Haut-débit : la promesse girondine


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Haut-débit : la promesse girondine

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 25/01/2018 PAR Romain Béteille

Droit numérique

« Amener la fibre au fond des campagnes, tout le monde s’en fout. Pas nous ». C’est le slogan officiel de la campagne de communication déployée sur le département dans le cadre du plan Gironde Haut Méga. Un plan ambitieux imaginé en 2015, qui part d’un constat simple. « Nous sommes le plus grand département de France. Pourtant, 50% de la population occupe 7% du territoire et l’autre motié sur les 93% restants. Il n’est pas logique que les opérateurs disent privilégier le déploiement sur la métropole et à Libourne parce que c’est plus rentable », a précisé ce jeudi 25 janvier Jean-Luc Gleyze pour expliquer les motiviations du département à entamer le chantier. Un « ras le bol », une « lassitude » des territoires ruraux de devoir attendre des heures pour envoyer un mail, voilà qui paraît être une réalité « lunaire » pour les habitants de la métropole selon Matthieu Rouveyre, mais une réalité quand même. À ce constat, une réponse : 28 800 kilomètres de fibre sur un secteur de 9375 mètres carrés pour permettre aux entreprises, équipements publics et particulier de bénéficier du très haut débit. « Internet n’est pas un service public au sens de la loi, mais nous devons revendiquer un droit numérique pour tous ». 

Intérêts privés

Derrière ces aspirations altruistes, il y a la réalité d’un marché et d’un montage financier qui puisse attirer les investisseurs. 2017 aura été l’année des négociations et des précisions du montage financier de l’opération. À l’arrivée, on se retrouve avec un investissement total de 669 millions d’euros, dont 115 millions (chiffre dont la répartition entre le département, l’État dans le cadre du plan France Très Haut Débit, la Région, les communautés de communes et d’agglomération et l’Europe doit encore être fixée) de financement public, le département et l’opérateur s’assurant que le reste proviendra de « la commercialisation du réseau », c’est à dire de son utilisation par les consommateurs. De 270 000 prises budgetisées, on est passé à 410 000, le tout dans un délai ramené à six ans, au lieu des dix ans initiaux. Enfin et surtout, le réseau sera pubiic et aura une délégation de service public (avec un réseau initial en affermage et les 28 800 kilomètres à construire en concession).

Les acteurs auxquels s’adressait ce montage étant loin d’être des philanthropes, il a fallu négocier plutôt durement, comme le précisaient ce matin les élus départementaux, qui ont choisi Orange parmi six opérateurs candidats et, ils l’assurent, pas parce qu’ils étaient les délégataires précédents. « Les opérateurs candidats ne jugeaient pas rentable de construire eux-mêmes un réseau privé. Or là, nous mobilisons la force, les fonds et l’investissement public pour réaliser l’infrastructure. À partir de ce moment là, il commence à devenir intéressant pour eux de produire le service. Ça n’est pas la même logique que s’ils prenaient tout en charge, sans compter que nous sommes sur un marché à 650 millions d’euros sur l’infrastructure et le déploiement avec 750 000 habitants qui peuvent être concernés, ça n’est donc pas un marché banal même s’il n’avait pas été jugé rentable ». Il faut dire que la donne a quelque peu changé entre le moment d’obtention du refus clair des opérateurs en 2015, celui du déploiement d’un premier plan d’urgence de Gironde Haut Méga dans 39 communes prioritaires dès avril 2016 et cette annonce de janvier 2018. « Le marché a évolué. Entre le moment où ils nous ont dit non en 2015 et aujourd’hui, on voit que le taux de commercialisation est très fort », explique Matthieu Rouveyre. « À l’époque, ils imaginaient leur rentabilité autour de l’abonnement à trente euros par mois; aujourd’hui ils font surtout de l’argent sur les services qu’ils vendent. Ça a pris un essor tel que les modèles économiques ont été bouleversés ». Ces propos rejoignent d’ailleurs ceux qu’un responsable régional chez SFR avait tenus lors de l’inauguration des premières armoires de fibre à Martignas il y a quelques jours, même si l’initiative est plus privée que celle du département. « La réalité de ces 30% de besoin supplémentaire en internet chaque année fait que le besoin en consommation et en services a changé. Sur un gros département comme la Gironde, ça devient intéressant ». 

Mais les closes du contrat passé avec l’opérateur qui « vous rapproche de l’essentiel » ne s’arrêtent pas là. Un Groupement ferme des utilisateurs sera constitué, ce qui permettra d’avoir la fibre gratuitement pour les sites publics : MDSI, centres routiers, SDIS ou écoles seront les premiers concernés. Une redevance sera aussi retenue auprès de l’opérateur pour financer des opérations favorisant l’inclusion numérique par la formation ou des aides à l’équipement potentielles. Enfin, une « clause de retour à meilleure fortune » permet de s’assurer qu’au terme du contrat d’exploitation passé (25 ans), Orange devra rembourser sa mise de départ en faisant des profits, et le département devrait en récupérer une partie même si la part exacte n’est pas encore totalement fixée. Enfin, le conseiller départemental Matthieu Rouveyre l’affirme : « de très grosses pénalités sont prévues en cas de non respect des délais » (de chantier). « On a même travaillé un biais selon lequel les candidats auraient pu intégrer dans leur réponse le paiement des pénalités, c’est pour ça qu’on a imaginé des pénalités très fortes dès le début. On va effectuer toutes les visites de chantier, on aura toutes les équipes des centres routiers départementaux pour les suivre. Un financement conséquent par le privé d’une délégation de service public, c’est la promesse affichée et défendue par le département de la Gironde. « C’est un challenge industriel car la fibre sera déployée en Gironde au même rythme que sur la métropole ». 

En route pour 2023

Il reste cependant quelques inconnues à ajuster. Premièrement, le volet « formation » et « inclusion numérique » devrait largement être discuté lors d’assises des solidarités numériques prévues en novembre prochain. Deuxièmement, le calendrier de déploiement concret n’est pas encore tout à fait arrêté et reste à ajuster « à la marge » pour savoir quelles communes seront les premières servies en fonction de la typologie et de l’importance de leurs besoins. Cependant, Pierre Ducout, le maire de Cestas et président du syndicat mixte Gironde Numérique l’assure : « Il y aura un démarrage des travaux dans toutes les intercommunalités en même temps ». Enfin, des réunions publiques doivent être organisées au cas par cas sur tout le territoire « zone par zone » pour expliquer les enjeux et les réalisations concrètes que ce déploiement doit permettre.

« Il y a des territoires sur lesquels il y a déjà des fourreaux et où nous n’aurons plus qu’à y mettre la fibre, mais dans la plupart des cas il faudra les construire, avec un objectif demandé à l’opérateur d’en faire le maximum en lignes enterrées », assure-t-on au Conseil départemental. 2018 devrait être en tout cas l’année zéro, et même si le montage financier final des aides publiques est encore à ajuster, il semble déjà plus accessible que celui du partenariat public/privé de Gironde Haut-Débit en 2009, déjà contractualisé avec… Orange. À n’en pas douter, les premiers coups de pioches des 1224 chantiers organisés en Gironde devraient sonner fort. Quant-à savoir, concrètement, à quel moment vous pourrez avoir la fibre dans VOTRE commune, même s’il est trop tôt pour le dire, un « serveur d’éligibilité » devrait être mis en place sur le site internet de l’opération à compter du deuxième semestre 2018. 

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