Comerso voit l’avenir en grand


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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 20/08/2020 PAR Justine Wild

Date fatidique et symbolique calculée par l’institut de recherches californien Global Footprint Network, le « jour du dépassement de la Terre », qui marque le moment où l’humanité a consommé toutes les ressources que la planète est capable de produire en une année, tombe aujourd’hui, samedi 22 août 2020. Passée cette date, l’humanité puiserait donc de manière irréversible dans des réserves terriennes, non renouvelables à l’échelle humaine. Cet indicateur permet, depuis plusieurs années, de dénoncer les conséquences des activités humaines sur notre environnement. C’est dans ce contexte, et en suivant la même logique, que naît Comerso. L’entreprise part d’un constat simple, déjà très largement notifié : les sociétés capitalistes contemporaines produisent suffisamment de ressources pour nourrir l’ensemble de la planète, mais les gaspillent alors même qu’elles peuvent encore être consommées ou utilisées.

Un business en plein développement, et engagé socialement

Comerso a été fondée sur l’intime conviction que les innovations technologiques modernes permettent de lutter contre le gaspillage, en favorisant quotidiennement les rencontres entre les entreprises de la grande distribution, soumises aux problématiques des invendus (produits qui arrivent à date et qui sont destinés à être jetés par exemple), et les récepteurs en besoins de ces produits, notamment les associations. L’entreprise transforme ainsi la contrainte de devoir gérer des invendus et des déchets, en une véritable opportunité d’impact social, environnemental et économique. Elle fait ainsi de la valorisation des invendus, une norme, et participe à la transition « Zéro-Déchet ».

Pour y parvenir, Comerso met en place un programme de « formation et pédagogie » afin de sensibiliser les acteurs au tri, à la conservation et à la traçabilité des produits dans les magasins. Elle utilise aussi un logiciel permettant aux entreprises de bénéficier d’un « management de la performance », via le suivi d’un certain nombre d’indicateurs relatifs, par exemple, aux types, à la fréquence, et à la valeur des produits donnés. « C’est l’occasion pour eux, de lutter contre le gaspillage alimentaire, en s’approvisionnant mieux, et en gérant mieux leurs stocks. », explique Rémi Gilbert, co-fondateur de Comerso.

Un second élément vient ensuite s’ajouter aux ambitions initiales de la start-up : le volet « déstockage », qui consiste à vendre à des tarifs très attractifs des produits arrivant également à date, mais ne pouvant pas repartir dans les circuits classiques. Comerso propose des lots en provenance directe des industriels et des fabricants, et assure la livraison via ses transporteurs partenaires, de l’entrepôt des industriels aux locaux des récepteurs. De nombreux produits sont concernés : agroalimentaires, mais aussi hygiène-beauté, prêt à porter, ou encore produits électroniques. Car, bien qu’il y ait encore beaucoup de choses à accomplir pour lutter contre le gaspillage alimentaire, l’entreprise a fait le choix d’avancer sur d’autres secteurs, notamment le textile et l’électroménager. « La lutte contre le gaspillage, dans son acception globale, comptant parmi les plus grandes priorités à l’échelle mondiale pour répondre à l’urgence climatique, il était nécessaire d’étendre nos domaines d’action. Dans tous les cas, il s’agit d’exclure in fine, la benne à déchets. », déclare Rémi Gilbert.

La diversification des partenaires de Comerso trouve aussi son origine dans la « Loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire », adoptée en janvier dernier. Comme son nom l’indique, cette loi vise à transformer notre économie linéaire, consistant à produire, consommer et jeter, en une économie circulaire, à travers les cinq grands axes suivants : produire mieux, informer davantage les consommateurs, lutter contre le gaspillage, agir contre l’obsolescence programmée, et sortir du plastic à usage unique. Une réforme qui tombe à pic pour la jeune start-up.

Quand les planètes s’alignent

La loi relative à l’économie circulaire fait donc partie de textes qui ont aidé Comerso à se développer. Selon les propos de son fondateur : « Elle a été un véritable booster, puisque ça pousse certaines marques à nous contacter afin que nous assurions la distribution des fins de série. Je pense par exemple à des marques de textile, de chaussures ou d’électroménagers, qui souhaitent donner une seconde vie à leurs produits neufs, invendus. Cela nous permet de nous développer, de nous faire connaitre, et de parler du gaspillage. C’est important de pouvoir agir contre ce fléau quotidien, et encore plus maintenant avec la crise sanitaire : on compte de plus en plus de personnes dans le besoin. On a d’ailleurs enregistré une augmentation du nombre de bénéficiaires des aides alimentaires associatives de l’ordre de 20 – 25%.  Notre métier gagne en importance à la sortie de la crise. »

En collaboration étroite avec Les Restos du Cœur, La Banque alimentaire, ou encore le Secours Populaire, la start-up a également su tisser des liens avec de nombreuses enseignes de la grande distribution pendant le confinement. Celles-ci ont effectivement salué l’initiative de Comerso, qui compte parmi les entreprises ayant le plus contribué à l’effort collectif pendant la crise sanitaire due au Covid-19, à travers la mise en place d’un numéro vert permettant à tous les grands magasins qui souhaitaient donner rapidement certains types de produits, et à toutes les associations qui en avaient besoin, d’être mis en relation gratuitement, en fonction du « match » généré. « Notre gymnastique a été très forte, explique Rémi Gilbert, en peu de temps, nous avons tourné l’entreprise en une plateforme téléphonique à distance. Ça présentait un côté utile socialement, et le challenge était motivant. »

Mais si le confinement a prouvé ici, que le télétravail était possible, il a aussi, bien entendu, été la source de nombreuses contraintes, parmi lesquelles un cycle de ventes ralenti, ou encore l’impossibilité de partir à la rencontre des clients. Une « grande frustration » pour les jeunes entrepreneurs pleins d’ambitions. Un sentiment néanmoins de courte durée, puisque la reprise s’est faite à un très bon rythme. La boîte, qui compte désormais une cinquantaine d’employés, envisage de poursuivre son développement, et de continuer son recrutement.

En somme, un joli succès pour la start-up, qui a également gagné en visibilité grâce au Crédit Agricole, « un partenaire privilégié de Comerso depuis des années, un partenaire bancaire de tous les jours, et un soutien important qui nous suit depuis le début. » affirme Rémi Gilbert. Hébergée pendant deux ans au sein du Village accélérateur de start-up du Crédit Agricole, elle a effectivement pu bénéficier de bureaux bien situés à Bordeaux, et d’un large réseau de partenaires.

Concilier économie et environnement

Les objectifs de développement durable (ODD) établis par les Nations Unies, comportent les 17 priorités à atteindre d’ici à 2030. Ils répondent aux enjeux mondiaux auxquels l’humanité est confrontée, notamment ceux relatifs au climat et à la dégradation de l’environnement. Comerso se félicite d’avoir, en plaçant la RSE au cœur de son activité, un impact direct sur 7 de ces ODD. En invitant les entreprises à respecter les principes du développement durable, la RSE donnerait lieu à une économie viable, et à l’intégration de dimensions sociales et environnementales dans les objectifs des entreprises. Economies via la valorisation des invendus, amélioration de l’impact environnemental en jetant moins, et démarche sociale en redistribuant les invendus aux associations locales, sont les trois solutions, respectivement économique, environnementale et sociale, proposées par Comerso.

Objectifs de développement durable

« La RSE est un concept assez global qui touche à la gouvernance des entreprises et aux actions qui peuvent être mises en place pour lutter contre les problèmes environnementaux, en fonction de leur chiffre d’affaire. Des choses ont été réalisées, mais il y a encore beaucoup de choses à faire. Et je pense que c’est le consommateur qui a le pouvoir puisque, comme on dit, il a un bulletin de vote : sa carte bleue. Et je ne sais pas si la France est dotée d’un cadre légal suffisamment fort dans le cadre de la RSE des entreprises car, aujourd’hui, il est question de vitesse. Avec le réchauffement climatique, il faut une réponse rapide et bien plus ambitieuse même si, et il faut le saluer, la France est le seul pays à avoir mis en place des sanctions aussi fortes contre le gaspillage alimentaire. Mais il ne faut pas s’en satisfaire, il faut des dispositifs au niveau européen également. »

Cette urgence climatique, c’est l’essence-même de Comerso. Il faut fournir des solutions concrètes et efficaces, pour agir tout de suite. Son succès réside donc aussi dans son sens, aujourd’hui, sur une planète mourante, mise à mal par un cycle économique reposant sur l’accumulation et le profit. La start-up cherche à apporter sa pierre à l’édifice dans la lutte contre le réchauffement climatique, et c’est cette envie précisément, et la maturité du marché, qui expliquent sa réussite : « On a senti le marché en amont en fait, et c’est bien souvent décisif. On sentait que le sujet allait gagner en importance, puis on a bénéficié, par chance, d’un cadre légal en notre faveur, par exemple avec la Loi Garot (2016). Et avec des crises comme celle qu’on traverse, on se rend compte que les cartes peuvent être rabattues très rapidement. »

Au programme désormais : une focalisation sur le marché français car la loi relative à l’économie circulaire ouvre un large panel de collaborations avec de nouvelles entreprises, puis un développement des activités au niveau européen. Les deux entrepreneurs ont déjà des opportunités à l’étranger, notamment au Benelux où ils agissent ponctuellement, mais souhaitent une réelle accélération à l’échelle européenne.

Comerso est finalement représentative du rayonnement du génie tricolore par son envie de changer le monde, mais lorsqu’on sait qu’en France, plus de 20 milliards de repas sont perdus et gaspillés chaque année, et que dans le monde, tandis qu’une personne sur six demeure sous-alimentée, 1/3 de la production alimentaire est jetée ou gaspillée selon la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, le chemin est encore long. Et le temps presse.

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