Interview: Vincent Feltesse veut amener une nouvelle façon de vivre dans la Communauté urbaine de Bordeaux


Isabelle Camus

Interview: Vincent Feltesse veut amener une nouvelle façon de vivre dans la Communauté urbaine de Bordeaux

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 28/01/2011 PAR Nicolas César

Aqui! : Que se dit-on quand on est un jeune élu – en France être président d’une communauté urbaine comme Bordeaux à 40 ans, c’était jeune – et que l’on est en situation de piloter un projet d’agglomération millionnaire avec une vingtaine d’années devant soi?

Vincent Feltesse : C’est une aventure formidable. Je prends énormément de plaisir en essayant de mélanger action, réflexion, participation…J’ai été élu au même âge que Michel Sainte-Marie (aujourd’hui député-maire de Mérignac) et plus jeune qu’Alain Juppé. J’ai eu droit à un très beau poste d’observation par la présidence de l’agence d’urbanisme à partir de 2001. J’ai appris beaucoup de choses. Et en même temps j’étais maire d’une petite commune, Blanquefort, qui n’était pas considérée comme dangereuse pour les autres… Par ailleurs ayant été, aussi, directeur de cabinet d’Alain Rousset à la Région Aquitaine et ayant connu un cabinet ministériel, un certain niveau de responsabilité donc, j’avais accès à l’ensemble des enjeux et du jeu politique mais, avec deux sièges de conseillers communautaires, le sentiment pouvait prévaloir que Blanquefort n’allait pas annexer Mérignac, Pessac ou Bordeaux!… Ce furent quelques années de maturation particulière. La matière urbanistique et architecturale m’a passionné. J’ai rencontré plein de gens et comme j’avais des responsabilités nationales au PS, que je suis amoureux des voyages, j’ai pu regarder comment ça fonctionnait ailleurs, en Europe et dans le monde.

Quand j’accède à la présidence de la CUB, c’est un peu un hasard. J’ai remporté de peu le vote interne. Mais je suis arrivé avec une vision du territoire. Dès juillet 2007, dans mon discours, j’ai posé le cadre conceptuel pour utiliser un terme pompeux. Et j’ai eu la chance d’accèder à cette responsabilité, même si le pays est en crise, à un moment où le territoire ne va pas trop mal, est assez dynamique, compte tenu de ce qui y a été fait depuis 1995-1998; 1995 avec Alain Juppé, 1998 avec Alain Rousset à la Région. J’arrive à la tête de la CUB, bien plus avec une envie qu’avec un projet de carrière.

Aurais-je une approche générationelle différente? Peut être…  Je le dis, en manière de pied de nez: je suis né en 1967, c’est la création de l’ANPE, je n’ai jamais connu le chômage à moins de deux millions de personnes. En 82-83 c’est l’arrivée du Sida… ça vous donne une vision du monde et des choses telle que vous comprenez que tout n’est pas si simple que ça, qu’ il y a des contraintes, que l’on n’est plus dans les trente glorieuses et qu’il faut faire avec cela. Quant au numérique dont vous me parlez comme si j’étais un expert, je n’y connais rien. C’est parce que les gens sont nuls, et qu’on est un pays indigne en terme de numérique, qu’on ose dire que j’y connais quelque chose. (coup de gueule)  Le numérique, c’est pour moi un marqueur générationnel plus qu’une passion.

Concertation: l’exemple du pont Jean-Jacques Bosc

@! :Puisqu’on parle du net évoquons cette initiative des » Concertations de la Communauté urbaine » : une pratique nouvelle ouverte aux citoyens à travers le net et dont on vient d’avoir un exemple intéressant à propos du projet de franchissement de la Garonne le futur pont Jean Jacques Bosc ? Qu’avez vous appris à cette occasion ?

V.F : Nous avons pris le parti d’essayer d’inventer une forme de démocratie participative au niveau d’une agglomération, d’une métropole. Ce n’est pas si facile que ça, et en plus on le fait à un moment où la plupart des communes en viennent à s’interroger sur les formes de démocratie locale qu’elles ont mise en place, les conseils de quartiers par exemple. On a décidé de le faire au niveau de la CUB avec toujours les mêmes principes, c’est à dire une grande transparence. Via le site de la concertation, les gens ont l’information à l’ identique des élus: c’est  assez nouveau. Et on a des moyens qui nous permettent de faire de belles concertations avec des garants, des panels citoyens… Les gens s’en emparent, participent ont toujours une réponse à apporter. Lors de la dernière réunion, à la salle du Son Tay, avec Alain Juppé il me dit: » le cabinet m’avait dit 30-40 personnes… « . Finalement ils étaient 300. Les gens s’étaient pris au jeu, s’appropriant le projet. Des suggestions m’ont agréablement surpris, notamment la notion qui est devenue consensuelle d’évolutivité du pont. Il ne faut pas qu’on fasse uniquement un pont pour 2016 mais qu’il puisse évoluer en 2025-2030. Il y a même la notion de pont habité qui est apparue. J’avais souhaité qu’après le pont Bacalan Bastide qui avait été pas mal contesté on soit exemplaire pour Jean-Jacques Bosc.

@! : Quel bilan faîtes-vous, justement, de l’expérience de la démocratie participative ?

V.F : Sur certaines questions, comme l’eau, l’assainissement, on a mis des moyens mais nous avons eu du mal à aller au-delà du cercle des initiés. Je suis passionné par la démocratie participative, mais je pense que nous n’avons pas encore trouvé le bon point d’équilibre en France. Si je me lance, comme cela, sans réflexion approfondie, sur la question de la métropole millionnaire, je vais me faire écharper. On me dira qu’il y a déjà trop de bouchons sur la rocade et que l’on ne veut pas augmenter le nombre d’habitants. Le projet de métropole n’est pas facile à vendre. Il faut pour cela arriver à rentrer dans l’intimité des gens, prendre du temps. Quand entre 95 et 2010 on a eu un projet urbain c’était assez facile à vendre: faire 43 kilomètres de tramway, un ou deux ponts, les quais, les espaces publics et les centres bourgs… en une minute tout le monde comprenait. Si vous dites on veut créer une métropole à la bordelaise et passer à un million d’habitants, c’est autre chose.

« Donner moins à voir mais plus à vivre »

@! : Parlons justement de la métropole, de la ville de demain que vous voulez inventer ?

V.F : On ne peut pas continuer à se développer sur le modèle de l’étalement urbain, qui a été celui de la France ces dernières décennies. L’enjeu entre le projet urbain et le projet métropolitain, c’est peut être de donner moins à voir mais plus à vivre. Nous devons densifier la ville, surtout que nous sommes arrivés au bout d’une logique dans la façon de nous déplacer. Ce n’est pas en ajoutant des ponts ou en mettant la rocade à 4 voies que tout va s’améliorer. Il faut qu’il y ait une bascule dans nos comportements. Je pense notamment au covoiturage, à l’autopartage. Actuellement, il y a une moyenne de 1,3 personne par véhicule sur la rocade.. C’est trop peu. Si vous passez à deux personnes par voiture ça bouleverse les choses. Je le dis en manière de formule: l’enjeu des années qui viennent sera le suivant: comment la voiture devient un transport collectif…Si on reste dans le modèle chacun a sa voiture avec une utilisation individuelle, sauf peut être le matin pour mettre les gamins à l’école, on ne s’en sort pas du tout. Il faut qu’on change nos grilles d’analyse, que la question soit peut être moins celle de la part de la voiture dans les déplacements que celle du temps d’embouteillage par jour ou de la consommation de CO2 sur l’aggomération. On a trop tendance à confondre outil et objectif. La difficulté consiste ensuite à construire un discours politique sur ces choses assez fines.

@:! L’un des enjeux aussi de ces prochaines années sera de limiter la flambée des prix du foncier qui devraient augmenter avec l’arrivée de la LGV, d’Euratlantique, que peut faire le politique ?

V.F : On ne peut que déplorer qu’il n’y ait pas de politique foncière en France. Ceci étant, nous avons des outils, notamment lorsque l’on oblige des promoteurs à construire de l’habitat social pour favoriser la mixité sociale. De plus, nous pouvons aujourd’hui faire de l’urbanisme négocié avec les PAE (Programme d’Aménagement d’Ensemble). Il s’agit notamment de faire payer aux promoteurs une partie des équipements publics car ce n’est pas uniquement aux pouvoirs publics de les financer. Sur la CUB, nous allons créer 50.000 logements supplémentaires d’ici 2030. Nous avons créé un contexte favorable pour éviter cette flambée des prix. Le politique a encore des marges de manoeuvres considérables dans ce domaine.

                                                                       Propos recueillis par Joël Aubert et Nicolas César


Photo : Isabelle Camus

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