L’actualité du Roman : Son dernier coup d’archet


Editions Lire des Marges

L'actualité du Roman : Son dernier coup d’archet

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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 25/03/2019 PAR Bernard Daguerre

Sotie, brûlot, bourré à craquer de nonsenses et de mauvais jeux de mots délibérément revendiqués, l’homme qui se souvient de sa mort est un objet littéraire difficilement identifiable ; mais est-ce bien nécessaire ? Prenons plutôt une entrée logique et explicative : un homme se penche sur son passé au seuil de sa mort et remonte l’horloge de son temps personnel. Oui, mais qui est-il ? Le narrateur s’adresse à lui en le tutoyant et passe vite de l’état post mortem à un état embryonnaire : comme dans le célèbre roman anglais Tristram Shandy ( texte fondateur de notre bagage littéraire européen ) le personnage existe déjà en état intra utérin ; et son existence est ainsi énoncée : « nous parlons d’un état dans lequel aucune chronologie ne paraît pertinente, où l’on ne distingue pas l’avant de l’après. Le temps est un jambon découpé en tranches discontinues, mélangées par un joueur de poker professionnel qui triche. L’enfance est postérieure à l’âge adulte, tout le monde le sait mais personne ne s’en vante ». Dès lors le lecteur est entraîné, vagabondant tout au long d’un périple loufoque, cultivant une auto- dérision réjouissante  ; sans logique (et pourtant les formules mathématiques propres à contenir l’espace- temps de l’histoire affleurent parfois), cauchemardesque aussi lorsque le héros, jeune, se trouve enfermé dans un bunker de notre côte atlantique, manquant d’être enseveli sous le sable qu’il a imprudemment creusé…Le salut par l’évasion lui vient alors d’un scaphandre trouvé au fond l’Océan grâce auquel il échappe à la vigilance de deux individus vêtus de gabardines grises et coiffés de chapeaux de feutre le long de couloirs d’un train, puis d’un métro…Des passages dans un cirque, puis dans un gouffre, parsèment encore sa vie mais surtout la rencontre avec Lorimar Miller, douce et mystérieuse figure féminine comme échappée d’un film d’Orson Welles (au hasard Citizen Kane ?), et glorifiée par pas moins de 155 épithètes, adjectifs, participes présents… Joyeusement les comptes sont réglés avec la religion (Lourdes et « sa célèbre piste d’atterrissage des Enceintes-Vierges ») et avec un monument de la littérature européenne, Le Petit Prince, sévèrement canonné à plusieurs reprises jusqu’à couler définitivement au fond de notre mémoire.

Un délicieux plaisir de lecture rehaussé par un style fluide et élégant, proprement cinématographique, léger comme du Queneau, iconoclaste et tendre comme un poème de Prévert. Merci, Yvan !

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