021 PAR Bernard Daguerre

Frédéric Paulin est une voix originale dans le roman noir français, par les sujets qu’il aborde et le traitement qu’il restitue avec ce ton d’urgence fiévreuse, d’intensité très documentée qui est comme sa marque de fabrique. Après avoir consacré une trilogie à la naissance du djihadisme, nourrie d’allers -retours incessants, érudits et dramatiques entre la France et l’Algérie, l’auteur propose ici un récit précis et tragique des trois jours de manifestations menées par la gauche altermondialiste et extra-parlementaire qui, en juillet 2001, secouèrent la ville de Gênes, en réaction au sommet des pays riches qui s’y tenait.

D’emblée, la construction romanesque intègre l’impasse qui sera celle de ses principaux protagonistes, des Français qui se retrouveront pris dans le tourbillon des évènements. Ils fonctionnent en binômes masculin-féminin ; il y a d’abord le duo amoureux et très politique de deux étudiants rennais, Nat, une anar pure et dure et Wag, qui délaisse à la fois ses études et son courant d’origine, le trotskysme. S’y ajoutent des tandems plus professionnels, si l’on peut dire : deux journalistes, deux policiers de la DST infiltrés, ou encore les deux conseillers politiques de l’ombre- le seul duo masculin du lot- à savoir Laurent Lamar immergé dans le staff de Chirac, le président français, et Franco Carli , un pur produit fasciste, nourri à la haine du régime parlementaire, partisan « d’un grand ménage à tous les niveaux de l’État », infiltré dans les rouages du susdit état, pièce ô combien toxique de la mécanique de la répression policière italienne.

Ce théâtre d’ombre va s’agiter dans un cadre géographique encombré, celui de la nasse que constitue la ville de Gênes, piège pour les manifestants entre ses étroites ruelles et le périmètre interdit du centre de la ville.

II manque encore quelques éléments dans le chaudron : les dissensions entre les groupes politiques qui constituent l’ossature du mouvement contestataire et alimentent la tension. Et le caractère policier de l’affaire et du roman à tous les niveaux : d’abord en raison de la nature de Wag, une balance, tenu par les flics pour une affaire de droit commun ; ensuite parce que des policiers français se trouvent embarqués dans la manif, intégrés comme agents « déshabillés » comme on disait jadis, à leur corps défendant. Enfin les manipulations policières du conseiller fasciste du ministre de l’intérieur italien favorisent et accroissent la répression terrifiante de la police italienne. L’effet de sidération et de dévastation est considérable pour les personnages du roman : leur vie en sera à jamais bouleversée. Tout le talent de Frédéric Paulin est de nous embarquer dans le corps -à corps puissant de son récit.

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