Handicap : « il y a toujours pire que soi »


Yoan Denéchau

Handicap : « il y a toujours pire que soi »

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 03/05/2019 PAR Yoan DENECHAU

« Mon accident est un merveilleux malheur ». Michael Jérémiasz, quatre fois médaillé olympique de tennis-fauteuil, évoque son accident de ski lors de vacances d’hiver à Avoriaz, en 2000. Il a alors 18 ans. S’il reconnait la peur que lui inspirait sa paraplégie soudaine à l’époque, il revient, non sans humour sur sa nouvelle vie qui a démarré par la suite. Cette dernière a fait l’objet de deux livres. Le premier, « Mon fauteuil, mes amours mes emmerdes » (ed. Marabout, 2011), Michael Jérémiasz l’a écrit seul. « Ce qui explique que le langage ne soit pas très compliqué », s’amuse-t-il.

« Ma vie est un sport de combat » (ed. Michel Lafon, 2018) est le résultat de cinq mois d’entretien entre le tennisman et la journaliste et auteure Virginie Troussier. Pour ces deux autobiographies, « même si le second est plus une biographie », précise Michael Jérémiasz, l’objectif n’est pas la satisfaction de l’égo. « Je veux laisser une race de ma vie de mec en fauteuil, mais aussi de sportif », ajoute le Champion Olympique. Pour lui, le handicap ne doit pas être une barrière, et le sport de haut niveau est un formidable outil de (re)construction personnelle.

L’humour et le désir au service de soi

L’humour et le désir sont moteurs de reconstruction pour Michael Jérémiasz, au même titre que le sport. En effet, selon lui, « il faut rire de l’inacceptable, sans pour autant être cynique. Avec mes frères, nous nous en amusions très vite après l’accident. Je me suis retrouvé paraplégique, je suis en fauteuil roulant, c’est comme ça ».

Michael Jérémiasz

Le jeune retraité du tennis se remémore une anecdote. Lorsqu’il est alité à l’hôpital, à 18 ans, sa première préoccupation n’est pas de savoir s’il pourra marcher à nouveau, mais est-ce qu’il plaît toujours à ces dames ? « Je suis retourné à l’hôpital pendant une semaine pour une greffe osseuse, et je revois cette infirmière ravissante, qui me plaît mais je n’arrive pas à faire le premier pas. Le lendemain mes frères arrivent avec des sacs à dos. Mes frères ne portent jamais de sacs. Au moment de rentrer chez eux, ils ont mis ma petite sonnette pour appeler les infirmières en hauteur je n’arrivais plus à l’attraper ». Les frères de Michael Jérémiasz ont ensuite ouvert leurs sacs à dos et en sortent des magazines avec des photos ‘osées’, les découpent et les collent partout dans la chambre. « En sortant, ils me disent ‘allez, bon courage gros’, et appuient sur la sonnette… l’avantage c’est que ça a brisé la glace entre moi et l’infirmière, avec qui je suis sorti quelque temps ». Le désir, base de cette anecdote au même titre que l’humour, est également un moteur de reconstruction important aux yeux de Michael Jérémiasz. Selon lui, il est nécessaire « d’accepter ce qu’on ne peut plus faire et se concentrer ce qu’on peut faire ».


Arrivée en centre de rééducation et carrière sportive fulgurante

Et justement, de capacité il en est question pour Michael Jérémiasz. Que ce soit dans sa carrière handisport ou lors de son arrivée en centre de rééducation, où il s’est senti utile pour la première fois depuis son accident. « Lorsque vous arrivez en centre de rééducation, vous ne choisissez pas votre voisin de chambre, raconte Michael Jeremiasz. En colocation, vous choisissez votre camarade de chambrée. J’ai passé une semaine seul du côté ‘aigu’, avant d’arriver dans ma chambre, où j’ai rencontré Philippe, un ‘tétra’ ». Pour le porte -drapeau de l’Équipe de France Paralympique, partager son quotidien avec un inconnu, qui plus est n’ayant jamais été confronté au handicap auparavant n’a pas été facile. C’est pourtant à ce moment-là que Michael Jérémiasz s’est senti utile pour la première fois depuis son accident. « Là première nuit avec Philippe au centre de rééducation, il était encombré, une sorte de sinusite. Sauf que lui à cause de sa tétraplégie, il ne pouvait pas respirer ni se dégager… J’ai passé la nuit à appeler les infirmiers parce que j’avais peur qu’il s’étouffe. Le lendemain matin on s’est regardé, on venait de partager un moment fort. A partir de là, je me suis dit qu’il y avait toujours pire que soi. Ça m’a permis de relativiser sur mon handicap », se remémore le sportif.

Le sport a permis au tennisman de se reconstruire. Dès 2001, soit un an après son accident, Michael Jérémiasz est devenu champion de France de Tennis Fauteuil, avant, en 2004, de participer à sa première olympiade, où il a glané deux médailles : le bronze en simple, l’argent en double. Le tennisman raconte une discussion avec son frère à l’époque où il commençait le tennis fauteuil. « Mon frère me dit ‘en fait t’es fait pour le tennis fauteuil : mentalement et tactiquement tu étais bon, mais par contre tu avais un jeu de jambe de merde’ ». Michael Jérémiasz a pris sa retraite sportive en 2016, suite aux Jeux de Rio, avant d’intégrer le comité d’organisation de des Jeux de Paris 2024. Le Champion Olympique mène depuis « une vie pleine de surprises et qui sort des sentiers battus ». Afin de banaliser la différence et le handicap aux yeux du grand public, Michael Jérémiasz a fondé l’association ‘Comme les autres’ en 2011, « pour permettre aux handicapés de vivre les mêmes situations que les valides ».

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