Législatives en Gironde : casting XXL pour la troisième circonscription


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Législatives en Gironde : casting XXL pour la troisième circonscription

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Temps de lecture 9 min

Publication PUBLIÉ LE 07/06/2017 PAR Romain Béteille

Difficile, par exemple, de s’y retrouver pour le néophyte entre La France Insoumise et « La France en commun », programme défendu par le PCF et sa candidate locale, Isabelle Taris. L’accord entre Benoît Hamon et Yannick Jadot paraît loin derrière, et la candidate socialiste reste favorite, même après la débandade du PS aux présidentielles. La droite, elle, reste orpheline de tout accord avec l’UDI; l’ancien candidat républicain Jean-Louis Grattepanche s’est désisté avant le début officiel de la campagne et le candidat républicain, Alexandre Gourd, se définissait il y a quelques jours à peine comme un « insoumis de droite ». Les deux partis historiques sont donc fracturés, et la circonscription n’apparaît pas du tout comme stratégique aux yeux du Front National (le candidat désigné, Bruno Paluteau, avait tout de même terminé quatrième  avec 9,2% en 2012 dans la même circonscription), qui lui préfèrera notamment le Médoc où il est bien plus fortement implanté. 

Du reste, d’autres formations sont également présentes sur l’échiquier, avec des fortunes diverses : UPR, Nouvelle Donne, « France Victorieuse », « Debout la France » et même la présence de trois indépendants sans étiquette, dont Olivier Cazaux, membre d’EELV ayant passé un accord avec la candidate socialiste pour ne pas être investi par le parti. Si vous perdez un peu le fil, c’est normal. Impossible pour nous d’être exhaustifs et de les interroger tous, mais nous avons quand même essayé de nous immiscer dans les campagnes de quatre candidats pour prendre un peu la température, à quelques jours de l’annonce des résultats du premier tour. Naïma Charaï (PS), Marik Fetouh (En Marche), Loïc Prud’homme (France Insoumise) et Isabelle Taris (PCF) font donc partie du casting des interrogés. Ils n’ont pas été choisis au hasard : de l’aveu même de certains élus, il s’agit des trois formations qui pourraient dessiner une triangulaire le 11 juin, si les tendances de la précédente élection se confirment. Tous essaient en tout cas de tirer leur épingle du jeu dans une campagne aux airs d’encombrement. 

NaÏma Charaï échange les rôles

En 2012, c’était elle la suppléante de Noël Mamère. Un matin pris au hasard de son calendrier, on peut le voir sur l’affiche qu’un journaliste de LCP a porté avec lui. Naïma Charaï, l’air souriant, fait le tour d’un marché à Bègles. Quelques mètres plus loin, des « camarades » distribuent eux aussi des tracts pour la candidate PCF, sans discrétion aucune. On sent parfois de la défiance chez les gens qui refusent le papier qu’on leur tend, mais l’essentiel des discussions reste cordial. Ce n’est plus un secret d’alcôve, pour beaucoup l’histoire se répète. De l’aveu même de Fabien Robert, élu à la ville de Bordeaux en charge de la culture et mandataire financier de la campagne de Marik Fetouh, « il est clair que le tandem du titulaire qui devient suppléant ne sera qu’une continuité de ce qui s’est pratiqué dans cette circonscription depuis trop d’années ». Ce qui n’est, bien sûr, pas du tout l’avis de l’intéressée. « Je suis sereine, confiante », nous déclarait-t-elle au moment du début de la campagne officielle sur un terrain qu’elle parcourt depuis décembre.

« Je fais campagne depuis plusieurs mois. Je suis très heureuse que Noël Mamère m’accompagne, je reprends le flambeau d’une grande figure de l’écologie politique. C’est un gage important par rapport à la gauche. Je n’ai pas d’adversaire à gauche mais je combattrai de manière ferme une droite conservatrice, dure, qui souhaite remettre en cause un certain nombre d’acquis sociaux. Je suis tout à fait à l’aise par rapport à ça ». Chacun a sa petite originalité. Le programme de Naïma Charaï n’est pas vraiment celui de Benoît Hamon, à qui elle a affiché son soutien pendant toute la présidentielle. « Il a été co-élaboré avec les citoyens au cours d’un atelier dans chaque commune autour des thèmes de la transition (démocratique, écologique et sociale) et du vivre ensemble. C’est une démarche un peu différente ».

Son passé et son ancrage local sont clairement un argument de campagne fort auprès des habitants pour NaïmaCharaï : habitante de Talence, issue d’une famille de parents ouvriers, elle fait également partie du conseil d’administration de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. « Je suis une femme issue de la diversité, c’est important qu’il y ait un renouvellement social. Je porte un certain nombre de convictions mais les différentes formations à gauche ont vocation à être ensemble, c’est le sens de cette candidature ». Autre fait notable parmi les propositions du programme, le non cumul des mandats. Conseillère régionale depuis 2004, elle affirme vouloir être « une députée à temps plein pour répondre aux attentes et porter des propositions de loi ». Pour cela, dit-t-elle, il faudra organiser « un conseil de circonscription dans lequel des citoyens seront tirés au sort et pourront saisir directement le député sur des textes de loi ». 

Marik Fetouh se met En Marche

Le candidat d’En Marche, quant-à-lui, a choisi un café Place de la Victoire, à Bordeaux, pour évoquer ses axes de campagne. Ancien du MoDem (on peut le voir, en tout petit, au dos de son tract de campagne), il a rejoint le mouvement d’Emmanuel Macron en février dernier, très clair sur ses ambitions et sa fidélité à Alain Juppé. « Le résultat des primaires n’a pas été à la hauteur de nos attentes. Avec son accord en janvier, j’ai fait le choix de soutenir Emmanuel Macron parce qu’il avait le même discours de dépassement des clivages. J’estimais que François Bayrou ne changerait pas la donne, raison pour laquelle j’ai soutenu Macron avant que ce dernier ne se positionne ». Marik Fetouh revendique aussi ses racines béglaises, et on retrouve quelques initiatives de contexte local dans son programme national construit autour de trois piliers : emploi, éducation et logement. Sans faire de liste à la Prévert, il cite quelques idées fortes. « Il y a des points sur lesquels je serai particulièrement attentif et investi. Le premier, c’est la question du renouvellement politique. Cela passera par la mise en place d’une démarche participative à deux niveaux : une plateforme numérique pour consulter les habitants de la circonscription sur les sujets qui les concernent directement. Le second, c’est la question de la sécurité, notamment la prostitution qui touche Bordeaux Sud et Bègles, il semble que la loi votée début 2016 ait aggravé le problème. Concernant la gestion de la réserve parlementaire, nous comptons lancer un appel à projets avec un jury de citoyens et développer le principe d’équité des territoires, ce qui changera notoirement de la gestion de réserve du député sortant. Sur le dernier quinquennat, la réserve parlementaire a été investie autour de 4% pour Villenave d’Ornon, 5% pour Talence et 45% pour Bègles. On se demande quels seraient les chiffres aujourd’hui s’il n’y avait pas eu l’obligation de publication sur le site de l’Assemblée Nationale en 2013… », tempère-t-il.

Sécurité, développement durable, lutte contre les discriminations et interdiction des pesticides dans un cadre plus municipal sont quelques uns des autres points importants de la campagne du candidat En Marche, qui se décline également sous la forme de café-débat, et autre pique-nique citoyen, en plus des autres méthodes traditionnelles. Héritier d’un fort engagement en faveur de l’égalité et de la citoyenneté (il est adjoint à ce poste à la mairie de Bordeaux), ce dernier insiste aussi sur les « quatre quartiers politique de la ville » de la circonscription (deux à Bègles et un à Bordeaux et Talence)  et sur la lutte contre les difficultés d’embauche en raison de l’origine. « La loi, à mon sens, est suffisante. Le Code Pénal sanctionne une discrimination de trois ans de prison et d 45 000 euros d’amende. Le problème, c’est qu’elle n’est pas appliquée. Je serai en faveur de remobiliser les parquets pour qu’ils se penchent plus sérieusement sur la question ». Un projet « moderne, qui évite les clivages », c’est ainsi que les soutiens à Marik Fetouh évoquent sa candidature. Son ancrage local rallonge logiquement cette liste : le maire de Talence Alain Cazabonne, l’adjointe au maire de Villenave d’Ornon Christine Bonnefoy et l’adjoint chargé du quartier Bordeaux-Sud Alain Moga en font notamment partie, tous comptent surfer sur une vague Macron. « On sait très bien qu’une dynamique présidentielle va pousser les candidats d’Emmanuel Macron, le score de la France Insoumise va s’affaisser », prédit Marik Fetouh lorsqu’il est interrogé sur le contexte. « Sur le papier, il y a bien évidemment un boulevard, d’autant plus qu’il y a un fractionnement des deux côtés. La seule force qui est rassemblée aujourd’hui sans candidature dissidente, c’est la nôtre. En même temps, une élection n’est jamais gagnée d’avance ».  

Tout en commun… ou presque

Sur les tracts du PCF distribués un peu partout, on pourrait facilement échanger les rôles. Il y est question de Jean-Luc Mélenchon et de son programme, l’avenir en commun. Pourtant, deux candidats s’affrontent. Du côté de Loïc Prud’homme (France Insoumise), on organise des « réunions de place » éphémères dans un local de campagne mobile (en fait, une tente sous laquelle on retrouve les grandes lignes du programme national). Nous l’interrogions au moment de l’inauguration officielle de ce local un peu particulier et de la nomination de Bruno Le Maire au Ministère de l’Économie. « Ceux qui doutaient que Macron est un président de droite n’ont plus de doute. C’est le grand recyclage, la grande lessiveuse qui continue. Ce qu’on revendique, c’est une cohérence en portant le même programme que l’Avenir en Commun, les électeurs qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon s’y retrouvent. On a vu des plateformes qui ont varié. Il ne reste plus rien du programme du PS pour les législatives. On regarde un peut tout ça s’effondrer autour de nous, on est encore plus convaincus que notre stratégie est la bonne ». »Clarté » et « visibilité » sont les mots qui viennent spontanément à ce technicien de 47 ans, ancien candidat sur la liste Front de Gauche en 2014, pour décrire sa ligne politique. Pas sûr que les électeurs soient d’accord, au vu du paysage politique qui se dessine dans cette circonscription. En parlant du PCF, Loïc Prud’homme affirme avoir joué le jeu : « ils ont fait le choix de poursuivre leur chemin tout seul, mais le rassemblement était cadré au départ ».

C’est peu dire que les consignes de vote de Jean-Luc Mélenchon ont semé la zizanie dans les rangs de l’extrême-gauche. Au local du PCF, à Bègles, Isabelle Taris nous tend le programme intitulé « La France en Commun », dessiné il y a un an et demi avant le départ de Mélenchon en campagne. Pour cette infirmière à l’hôpital Bagatelle de Talence, le constat est plutôt amer. « On ne s’attendait pas à ce qu’il parte tout seul comme ça. Ça a été une mauvaise surprise. Il y a un travail d’élaboration issu du Front de Gauche qui pouvait certainement aboutir sur un travail de mise en commun de nos idées. On n’allait pas tout arrêter. Derrière cette hyper personnification d’une campagne, tous les communistes ne se retrouvent pas. Nous n’avions pas misé sur les présidentielles, on est réalistes.On ne peut que déplorer que ce rassemblement de la gauche n’ait pas pu se faire, surtout quand on a tant d’idées en commun. La proposition de France Insoumise était d’avoir des postes de titulaires partout et de nous laisser en suppléants. Ca n’était pas possible pour nous. Même si beaucoup de gens veulent notre disparition, on disparaîtra quand on en aura envie », affirme cette dernière.

Côté programme, les deux insistent sur le maintien des services publics, notamment de l’offre de soin (le projet de fusion entre Robert Picqué et Bagatelle, notamment) et la lutte contre la disparition du frêt. Pour le reste, Isabelle Taris laisse la question de la sécurité en suspend. « Il y a un très fort réseau associatif sur Bègles depuis des années. Les question de la prostitution, des migrants et des réfugiés, c’est quelque chose qui est géré et connu de ces associations depuis des années. On connaît tellement ces sujets qu’on n’en fait pas un point particulier dans notre campagne. On est ancrés, mais ça doit constituer insuffisamment de monde en termes électoral puisqu’on n’est jamais élus d’une manière majoritaire. C’est vrai aussi qu’on n’a pas les moyens de sortir « la grosse Bertha » dans la campagne. On la mène avec les moyens qu’on a ». Le principal adversaire du candidat mélenchonniste, c’est peut-être la seule chose claire dans cette dichotomie communiste (sans compter le fait qu’il y ait également un candidat Force Ouvrière) : « c’est l’abstention, même si on ne la craint pas. On ne craint personne, on n’a rien à perdre ». Certains de leurs adversaires sont en revanche d’avantage conscients de ce qu’ils ont à gagner. 

Les candidats : Danielle Berdoyes (Parti animaliste), Olivier Cazaux (indépendant), Naïma Charaï (PS), Joël Chassaigne (indépendant), Pascal Chauvet (Rassemblement du peuple souverain), Jean-Marc Ferrari (Mouvement écologiste indépendant), Marik Fetouh (La République en marche), Alexandre Gourd (Les Républicains), Thomas Holbing (indépendant), Wilfrid Issanga (France victorieuse), Nathalie Le Guen (Souveraineté Identité et Libertés), Eric Marhadour (Force Ouvrière), Françoise Matha Stepani (UDI), Badia Messaoud (Ma Voix), Mikael Millac (Rassemblement des républicains français), Bruno Paluteau (FN), Alain Perrier (Nouvelle Donne), Loïc Prud’homme (France Insoumise), Sascha Rey-Capdepon (UPR), Isabelle Taris (PCF), Cécile Teulon (Alliance Écologiste Indépendante). 

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