La Nouvelle-Aquitaine peut-elle échapper au péril bio?


La France est première de la classe européenne en termes de surfaces agricoles Bio. La Nouvelle-Aquitaine est dans le peloton de tête des régions françaises. La consommation, elle, marche à reculons. Un trou d'air qui inquiète.

En 2021 la vente des produits bio en grande distribution a reculé de 266 millions d'euros par rapport à 2020Infographie Aqui.fr

La spectaculaire baisse de la consommation du bio en 2021 semble se poursuivre et s'aggraver selon de récents indicateurs. Diagramme : Sources données Agence Bio/ANDI

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 23/03/2023 PAR Solène MÉRIC

Autour du bio, la fourche et la fourchette ne s’entendent plus. Après une décennie de croissance, tant sur la conversion des terres agricoles en bio que sur la consommation, la seconde ne suit plus. Les nuages s’amoncellent, « et il n’y a pas de typicité de la situation en Nouvelle-Aquitaine par rapport au national », confirme Philippe Leymat, le Président d’INTERBIO Nouvelle-Aquitaine.

Après 10 ans d’un schéma de croissance à deux chiffres, c’est un coup de frein

Pourtant jusque-là, la consommation, en hausse constante depuis 10 ans, assurait un rythme de croisière plus que dynamique à la conversion des terres agricoles. Rythme aussi stimulé par diverses aides européennes, nationales, régionales, et crédit d’impôt. En 2021 au niveau national, 58 413 exploitations sont engagées en bio, soit 13,4%, pour 10,34% de la surface agricole selon l’Agence Bio. Avec ses 2,2 millions ha certifiés AB, la France bat tous les records au niveau européen. Elle est même leader mondial pour ce qui est de la viticulture. Champagne et bordelais, si souvent pointés du doigt, sont locomotives en la matière.

En Nouvelle-Aquitaine,  9,3 % des terres de la région sont engagées dans un mode de production biologique, pour 8799 fermes. Elle est ainsi au 2ème rang des régions françaises derrière l’Occitanie.

Un ciel apparemment sans nuage, mais le dernier rapport de l’Agence bio (juin 2022) révèle que le chiffre d’affaires de la bio a baissé de 1,3 % sur l’année 2021. Ça peut paraître peu, « mais après 10 ans d’un schéma de croissance à deux chiffres, le coup de frein n’est pas anodin », souligne Philippe Leymat. Selon le même rapport, la bio reculait de 3,9% dans la grande distribution, même si la croissance restait de mise chez les artisans-commerçants et pour la vente directe.

La consommation du bio est en recul, particulièrement dans la grande distribution, qui par ailleurs réduit le nombre de références de produits bio.

Pourtant, le trou d’air est bien là. Selon l’institut d’études spécialisé IRI, la demande en produits bio continue globalement à dévisser. Entre janvier et fin août 2022, le volume des ventes aurait baissé de 7,6% dans la grande distribution. La FNSEA communique quant à elle sur « une consommation du bio en forte baisse d’environ 9 % en valeur ».

Le risque des déconversions

Au niveau régional le constat est similaire, tout comme le diagnostic, décrit par le président régional d’Interbio. « Il y a un climat multifactoriel : l’inflation, la recrudescence significative pour le local post-Covid au détriment du bio et une multitude de labels qui font croire au consommateur que leur achat aide la planète. Oui, les produits bios sont plus chers, surtout dans un moment où le pouvoir d’achat baisse » reconnaît Philippe Leymat. Mais la demande n’est pas la seule source d’inquiétude.

« Au niveau des politiques d’accompagnement, on perd l’aide au maintien en agriculture bio. La PAC va prioriser les démarches de progrès ; donc ceux qui font déjà bien ne seront pas récompensés. Ajouté à la baisse de la consommation, c’est un double effet ciseau.» Il reconnaît pourtant qu’en Nouvelle-Aquitaine les agriculteurs bio ne sont pas les moins bien lotis. « Avec la Région, nous avons réussi à sauver pour un an cette aide au maintien ». Au total 16 M€ votés en fin d’année pour assurer 2023. A côté, les 10 M€ d’aide promis par le gouvernement lors du Salon de l’agriculture à Paris, font pâle figure… « Ici, nous avons de la chance entre Néo Terra, le Pacte ambition bio et avec l’aide à l’installation et l’aide au maintien, ça reste significatif. Mais quid d’une mesure annuelle face à une PAC sur 5 ans ? »

Macron a passé 12h sur le Salon de l’Agriculture, il n’a pas consacré une seule minute au bio

Pour lui le problème vient du plus haut niveau de l’Etat : « Il n’y a pas de signe politique fort. Le président Macron a passé plus de 12h sur le Salon, il n’a pas consacré une seule minute au bio, c’est significatif ! On représente pourtant 13% des fermes, 19% de l’emploi agricole et 13 milliards de chiffre d’affaires au national.» En clair : « La France ne se donne pas les moyens de ses ambitions en matière d’agriculture biologique ». Philippe Leymat ne dit pas ici autre chose que la Cour des comptes dans son rapport de juin 2022. Car en effet, les ambitions sont élevées : parvenir à 18% de la SAU française cultivée en Bio en 2027.

Philippe Leymat, Président d’INTERBIO Nouvelle-Aquitaine

« Si demain le bio n’est pas reconnu et rémunéré à sa juste valeur, il y a un risque que les agriculteurs se déconvertissent et fassent quasiment pareil mais sans le label. » poursuit-il. Sa crainte : voir s’accentuer le décalage et l’incompréhension du grand public « déjà noyé ». Entre Bio, HVE, Zéro résidu de pesticides et autres, il y a sans doute de quoi. Une confusion un peu trop entretenue au goût du président d’Interbio NA. « On n’a pas de budget de communication significatif au niveau national pour dire et redire ce qu’est le Bio… et pourtant on cotise à toutes les filières, il y aurait de quoi ! »

Le Bio n’a pas à peser uniquement sur le budget alimentaire des français

Autre piste pour maintenir la production à flot : « Il faudrait pouvoir valoriser nos efforts à travers les Paiements pour Services Environnementaux. C’est scientifiquement prouvé : cette agriculture a un impact favorable sur l’eau et globalement la terre, elle n’a pas à peser uniquement sur le budget alimentaire des français. » Et de citer le modèle allemand qui prend en charge dans les cantines des écoles, les surcoûts alimentaires liés au bio. « Chez nous, la loi Egalim qui impose 50% de produit de qualité dont 20% de Bio dans la restauration collective, n’est même pas sanctionnante, même si certaines collectivités jouent le jeu au-delà des objectifs de la loi ».

Pour autant, il reste confiant. « On ne pourra pas s’exonérer du bio car c’est une vraie demande de fond de la société », sourit-il. Et la nouvelle génération continue de faire le choix du Bio : 37% des installations en Nouvelle-Aquitaine sont en Bio. « Les jeunes sont sensibilisés, ils vont au Bio par conviction. Mais il faut aussi qu’ils aient une visibilité à moyen et long termes ».

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