Émission 4 médias : quel bilan pour le Grand Débat ?


Yoan Denéchau

Émission 4 médias : quel bilan pour le Grand Débat ?

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 25/03/2019 PAR Yoan DENECHAU

« Il y a beaucoup à redire sur l’efficacité du Grand Débat ». Le géographe Yves Raybaud évoque les difficultés, qui ont déjà pu être constatées et qui se profilent vis-à-vis du Grand Débat National, terminé depuis le 15 mars dernier. Yves Raybaud est membre du Conseil du Développement Durable de Bordeaux Métropole qui a organisé et animé quatre débats sur le territoire. Le géographe explique que les collectivités ont eu deux options devant elles afin d’organiser les débats : faire appel à des agences privées, « une aberration pour un débat public, mais c’est ce qu’ont choisi beaucoup de villes », regrette Yves Raybaud. Le deuxième choix a été d’assumer soi-même l’organisation des débats « ce qu’a fait Alain Juppé à l’époque en demandant au Conseil du Développement Durable, dont c’est le rôle, d’assurer l’animation ». Ainsi, le C2D a ainsi organisé quatre débats. Le premier Bordeaux le 1er février, celui de Saint-Médard en Jalles le 07, Carbon-Blanc le 23 février et Talence le 05 mars.

Pour ce qui est du traitement des contributions, Yves Raybaud reste sceptique, tant le tri semble long et complexe – le Gouvernement annonce près de deux millions de contributions déposées sur la plateforme dédiée au Grand Débat par plus de 475 000 personnes. « C’est une bouteille à la mer. Le pari est insensé, de mon point de vue : le pouvoir lance une consultation, mais je ne vois pas à quoi elle servira. Nous avons laissé la parole aux citoyens des heures durant, et maintenant c’est dans les limbes ».

Jeunes, banlieues et Gilets Jaunes : les grands absents

Si des catégories de la population ont brillé par leur absence au Grand Débat National, il s’agit des jeunes et des habitants des banlieues. L’anthropologue Cheikh Sow a eu l’occasion d’étudier les participants du Grand Débat. Selon lui, les plus représentés étaient « des salariés d’un certain âge, voire retraités, majoritairement issus des classes moyennes ». En revanche, les Gilets Jaunes, les quartiers et les jeunes étaient très peu présents d’après le spécialiste de la participation citoyenne.

C’est dans ce contexte que le Centre Régional d’Information Jeunesse (CRIJ) Nouvelle Aquitaine a organisé trois Grands Débats à destination des jeunes néo-aquitains à Limoges, Bordeaux et Poitiers. Le directeur du CRIJ Arnaud Virrion explique sa volonté de créer un cadre propice à la parole des jeunes. Ces trois débats ont été organisés en partenariat avec les missions locales, les structures de service civique, mais aussi les maisons de quartier et les MJC (Maison des Jeunes et de la Culture). Ces rassemblements où la parole est interdite aux adultes ont rassemblé plus de 180 jeunes au total. « J’ai remarqué que lorsque les jeunes sont ensemble, ils osent prendre la parole, explique Arnaud Virrion, d’autant plus en petit groupes. Nous avions un format assez atypique, avec trois ateliers différents pour trois thématiques (Démocratie-citoyenneté, Fiscalité et Transition écologique) où les jeunes passaient par groupe et travaillaient à partir ce qui avait été fait par le groupe précédent ». Arnaud Virrion met également en lumière les critiques des jeunes vis-à-vis de l’Éducation Nationale, qui selon eux ne remplit pas suffisamment son rôle pédagogique et informationnel sur les thématiques du Grand Débat.

Une consultation pas si ouverte, ni transparente

 « Les règles du jeu n’étaient pas claires dès le départ ». Cheikh Sow et Christine Gaillard font ensemble ce constat sur le déroulé du Grand Débat National. En effet, selon l’anthropologue, dans une approche démocratique participative, tout doit être limpide dès le départ. « Le Grand Débat est une consultation, pas un débat, poursuit Cheikh Sow. Une consultation, c’est par exemple un rendez-vous chez le médecin, il vous ausculte, vous dit d’arrêter de fumer et vous n’en tenez pas compte. Du moins pas de suite ».  D’après le spécialiste de la participation citoyenne, l’organisation et le déroulement du Grand Débat aurait dû être détaillée du début à la fin, afin que les participants puissent savoir à quoi s’attendre.

Christine Gaillard fait partie des Gilets Jaunes du rond-point de Sainte-Eulalie. Elle explique qu’elle et son groupe ont participé aux quatre débats du secteur – Ambarès, Bassens, Carbon-Blanc et Sainte-Eulalie – qui, selon elle, se sont tous déroulés différemment. « J’ai eu des échos du débat de Carbon-Blanc, poursuit Christine, et ce qui ressortait, c’est que les camarades Gilets Jaunes se sont senti brimés, alors que nous ne sommes pas des professionnels de tous les secteurs ». Stéphane Carbiener, lui aussi Gilet Jaune, raconte avoir participé au débat de Bordeaux. « Ce n’est pas une expérience concluante pour moi, ajoute-t-il, parce que tous les citoyens qui portaient un gilet jaune ont été interdits d’accès. Lors de la réunion, une cinquantaine de sièges étaient libres, et ces citoyens auraient pu les combler. Cela m’a beaucoup gêné dans la mesure où c’est un débat ‘libre, ouvert et transparent », regrette Stéphane. Deux autres points ont dérangé le Gilet Jaune : le modérateur obligeait tous les participants à ne venir s’exprimer que s’ils avaient une proposition concrète, ce qui limitait les prises de paroles. Enfin, Stéphane soulève un troisième problème, le plus grave  selon lui : la façon de modérer.  « Un opérateur travaillant dans un hôpital public racontait son expérience et comment faire pour éviter le gaspillage de fonds publics et de matériel à travers des exemples concrets. Le modérateur a résumé ça en une phrase : ‘il faut donner plus d’autonomie aux agents du service public’ »

Le Grand Débat terminé, l’heure est maintenant aux conférences citoyennes régionales avant les premières restitutions du Gouvernement. Cheikh Sow reste sceptique vis-à-vis de la consultation : « cela ne peut pas fonctionner au mieux tant que nous sommes en situation de crise ». L’anthropologue nous invite à réfléchir sur la phrase d’un poète turc (Ataol Behramoglu, ndlr) : ‘La paix se prépare en temps de paix’.


Vous pouvez écouter ou réécouter la totalité de l’émission 4 médias du 21 mars sur la plateforme de replay d’O2 Radio 91.3FM.

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