Des représentants d’associations reçus à la préfecture après l’expulsion d’une famille albanaise


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Des représentants d'associations reçus à la préfecture après l'expulsion d'une famille albanaise

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 25/09/2018 PAR Romain Béteille

Derrière la loi

Ce mardi, devant l’école Saint-Bruno, à Mériadeck, dans laquelle étaient scolarisés les deux enfants, les représentants de Resf ont tenu à alerter une nouvelle fois sur une décision considérée comme « innaceptable ». La famille avait été plusieurs fois déboutée : d’abord pour une demande de droit d’asile puis une demande de régularisation. Elle avait fait appel de l’OQTF mais le recours devant le tribunal administratif n’avait pas de valeur suspensive.


« Resf33 et le comité de soutien sur l’école avaient été reçus en audience collective par le Secrétaire Général de la Préfecture en avril 2017 et nous avions pu exprimer notre soutien à la famille et demandé une régularisation. Cette mesure d’expulsion a donc été prise et organisée en toute connaissance de cause par la Préfecture », a ainsi dénoncé le collectif après avoir fait circuler une pétition ayant recueilli une centaine de signatures. Aujourd’hui, ses portes-paroles déplorent une préfecture « qui se retranche derrière la loi » pour statuer sur le cas de cette famille présente sur le territoire depuis quatre ans et demie. La circulaire Valls, toujours en vigueur, imposait davantage de clémence de la part des préfets pour les enfants scolarisés en France depuis trois ans et les parents résidant sur le territoire depuis au moins cinq ans. C’est cette décision, à quelques mois d’écart, que dénonce encore aujourd’hui l’association.

« Le secrétaire général se présente comme le représentant de la loi. Mais il est aussi le représentant de l’Etat dans sa fonction de solidarité, d’accueil, de communication et de lien avec les associations, les organisations dans l’accompagnement des étrangers. Aujourd’hui, il n’a pas voulu le prendre en charge et nous a renvoyé systématiquement à une image administrative », a déploré Gérard Clabé, l’un des porte-paroles de l’association. « On a rappelé qu’on était déjà venus en préfecture dans la même salle pour défendre des situations qui n’entraient même pas dans le délai de cinq ans et ont été régularisées parce que les enfants étaient scolarisés… On nous a carrément répondu qu’en raison d’accords entre l’Albanie et la France, il n’y aurait plus de réfugiés politiques albanais. Le fait d’être albanais a donc compté négativement, visiblement ».

Solidarité active
Danièle Moulié connaît bien la situation de la famille. C’est elle qui, avec une amie, a fondé le comité de soutien au sein de l’établissement scolaire accueillant les enfants du couple, dont le plus jeune est arrivé en France âgé de deux ans. « En 2014, la famille campait dans un jardin à Mériadeck, sous une tente. Les gens se sont mobilisés, la famille est allée vers le 115 et elle a été logée épisodiquement, avec des ruptures de quelques nuits. Les parents d’élève faisaient déjà des collectes pour payer des nuits d’hôtel intermédiaires. Ca a perduré pendant environ deux ans. Ils se sont fait virer du 115, on a reproché à monsieur d’avoir dégradé la chambre et d’avoir mendié dans les étages. Ils ont été logés en squat à Blanquefort de juin à octobre 2016. Ils ont ensuite eu droit au gymnase à La Bastide puis on les a logés à La Benauge dans un appartement dans lequel ils étaient depuis. Le couple rasait un peu les murs, ils étaient très discrets. La maison de quartier a aussi été très partie prenante de l’accueil de cette famille. C’était des enfants très intégrés. Il y avait autour d’eux une solidarité de réseau très organisée. Quand on a su qu’ils avaient été expulsés, il y a eu des pétitions, des rassemblements, on n’en revenait pas ».


Delphine, elle, est mère d’un jeune garçon scolarisé dans la même école, qui a déjà côtoyé l’aînée de la famille Tocilla. Selon elle, « c’est une gamine qui était très bien intégrée. Les parents étaient toujours à l’heure, malgré leurs difficultés à se loger parce qu’ils allaient souvent dans des hôtels en hébergement d’urgence. Je trouve ça aberrant d’enlever les enfants de leur école comme ça. Cela nous a marqué parce qu’on les a tous plus ou moins aidés. Quand ils étaient en difficulté, on avait notamment fait une cagnotte pour essayer de payer l’hôtel parce qu’ils n’avaient plus le droit aux aides. Des familles allaient faire les courses avec eux de temps en temps. Ils faisaient partie de l’école ».

Dernier recours ?

Chantal Blanc, responsable des équipes au Secours Catholique de la rive droite bordelaise, tempère. « On leur avait proposé plusieurs fois de quitter le territoire avec une aide au retour, mais ils avaient à chaque fois refusé. C’est comme si on arrivait au bout d’un processus même si une action avec un avocat était encore en cours ». L’audience en question devrait avoir lieu dans les semaines à venir devant le tribunal administratif. « Pour nous, c’est un précédent. On a connu des éloignements mais c’était pour des présences en France beaucoup plus réduites, pas plus de quatre ans comme c’est le cas ici », rajoute Gérard Clabé tout en précisant que l’avocat plaidant le dossier aura notamment à coeur de souligner l’état de santé et le suivi médical du père au CHU de Pellegrin pour espérer faire pencher la balance en sa faveur.

L’indignation est toujours présente, mais l’espoir d’inverser la tendance, lui, semble bien maigre pour les associations. « Sur le département, nous suivons actuellement plus d’une trentaine de familles qui sont dans des situations identiques sur lesquelles on a aussi des comités de soutien », nous précise Thierry Taveaux, lui aussi porte-parole pour ReSF. « On vient encore de m’appeler aujourd’hui pour m’alerter sur plusieurs familles qui sont sans logement et qui ont des enfants qui ne sont pas à l’école. Beaucoup de familles vivent dans des conditions tout aussi précaires, elles sont en procédure et devraient être logées par l’Etat mais il ne répond pas à ses obligations ». La famille Tocilla n’est pas la seule concernée par ces expulsions. Fin août, une trentaine de familles d’origine albanaise se retrouvaient menacées d’expulsion. Ces dernières occupaient illégalement des appartements de la cité Maurice Thorez, à Bègles. La plupart étaient demandeurs d’asile.

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