Affûtez vos sens, cette année encore, ils vont être mis à rude épreuve. La quatrième édition du Festival International du Film Indépendant de Bordeaux (ou Fifib, pour les intimes) se tiendra du 8 au 14 octobre prochain. Au programme, 83 projections et un objectif de 15 000 festivaliers pour un coût total de 500 000 euros (partenariats compris), on comprend donc facilement l’enjeu d’un tel évènement.
Avant l’été, comme c’est le cas depuis la première édition, l’organisation a dévoilé une affiche et un film annonce. Funky, flashy et un peu rétro, cette courte présentation annonce la couleur : le thème du héros sera le thème central de cette édition 2015. « On a voulu essayer de faire une réflexion autour de l’identité du héros de cinéma. Avec toute cette vague autour de Charlie, la question de l’identité et la reprise du héros, entre le traditionnel et la recherche de la performance, on développe des icônes qui sont très différentes des héros de notre quotidien » affirme Johanna Caraire, co-fondatrice et co-directrice du Fifib.
Un virage pop » On a décidé de prendre un virage pop, de changer de réalisateur, on rentre dans l’univers d’un artiste qui s’inspire beaucoup des années 90″, rajoute-t-elle. A la réalisation du film annonce, on retrouve des têtes connues : Caroline Poggi et Jonathan Vinel, lauréats de la compétition court-métrage du fifib 2014 et Ours d’Or à Berlin. Mais Johanna l’assure, le festival ne s’adresse pas forcément aux réalisateurs installés : « il n’y a qu’une limite artistique. Certains réalisateurs font découvrir leur tout premier film, d’autres en sont déjà à l’étape suivante. Certains débutent à peine dans le milieu, il n’y a aucune règle précise, c’est totalement subjectif ». La preuve : Selim Bentounes, jeune réalisateur au parcours étonnant rencontré lors de la troisième édition, présentait à l’époque son premier court métrage (et serait en écriture pour un moyen ou un long métrage tourné prochainement).
Pour faire monter encore un peu plus le buzz autour du festival automnal, les organisateurs ont eu l’idée, comme chaque année, de proposer une campagne de financement participatif via Ulule. L’objectif, de 6000 euros, n’a pour l’heure toujours pas été atteint, alors que la campagne se termine le 9 juillet (4353 euros ont été récoltés, soit 72 % de l’objectif). Une campagne de crowdfunding un peu particulière, comme le souligne Pauline Reiffers, elle aussi co-directrice. « Nous ne sommes pas touchés pour l’instant par la baisse des subventions, car les budgets étaient en baisse et la crise était déjà là lorsque nous sommes arrivés. Les contreparties, elles, sont basées sur l’expérience du festival, elles ont vocation à inclure un peu plus le public ».
Le crowdfunding, boudé ? Ainsi, pour 10 euros ou plus, le donateur a droit à divers goodies et « un café chaque jour au village du festival », situé Cour Mably : une autre manière d’ouvrir le festival au plus grand nombre et de véhiculer une image d’un évènement plus « open-source » et interactif. Dans ce cadre et pour la première fois dans sa jeune histoire, le Fifib organisera, pendant toute sa durée, une projection gratuite tous les soirs ouverte aux curieux et aux fans de ciné indé. Une preuve de plus que l’ouverture est un enjeu majeur. La campagne a tout de même été rallongée de 10 jours, et Johanna Caraire pense avoir trouvé la principale raison à cette obligation.
« Le financement participatif marche moins bien en France, les gens sont habitués à une culture subventionnée. Tout le monde attend toujours les derniers jours pour donner. Mais pour la première fois, on voit arriver des donateurs qu’on ne connaît pas du tout. C’est une nouveauté et ça nous conforte dans le fait qu’il y a quelque chose qui fonctionne. Certains donnent juste parce qu’ils aiment le projet ». Reste qu’environ la moitié des contributeurs (62 en tout) sont des visages connus : partenaires, habitués ou même réalisateurs et acteurs qui viennent présenter leur projet. L’objectif principal de cette campagne à la somme volontairement limitée (comparée au coût global du festival) : développer l’aménagement technique du village, la scénographie, l’aménagement technique de la soirée d’ouverture qui se déroulera au Rocher de Palmer, à Cenon, et la part la plus importante : les différents cachets des artistes.
Une filière qui monte, qui monte…Si le festival semble vouloir durer, c’est aussi, comme l’explique Joanna, à cause d’une certaine montée en puissance de l’industrie du cinéma en Aquitaine. « Il y a de plus en plus de talents régionaux qui émergent. Mais c’est une démarche artistique et culturelle plus qu’une économie et une industrie. Le fort soutien de la région au cinéma indépendant est aussi un pari compliqué, parce que ce n’est pas le secteur qui rapporte le plus, il y a une certaine précarité, contrairement au monde de l’audiovisuel par exemple ».
Mais entre les différents festivals de cinéma de la future grande région, (La Rochelle, Angoulème, Brives, ect), un long chantier de structuration reste tout de même à faire dans cette filière locale naissante. « On aimerait collaborer avec tous ces festivals de la future région dans une dimension professionnelle, travailler avec eux pour organiser des rendez-vous pros, ou même les accueillir à Bordeaux. Il y a plein de passerelles à faire ». Sans trop s’avancer, on peut imaginer que la campagne de financement atteindra ses objectifs avant la date limite. En s’avançant un peu plus, pourquoi ne pas imaginer, dans 10 ans, un Festival du Film Indépendant d’Aquitaine ? Pour les fondatrices, tout est possible. « Maintenant que l’identité à été reconnue, l’important c’est que ça reste hors de toute visée commerciale, que ce soit vraiment un lieu d’échanges, avec des films de qualité et de belles rencontres ».
Infos pratiques
Le site officiel du Festival : http://www.fifib.com/
La campagne de crowdfunding sur Ulule : https://fr.ulule.com/4eme-fifib/