La sexualité et l’handiparentalité, un tabou !


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La sexualité et l’handiparentalité, un tabou !

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 14/02/2019 PAR Sybille Rousseau

Le 6 février dernier, Suzana Sabino sortait en librairie son livre baptisé « Ma vie pour deux » aux éditions Arthaud. Suzana Sabino est la femme de Philippe Croizon, cet athlète dépourvu de bras et de jambes qui a traversé la Manche. Au travers de cet opus, cette femme se livre sur sa relation intime avec cet ancien ouvrier. Par ce livre, « j’ai souhaité rassurer certaines personnes confrontées au handicap. Si nous ne faisons pas l’amour de manière classique, la sensualité demeure. Il ne manque rien à notre relation charnelle. Il existe de multiples manières de se faire du bien », souligne cette dernière. La sexualité des personnes en situation de handicap est un véritable tabou aujourd’hui. C’est pour cette raison bien précise que l’émission « 4 médias » diffusée sur O2 Radio le 7 février dernier s’en est emparée. Malgré le handicap, une grossesse « naturelle » Les yeux empreints d’humanité, Justine Mackowiak compte sa grossesse au micro. En fauteuil roulant depuis sa naissance, cette jeune maman était certaine de porter un jour la vie. « Mes parents me le disent encore aujourd’hui, que, petite, je ne cessais de répéter à qui voulait l’entendre, qu’un jour je serais mère. » Des regards dans la rue, des questionnements à son égard, Justine a du faire face aux critiques visuelles. « Lorsque mon ventre a commencé à s’arrondir, certaines personnes autour de moi ou dehors demandé si cette grossesse était naturelle. A croire que je ne peux pas tomber enceinte à cause de mon handicap. Certains m’ont carrément demandé si mon bébé avait été conçu grâce à une FIV. Et non, c’est naturel je leur répondais ». Un corps médical impuissant Pendant sa grossesse, Justine a connu des périodes délicates, comme toutes autres femmes non porteuses de handicap. « A plusieurs reprises, j’ai dû être hospitalisée à cause de nausées et de déshydratation. » Lors de ses séjours à l’hôpital Pellegrin, cette jeune femme a été confrontée au manque de matériel et d’expérience du corps médical. « Dans le service de maternité, aucun matériel était présent pour prendre en charge les personnes en situation de handicap. » Ainsi, Justine a dû apporter son propre lève-personne. « Aussi, j’observais une certaine gêne du corps médical qui n’avait pas l’habitude de gérer des personnes porteuses de handicap comme moi. » Du coup, ses assistantes de vie ont dû élire domicile à l’hôpital. « Mais pour que cela soit possible, j’ai dû demander une dérogation auprès du Conseil départemental. » Après son accouchement, Justine a été très fortement marquée par l’attitude des professionnels de santé. « Ils ne voulaient pas que je prenne mon bébé, alors que je ne suis pas inconsciente quand même, je n’aurai pas mis en danger ma fille. » Ainsi, ils ne souhaitaient pas qu’elle fasse du peau à peau avec son nouveau-né. « Mon compagnon a dû revenir à la charge plusieurs fois pour que j’en sois autorisée ! » Autre affront « ils ne s’adressaient qu’au père et jamais à moi ! » A son départ, le corps médical lui a précisé qu’il avait beaucoup appris à ses côtés. Un Centre pour accueillir, écouter et informer

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Durant son adolescence, Justine Mackowiak était à l’Institut d’Education Motrice de Talence. Un établissement géré par APF France handicap qui accueille des jeunes âgés de 15 à 25 ans en situation de handicap moteur avec ou sans troubles associés et qui facilite leur inclusion dans les établissements scolaires, universitaires ou de formation professionnelle. En septembre 2015, le Centre Ressource Aquitain Vie Intime, Affective, Sexuelle et Handicap a vu le jour au sein de ce même IEM dans le cadre d’une expérimentation ARS sur 3 ans. Julie Merveilleau est la chargée de mission de ce Centre qui vise à favoriser l’accès aux soins, la santé sexuelle, à réduire les inégalités de chance, à promouvoir l’estime de soi et à contribuer à la construction d’une société ouverte à tous. « Notre action s’inscrit dans le champ de la promotion de la santé, précise Julie Merveilleau, plus spécifiquement celui de la vie affective et sexuelle. Nous nous adressons aux personnes en situation de handicap, aux familles, aux professionnels, aux étudiants sanitaires et sociaux. En clair, à tous ceux qui sont en quête d’informations concrètes et expertes sur les questions autour de la vie affective, sexuelle, familiale et de la parentalité. » Des actions concrètes pour les professionnels Que ce soit dans le domaine de la santé sexuelle ou dans celui de la réduction des risques, le Centre ressource met en œuvre une démarche proactive vis-à-vis des professionnels identifiés du droit commun sensibilisés et rassemblés en réseau, mais aussi via des entretiens individuels ou séances de groupes, visant à délivrer les premiers niveaux d’information nécessaire. « Les professionnels nous ont accueillis très positivement. Nous avons vu des professionnels indignés en constatant la manière différente selon les pays d’aborder cette question de la vie intime, affective et sexuelle. Ils attendent du concret, des actions à mener sur le terrain. Ils sont en demande. Et justement c’est notre mission de les aider à initier des groupes de travail, des échanges de pratiques professionnelles et de leur proposer de la formation professionnelle. » Dans cet esprit-là, le 20 mars prochain, le Centre organise un colloque sur le thème « Vie intime, affective, sexuelle et handicap » où des tables rondes aborderont notamment les questions juridiques et éthiques de la vie affective et sexuelle en institution, nourries de témoignages des bénéficiaires du Centre ressource. L’estime de soi : la clé pour réussir sa vie intimeQue ce soit pour les valides ou les non valides, la question de l’estime de soi est au cœur de la réussite d’une vie intime. « Mes collègues ont honte d’eux-mêmes. Qu’ils aient 20, 30, 40 ou 50 ans, ils ne s’acceptent pas comme ils sont. Du coup, ils s’interdisent toute relation. » Paulo travaille en ESAT -Etablissement et service d’aide par le travail- à Floirac, pour traumatisés crâniens. Il a souhaité vivement participer à cette émission car, dit-il « cette question de la sexualité des personnes en situation de handicap est tabou aujourd’hui et elle ne devrait pas l’être. J’en discute librement avec mes collègues. Je n’ai aucun problème avec ça. Mais malheureusement, je suis bien le seul ! » Encore beaucoup de travail reste à faire pour que les mentalités évoluent, les regards changent afin que chacun soit en confiance…

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