La forêt aquitaine se bat sur tous les fronts


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La forêt aquitaine se bat sur tous les fronts

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 15/03/2017 PAR Jean-Jacques Nicomette

Cette rencontre accueillie dans les locaux de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour a été mise sur pied par l’association Ecocène et  le syndicat de propriétaires Fransylva Forêt Privée Pyrénées Adour. Belle occasion pour rappeler l’ampleur du sujet. Même si chacun ne se trouve pas forcément logé ici à la même enseigne.

Si les Landes sont boisées à 60%, les Pyrénées-Atlantiques  le sont à 30% et un département comme celui des Deux-Sèvres à 8% seulement. De plus, la forêt aquitaine brille d’abord par sa diversité. On y trouve aussi bien des peupliers que des hêtres, des chênes ou des pins pour ne citer que les principales essences.

Ce patrimoine naturel permet à la région de produire plus de 10 millions de mètres-cubes de bois par an et de remplir de multiples usages, rappelle Christine Bouisset, maitre de conférences à l’UPPA. Au XIXe siècle, les arbres ont par exemple fixé les dunes landaises. En vallée d’Ossau, ils aident à se préserver des avalanches. Sans parler de toutes les activités de loisirs que l’on peut pratiquer dans de nombreux endroits.

Réchauffement climatique : des effets en cascade

L’horizon s’assombrit cependant. Selon les scénarios, la hausse moyenne des températures est évaluée entre 1 et 4 voire 5 degrés d’ici la fin du siècle.  

Les forêts accusent le coup. « Le changement climatique fera évoluer des espèces » indique Christine Bouisset. Des essences méditerranéennes vont se développer tandis que des espèces atlantiques (chênes, châtaigniers) reflueront vers le nord. Sachant que le bouleversement est rapide. «De nombreuses espèces n’auront pas le temps de s’adapter à ces nouvelles conditions ».

Quant aux risques, ils se multiplient : vagues de chaleurs, attaques parasitaires, incendies. « Les Landes, classées en zone d’aléa moyen actuellement, passeraient ainsi en zone d’aléa très fort » signale  l’universitaire avant d’évoquer les effets indirects de la hausse des températures.

Car la forêt joue également un rôle important dans la régulation des inondations, protège les terres contre l’érosion et contribue à éviter de la remontée du niveau marin.  Sans parler de sa capacité à stocker le dioxyde de carbone (C02) dans le sol. Casse-têtes sur le terrain

Comment agir dans ce contexte ? Après le passage de la tempête Klaus, l’association Aquitaine Carbone a été créée à l’initiative du Conseil régional afin de soutenir financièrement les propriétaires qui reboisent et s’engagent à pratiquer une sylviculture dynamique (80% de la production devant être destinée au bois d’œuvre).

 « Elle est toutefois un peu au point mort » constate Christine Bouisset. « Car l’association ne parvient pas à faire reconnaitre les crédits carbone que les propriétaires lui cèdent ». Crédits qui, explique-t-elle, ne sont actuellement pas pris en compte en cas de reboisement.

Ce n’est pas la seule difficulté. « La loi sur la transition énergétique fixe des objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Pour la forêt, cela signifie une hausse des besoins nationaux en bois énergie, couverts aujourd’hui à 15% par l’Aquitaine.

Dans les Landes, la demande accrue de bois-énergie risque toutefois de « déstabiliser la filière », note l’universitaire. De plus, elle soulève un problème d’approvisionnement local car certains opérateurs peuvent être tentés d’aller chercher plus loin un bois moins cher.

Bref, « des opportunités existent pour valoriser économiquement le bois et développer la fonction environnementale de la forêt. Mais ces objectifs sont parfois contradictoires entre eux. La région Aquitaine n’est pas homogène en termes de politique forestière ». Rien n’est simple.

Des promeneurs et des oeillères

 

La dimension sociale et culturelle que revêt la forêt constitue un autre enjeu pour les professionnels et les propriétaires. Depuis quelques décennies, l’urbanisation croissante s’accompagne en effet « d’une recherche de plus en plus forte de nature ».

« Six Aquitains sur dix déclarent aller au moins une fois par an en forêt ».  Mais ils le font sans forcément songer que celle-ci appartient à quelqu’un, et en ignorant superbement, voire en critiquant, le travail qui y est réalisé.

En d’autres termes, on aime se promener dans les bois. Mais on ne supporte pas de voir un arbre être coupé. « Alors qu’entretenir, c’est assurer l’avenir », martèle Hervé Madéo, le président de Fransylva.

Face à un grand public qui semble n’éprouver « aucun intérêt » pour l’importance économique de la sylviculture, les professionnels alignent pourtant les chiffres. « Notre filière, c’est 18 millions de mètres cubes de bois de chauffage en France, 22 millions pour le bois d’œuvre, 4 millions pour le bois énergie et 12 millions pour le bois de trituration ».

Un dernier produit qui entre aussi bien dans la fabrication du papier que dans celle du dentifrice, rappelle Christian Dubertrand, directeur régional d’Alliance Forêt Bois. Avant de souligner également le rôle essentiel que jouent les coopératives pour fédérer, soutenir et accompagner des propriétaires forestiers souvent démunis lorsqu’ils sont isolés.

« On connait mal notre flore »

Cela étant, on peut débattre des méthodes et des choix opérés sur un terrain où l’introduction de certaines essences inquiète.

A Pau, la chose a sauté aux yeux après l’intervention sur la biodiversité faite par Alexis Ducousso, ingénieur de recherches à l’INRA. Ce dernier ne manquant pas de souligner que «  la sylviculture européenne, qui a remplacé des feuillus par des conifères, a contribué à un réchauffement de 0,12° de la planète ».  

Sans oublier, entre autres réalités, les menaces invasives présentées par l’introduction de certaines plantes ni, d’une manière générale, l’alarmante réduction des animaux vertébrés, grands disperseurs de graines, pollens et protecteurs des milieux. Depuis les années 70, leur nombre a été divisé par deux au niveau mondial.

Cette liste pas vraiment à la Prévert l’amène à plaider pour une sylviculture « adaptative » et des peuplements diversifiés si l’on veut obtenir une forêt plus résistante aux changements climatiques. Un net accent est également mis sur la recherche. Car, estime-t-il, « on connait mal notre flore ». Un exemple peut en être pris chez les chênes. « On en dénombre 28 espèces en Europe. 26 d’entre elles sont thermophiles. Il y a de la ressource ».  

A l’issue du colloque, l’un de ces arbres, un chêne sessile résistant au changement climatique, a été planté au milieu du campus palois.

Le syndicat des sylviculteurs réagit

Certains des points de vue développés lors du colloque n’en ont pas moins provoqué, après coup, une réaction du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest.  » Le changement climatique a toujours existé. Au cours des millénaires, les essences forestières se sont toujours déplacées  » indique ainsi son secrétaire général, Christian Pinaudeau. « Contrairement à une idée reçue, la forêt n’est pas fixe. La forêt est nomade. Il y aura donc des disparitions d’espèces et l’apparition d’autres espèces. Ce qui a toujours existé depuis la nuit des temps « .

Rappelant que les Landes sont en fait classées à haut risque depuis… 1992, celui-ci revient également sur le dossier du crédit carbone.  » La principale difficulté tient au fait que les sociétés de certification refusent de prendre en compte l’amélioration de la sylviculture en tant que facteur d’additionnalité, puisque la loi nous oblige à reboiser de toute façon. Ainsi, ce qui est possible dans certains pays ne l’est pas en France à cause du Code Forestier. C’est ce que j’ai qualifié, dans d’autres enceintes : principe de la « prime au cancre ».

Christian Pinaudeau estime par ailleurs que, contrairement à ce qui a été avancé,  » la demande de bois-énergie ne déstabilisera en rien la filière. Par contre, effectivement, les projets de mobilisation de bois-énergie, ici ou ailleurs, subventionnés, faussent la concurrence « .

Enfin, il s’étonne devant l’affirmation consistant à dire que la sylviculture européenne a contribué à un réchauffement de 0,12° de la planète. Cela, ainsi que l’indique une étude publiée dans la revue « Science », après que le nord et l’ouest de l’Europe aient vu des peuplements de feuillus être remplacés par des conifères.  » A une époque où les chiffres changent toutes les semaines, cette affirmation est exemplaire à défaut d’être démontrée. De surcroît, nous apprenons l’importance de la sylviculture européenne sur le plan mondial ! Impressionnant « .

Pour en savoir plus : les vidéos du colloque sont disponibles sur la plateforme Médiakiosque de l’UPPA

https://mediakiosque.univ-pau.fr/search/?q=colloque+for%C3%AAt

 

 

 


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