La rencontre d’un musicien et d’un circassien
A 44 ans, Roland Auzet a parcouru plus de territoires musicaux qu’il n’existe d’instruments de percussion. Compositeur à ces heures, adeptes d’instruments atypiques et exotiques, il est un chercheur de la musique contemporaine qui se plait à réinventer les sonorités. Jérôme Thomas est lui jongleur à l’âme musicienne, aimant pratiquer l’improvisation et travailler entouré de jazzmen. Tous deux explorateurs de leur discipline, le face à face orchestré par Mathurin Bolze ne pouvait que se situer hors des sentiers battus. Imaginez ce que peut provoquer sur scène la rencontre de ces hommes, tous deux prompts à créer des univers singuliers et dotés d’un certain cachet. En réalité… pas grand chose d’extravagant, pas de grande démonstration de dextérité, ni d’esbrouffe musicale, pas de choc théâtral ou circassien, mais simplement un agréable moment, une promenade poétique comme on le dit parfois. Lorsque le jonglage rencontre la musique, il crée un univers sensible et élégant où l’imaginaire peut se laisser aller à d’autres formes de plaisirs.
Un apprentissage du « musicojonglage »
Le plaisir d’écouter avant tout, une bande sonore contemporaine travaillée, aux sonorités souvent non identifiables entre bruissements exotiques, industriels, métalliques ou cristallins. Entourés d’étranges instruments en bois imaginés par Robert Hebrard, les deux hommes déplient les lignes de leur spectacle et agitent le culbuto musical, la grande roue à corde, la boule suspendue au plafond, le cube gigantesque et autre xylophone non conventionnel. Il s’agira d’explorer la musicalité brute de ces objets et de les accompagner en duo avec un interlocuteur tout trouvé : la balle blanche. Car il fallait être jongleur mélomane pour se douter que le rebond d’une balle serait le meilleur allié rythmique. Face à ce constat, les deux hommes n’ont plus qu’à fusionner leurs disciplines pour se livrer à un apprentissage du « musicojonglage », nous guidant bien au delà des fameuses notes du cirque Fratellini. Le son et l’image. Au delà de la grâce incontestable des instruments, la mise en lumière souligne également chaque moment avec soin. Du plan serré aux éclairages plus larges, un halo rouge suivi d’une lumière incandescente orange ou or subliment les instruments jusqu’à ce bleu turquoise tout à fait inédit. On en oublierait presque les deux personnages, silhouettes volatiles vêtues de noir. Discrets orchestrateurs de ce nouvel élan théâtral, au sein duquel ils ont eu l’intelligente humilité de donner plus de vie à ce cabinet de curiosité qu’à leur propre folie.
Photo : Julien Piffaut
Deux hommes jonglaient dans leur tête de Roland Auzet et Jérôme Thomas
Théâtre des 4 saisons de Gradignan le 15 décembre
www.t4saisons.com