Interview – Jean-Philippe Romero : Notre région est porteuse mais…


Compagnie Fiduciaire

Interview - Jean-Philippe Romero : Notre région est porteuse mais...

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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 07/05/2017 PAR Joël AUBERT

@qui! – Jean-Philippe Roméro, l’entreprise Compagnie Fiduciaire poursuit son développement dans la grande région.

Jean-Philippe Roméro – Oui, nous sommes très implantés dans la vie locale; chaque associé a la responsabilité et la direction d’un site au plus près de ses clients. Ce qui nous vaut d’avoir, aujourd’hui, 24 implantations en Grand sud ouest. Bordeaux c’est le berceau historique ou Christian Patrin a monté la société voilà 37 ans. Nous nous sommes développés autour de la couronne bordelaise et, maintenant, sommes implantés de façon importante sur Toulouse, Tarbes, Pau, Bayonne la Gascogne avec Nogaro et Aire-sur-l’adour, le Bassin d’Arcachon et plus au nord à Angoulême. Nous faisons, à la fois de la croissance interne et externe. Nous avons, aujourd’hui, onze mille clients de taille différente, et dans tous secteurs; aussi bien en agriculture que dans le secteur marchand ou la vie associative.

@qui! –  Cela vous permet d’avoir une vision de l’économie de ce Grand sud ouest. Comment l’appréhendez vous?

J.P R – La difficulté consiste à passer du cas individuel à la vision d’ensemble. Ce qu’ on peut dire, en tout cas, c’est que la conjoncture est favorable. Notre région est porteuse.  Au niveau régional, les indicateurs sont plutôt positifs; nous sommes une région touristique où l’activité bat son plein. A Bordeaux, le bâtiment est porteur.  Globalement il existe des perspectives très intéressantes.

Nous sommes implantés en zone urbaine et rurale. ll existe des difficultés en zone rurale d’ordre structurel, plutôt que conjoncturel pour trouver des relais de croissance. Mais nous qui sommes présents à Aire sur l’Adour, par exemple, nous sommes, aussi, au contact  de nos clients qui connaissent des difficultés économiques liées à la grippe aviaire.

Les PME ne sont pas assez impliquées dans la mutation digitale

@qui! – Quant à la création d’entreprises, la naissance de start up, vous qui avez mis en place un outil pour les accompagner, êtes bien placés pour observer les évolutions…

J.P R – ça fait partie des changements structurels: le digital rebat les cartes. Et les PME ne sont pas suffisamment impliquées dans cette mutation digitale. Si l’on compare avec d’autres pays européens on vit un paradoxe: nous sommes riches en start up, digital native – French Tech est aujourd’hui une réussite reconnue – mais la difficulté vient de la capacité du secteur traditionnel à évoluer et à intégrer, dans son mode opératoire, les nouvelles technologies. il y a là un véritable enjeu car, si on ne s’en préoccupe pas, ce que l’on va gagner d’un côté avec la nouvelle économie on va le perdre de l’autre en détruisant une partie du secteur traditionnel. Dans notre métier, et cela est lié au rapport que l’on peut avoir avec les dirigeants de PME et leur expert comptable, une étude a mis en évidence le fait que nos clients se répartissent en trois catégories: 20% qui sont dans l’attente d’un rapport très digital avec celui-ci et considèrent qu’il est indispensable que la relation passe par les nouveaux outils, 40% qui souhaitent la mixité, à la fois la relation de proximité physique et le digital comme une aide au conseil, 40% qui  ne souhaitent pas évoluer… On peut imaginer que la pyramide des âges aidant et l’évolution technique étant ce qu’elle est, il peut se produire un glisssement…

@aqui! – Face à ce constat comment s’organise votre offre de service?

JP. R – Face à cela nous déclinons notre offre de trois façons différentes: nous maintenons notre système actuel ; il y a une offre hybride depuis début 2017 où l’on associe le digital et la relation personnalisée de proximité, c’est iZzy et nous avons, par ailleurs, un cabinet dont l’enseigne est « ça compte pour moi » qui, lui, est un cabinet pur digital. Ce cabinet, il a été pensé de manière à pouvoir communiquer 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, avec son expert comptable: des web conférence, de la visio, des chatts…

 @qui! – Le contenu de votre métier doit donc évoluer de façon importante…

JP. R- Cela entraînera l’appauvrissement des tâches de tenues comptables. Les technologies le permettent, les règles fiscales l’encouragent car, d’ici quelques années, il y aura des obligations de produire des factures dématérialisées et de travailler, ainsi, avec l’Etat. Notre activité de teneur de comptes va considérablement s’appauvrir dans le temps, ce qui veut dire que le temps qui va être économisé sur cette partie là, où il existe peu de valeur ajoutée, il nous revient de le combler par plus de conseils. Et d’organiser un écosystème qui permette d’alimenter le client. Par exemple, nous travaillons beaucoup sur la proactivité, pour sortir, en temps réel, des tableaux de bord et des états de gestion. Du coup, nous sommes plus proches de nos clients pour pouvoir les alerter, soit que les affaires se dégradent ou, au contraire, se portent bien, auquel cas il faut peut être envisager des passages en société, de l’optimisation, des investissements….

 @qui! – D’une certaine manière vous évoluez un peu comme les banques le font…

JP. R – La banque a un environnement surtout  financier; nous c’est un système plus complexe qui prend en compte les éléments économiques, sociaux, fiscaux, juridiques de façon  beaucoup plus large. Aujourd’hui, seul l’expert comptable est capable de faire cela et d’intégrer toutes les compétences.

Travailler sur le cabinet du futur

@qui! – Mais est-ce que dans votre métier il n’existe pas, aussi, un risque d’ubérisation que, justement, les nouvelles tchnologies, le numérique, peuvent accélerer?

JP. R –  J’ai une maxime: agir pour ne pas subir … Il y a quelques années, avec nos associés,  nous sommes 28, nous avons entamé une réflexion sur l’évolution de nos métiers: Que sera le cabinet du futur? Nous sommes partis d’une page blanche, en intégrant, notamment, toutes les nouvelles technologies mais aussi en regardant ce qui se passe hors de nos frontières: en effet nous avons des règles professionnelles propres à la France qui ne sont pas forcément les mêmes en Europe et encore moins communes avec les pays anglo-saxons.. Hors, aujourd’hui, il existe des opérateurs internationaux dont les clients se comptent par millions et dont les moyens financiers nous dépassent très largement. Nous, nous appuyons beaucoup sur des relations de confiance avec nos clients. Nous nous sommes dits qu’il fallait être prévenants et capables de fournir un service dont ils auraient pu étre demandeurs Il y a des multinationales du chiffre, énormes comme Xero… il vaut mieux prévenir que guérir. Ils n’ont pas les moyens d’aller jusqu’au bout des missions, du fait de nos prérogatives d’exercice, mais cela dit rien n’est figé dans le temps et la barrière juridique n’était pas suffisante pour sécuriser la relation avec nos clients; il n’y a qu’à voir les taxis… Notre idée a été  d’anticiper ces changements qui se produiront… ou pas – il y a des tsunamis qu’on n’arrête pas et le digital c’en est un. Nous sommes donc capables de servir les trois familles que j’ai citées.

@qui! –  avec des outils dédiés que l’entreprise peut utiliser pour rentrer ces informations?

 JP. R – C’est du collaboratif. Notre client que lui demande-t-on de faire? je prends l’exemple du client classique, à minima un ou deux salariés qui nous dit : je vous amène les documents comptables et à vous de jouer. En général il classe ces documents, les met dans un classeur, il anote ses relevés de banque, il dit ce qu’il a payé… en fait il lui est demandé un travail administratif qui, de son côté, n’amène aucune valeur ajoutée… L’idée a été de dire comment imaginer un système informatique qui permette de faire faire un travail au client, pas plus ni moins que ce qu’il faisait avant sauf que là il a un retour sur investissement. Nos réponses ont consisté à signer  des conventions bancaires tripartites avec toutes les banques, tous les réseaux français, nos  clients et nous-mêmes pour récupérer les flux bancaires de toutes les opérations. Nous récupèrons ceux-ci; en temps réel le client va sur notre plateforme, son relevé de banque apparaît, à la différence que nous nous ne faisons pas de manipulations de fonds. Ensuite, nous avons mis au point un algorithme de reconnaissance des flux bancaires; cet algorithme apprend, au fur et à mesure que le temps s’écoule, à reconnaître les montants les libellés des opérations avec une proposition de pré-affectation, ce qui fait que l’on arrive à des taux de reconnaissance  aux alentours de 80%. Cela représente une économie de temps pour le client: déjà sur 100 opérations intégrées il y en a 80 reconnues pour lesquelles on lui propose une solution d’affectation. Tous les mois, à date, il a le prélèvement par exemple de son photocopieur qui tombe…cette opération est affectée; la seconde chose que l’on a souhaitée pour s’affranchir des contraintes techniques et de formation: nous avons vulgarisé la comptabilité. On a inventé une bibliothèque de pictogrammes qui correspond en fait  à des comptes comptables. Ces petits pictogrammess qui symbolisent des opérations d’entretien, d’honoraires,  de publicité, de frais de déplacements …. ça devient ludique car  je ne parle plus de compte  » 622 600  » qui ne vous parle pas… Votre comptabilité entre dans notre système, est reconnue à 80 % et pour 20 % vous allez prendre votre téléphone, votre ordinateur, votre tablette et cliquer sur vos opérations et affecter les pictogrammes. Derrière cela j’ai un véritable plan comptable,  et le tour de force c’est que je peux exploiter ces flux en trouvant  des indicateurs, en faisant des budgets, en tirant des alertes; je peux mener ma mission traditionnelle et présenter un plan comptable en bonne et due forme…

L’enjeu, dans notre rapport avec le client, c’est du gagnant-gagnant car, en réalité, le travail est amoindri pour le client qui en voit bien l’intérêt. Nous, notre enjeu, c’est de faire évoluer également le comportement professionnel de nos collaborateurs. D’une situation, où ils étaient en position de faire, ils vont devoir communiquer avec leurs clients, savoir si on peut les alerter, les aider, les accompagner, leur proposer des solutions, les orienter vers les services qui les aideront à règler leurs problèmes. Nos collaborateurs seront replacés comme des chefs d’orchestre, au coeur de la relation avec leurs clients et cela implique  de les former.


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