Dans sa dernière étude, réalisée en partenariat avec le Pôle de compétitivité Aerospace Valley, l’Insee est formel. La filière aérospatiale du grand Sud-Ouest (Occitanie et Nouvelle-Aquitaine), composée de 1310 entreprises en 2022, est dans une dynamique très positive. Son chiffre d’affaires (113 Mds€) augmente de 18 % en 2022, après une hausse de 6 % en 2021. C’est trois fois plus que l’année précédente.
Une forte hausse en réalité portée par l’accélération de l’activité aéronautique, que confirme Bruno Darboux, président du pôle de compétitivité : « La reprise du trafic aérien est acquise au niveau pré-Covid, les carnets de commandes sont exceptionnellement pleins, les enjeux de décarbonation, portent beaucoup d’innovations et occupent de nombreux programmes tout comme la recherche autour des prochaines générations d’avions. La Défense aussi est en forte croissance avec de nombreuses commandes de Rafales », liste-t-il.
Le spatial loin de l’effervescence de l’aéronautique
Résultat : le chiffre d’affaires de l’aéronautique augmente de 19,7 % par rapport à 2021, après 5,7 % entre 2020 et 2021. La métallurgie et la construction aéronautique en sont les principaux bénéficiaires, la maintenance bien moins. Mais le secteur avait aussi bien moins souffert de la crise.
Le spatial, lui, est bien loin d’une telle effervescence. « L’activité progresse beaucoup plus modérément, le chiffre d’affaires augmente de 1,5 % en 2022 après +6% en 2021 », détaille Lionel Doisneau, responsable de la division Économie, à l’Insee Occitanie. L’année 2022 marque même un repli de l’activité industrielle. En cause, une concurrence rude à l’international face à Space X en quasi monopole, et une succession de retards sur le programme Ariane 6, explique Bruno Darboux.
4 900 emplois supplémentaires
Conséquence de l’amélioration globale de l’aérospatiale, les effectifs dédiés à la filière (115 900 salariés dans le Grand Sud-Ouest en 2022) repartent également à la hausse. Ils augmentent de 4,5 % en 2022, c’est 4 900 emplois supplémentaires, le tout pointe le statisticien « dans un contexte de ralentissement global de l’emploi tant dans l’industrie que dans le secteur marchand non agricole ». L’Occitanie tire un peu mieux son épingle du jeu avec des effectifs en hausse de 4,6 %, contre 4,2 % en Nouvelle-Aquitaine, mais il faut reconnaître que malgré une présence de l’aérospatiale répartie sur les deux régions, le pôle leader reste bel et bien le pôle de toulousain qui regroupe 61 % des emplois dédiés du secteur.
En 2022 l’emploi rebondit particulièrement dans la métallurgie (+6,3 %) et dans la construction aéronautique et spatiale (+4,4 %) qui a elle seule représente 44 % des emplois créés en 2022. Pour autant, même s’il s’en rapproche, le niveau global des effectifs n’a pas encore atteint celui d’avant-crise, le covid ayant détruit quelque 9 000 emplois. Exception à ce constat : le tertiaire. L’emploi dans l’ingénierie et dans les activités informatiques dépasse respectivement de 7 % et 3 % son niveau de 2019.
Matières premières et emplois sources de tensions
Malgré les bonnes nouvelles, le chiffre d’affaires de l’ensemble de la filière reste cependant encore en deçà de son niveau d’avant-crise (-2%), en raison d’un certains nombre de tension auxquelles ont dû faire face les entreprises, petites et grandes. « En 2021, la demande insuffisante était le principal obstacle au développement de l’activité. En 2022, la reprise de l’activité est freinée par la hausse du coût des matières premières et surtout par le manque de main-d’œuvre », révèle Lionel Doisneau. Pour plus de la moitié des entreprises, les surcoûts liés à l’inflation ont constitué un des principaux obstacles à leur activité.
Sur le recrutement trois entreprises sur cinq sont confrontées à un manque de main-d’œuvre, tant côté industrie qu’activités tertiaires. Deux problématiques d’importance qui se sont ajoutées à une troisième : des problèmes d’approvisionnement soulignés par la moitié des entreprises du secteur (contre 44 % en 2021).
Les freins à l’évolution de l’activité – source : enquête Filière aéronautique et spatiale dans le Grand Sud-Ouest 2022
Interrogés au premier semestre 2023 sur leurs perspectives pour le début de l’année, les chefs d’entreprise de la filière aéronautique ont estimé que l’activité a augmenté au premier semestre 2023 (par rapport au second semestre 2022) et plus fortement encore dans la construction aéronautique et la métallurgie. Dans le spatial, en revanche, la morosité perdure au premier semestre 2023, mais les chefs d’entreprise anticipent une activité qui repartirait à la hausse au second semestre, pariant notamment sur la fin des déboires d’Ariane 6.
86% des entreprises ont du mal à recruter
Face aux tensions croissantes pesant sur leurs capacités de production, les entreprises du grand Sud Ouest devraient poursuivre les embauches avec un besoin de recrutement qui reste élevé. Interrogés sur leurs perspectives, les chefs d’entreprise anticipent une hausse de l’effectif salarié dédié aux activités aérospatiales en 2023 au même rythme qu’en 2022.
Faut-il encore qu’ils puissent le faire : parmi les entreprises de la filière qui ont recruté ou ont prévu de recruter en 2023, les difficultés d’embauche deviennent quasi-systématiques, pointe le statisticien. « 86 % des entreprises, tout secteur et toute taille confondue, évoquent des difficultés en 2023 contre 78 % en 2022. Des difficultés liées à l’absence de candidats pour 90 % d’entre elles ou à la forte concurrence avec d’autres entreprises du même bassin d’emploi (pour 70%) ».
A cela, un autre type de difficulté apparaît pour le second semestre 2023, pointe le président d’Aerospace Valley.« Les difficultés financières se tendent sérieusement dans un contexte de remboursement des Prêts Garantis par l’État (PGE) accordés suite au Covid-19. Il faut aussi prendre en compte les besoins financiers permettant d’assurer la croissance industrielle, dont le financement des stocks et des approvisionnements, et les investissements nécessaires pour augmenter les cadences de production. Le sujet de la trésorerie des entreprises et leur situation de rentabilité doivent être mis sous la loupe,» avertit-il.