DOSSIER : Les Aquitains à Paris


Article paru dans le numéro 2 d'Aqui - Octobre 2004

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DOSSIER : Les Aquitains à Paris

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Temps de lecture 11 min

Publication PUBLIÉ LE 02/01/2007 PAR Catherine Boulanger

Penchées sur ce merveilleux creuset où se mêlèrent Romains, Gascons, Anglais, Maures Espagnols et tant d’autres, les fées ont déposé le goût de la conquête, de la liberté, de la vie. Pour elles, les Aquitains sont prêts comme le fit Henri IV, à quitter leur « paradis sur terre ». Ils portent le panache gascon au Louvre, le fleuve Garonne etl’estuaire les conduisent vers les Iles, jusqu’au bout de leurs rêves de grands départs. D’autres émigrent d’Euskadi vers l’Amérique du Sud quand le sol ne peut nourrir tous ses enfants. Parfois aussi, Bordeaux les étouffe, et ils font le choix de la rupture, « ce geste de pure violence » dont Jean Cayrol affirme qu’il ne fut jamais pardonné à Mauriac. A Paris, ils ont conquisles grandes entreprises, la vie littéraire, le cœur du public, le petit écran, la cuisine….

Ils s’identifientcomme bordelais, basques, landais, et respectent intuitivement leurs frontières dans leurs associations, sympathiques et très actives. Célèbres ou anonymes, ils se retrouvent, par affinités autour des bandas, du rugby, de la pelote, dans de grands rush gourmands. Nostalgiques, ils y recréent l’ambiance du « Ferret » ou des fêtes de Dax.

Car ils aiment leur terre, leur culture, leurs traditions. Ce sont ses coïncidences, plus fortes que ses contrastes, qui peuvent fédérer ce vrai peuple aquitain. La Maison Aquitaine est là pour ça, Aqui aussi !

 

Ariane Massenet, le talent de plaire

Vous verrez, il n’en fera qu’une bouchée », disaient les esprits chagrins quand Marc-Olivier Fogiel

attira « la petite Massenet » dans sa tanière. Les dents de loup du beau Marco n’ont pas croqué crue la jeune paloise. Très vite elle s’est imposée dans l’émission avec tact et humour. Car Ariane a beaucoup d’atouts, une frimousse sympathique et elle est nature. Elle est surtout devenue une vraie « pro » en travaillant avec Antoine de Caunes dont elle était l’assistante à Canal Plus. « Il est formidable et extrêmement exigeant. Il m’a tout appris ».
Sa carrière a commencé à Tahiti, où elle suivait ses parents. « J’ai raconté que j’avais fait beaucoup de radio en métropole. Je me suis plantée à l’essai mais Jo Amiot m’a gardée et formée, et j’ai travaillé à RFO. » En fait, elle n’avait en poche qu’un petit stage à FR3 et à France Bleu, et deux années de droit « barbantes » à Bordeaux !

Ariane revendique le droit à la frivolité et à la liberté. Cette année donc elle quitte – gentiment – Marco et France 3, pour ne pas se « caricaturer », continue de papoter avec ses « Pipelettes » sur Europe1, et va livrer des personnalités à la curiosité d’autres célébrités, sur le grill de Paris Première.

Comme quoi, elle peut plaire à tout le monde !

 

 

 

Joëlle Bellon, créatrice du festival du film de Sarlat

 

De sa Thébaïde de La Rougerie, en Dordogne, Joëlle Bellon regarde, depuis 40 ans,

flotter le bonheur. Il n’est jamais loin de la maison, dans la lumière, dans le parfum truffé qui s’échappe de la cuisine, dans la grâce de trois chevreuils qu’elle regarde passer en peaufinant son cher festival du film de Sarlat.

Riche héritière des laboratoires Roger Bellon, femme d’affaires et de partage, productrice, mécène à l’insatiable curiosité culturelle, elle a créé le festival il y a 13 ans. « Je voulais promouvoir des auteurs et permettre aux lycéens en section artistique de découvrir le cinéma et ses métiers. » L’Education Nationale et les professionnels ont joué le jeu et 850 élèves ont déjà participé aux différents ateliers. Elle enchanta aussi longtemps les nuits du Périgord, en invitant à La Rougerie les plus grands musiciens, de Rostropovitch à Lagoya… Comme pour remercier cette terre de lui offrir sa douceur de vivre, depuis ce jour d’enfance, où la Dordogne a commencé de peupler son « imaginaire de ses plaisirs et de ses mystères. Elle est devenue une sorte de boite aux trésors. »

Elle y découvre la beauté, un mari, et des gens extraordinaires. « Ils peuvent être durs, mais ils sont là. C’est mon vrai pays, pas seulement une traversée », dit cette grande voyageuse qui, dans chaque ciel, cherche celui de son Périgord.

 

 

Michel et Cathy Lavigne, un couple en cuisine

 

Il a toujours le regard fiévreux des buveurs de nuits, même s’il s’est beaucoup assagi. Dans son restaurant, blotti dans le passage Saint André des Arts, Cathy, son épouse, confirme.

Depuis la naissance de Margot et d’Erwan, les troisièmes mi-temps et les soirées y sont moins folles. Encore que…

Pendant des années, Michel a été l’un des grands animateurs du Paris by night, au fameux Alcazar. La fête et le rugby sont des traditions familiales.

A 5 ans, dans son village d’Artigues, non loin d’Agen, il plante déjà des poteaux au milieu des moutons. Inévitablement, il devient demi-d’ouverture junior au SUA. Il est ému d’évoquer les retours délirants en bus avec ses copains, Renaud, Hermerel, et tant d’autres, Sella, aussi, que son père avait recruté.

A Toulouse, dans l’amphi de droit, il imagine des spectacles, imite Maria Pacôme, ouvre un piano-bar : « Le fil à la patte ». Puis il coupe le sien. A nous deux Paris et le théâtre ! « ça n’a pas été convaincant », avoue-t-il. Il s’oriente alors vers la production de spectacles et la restauration. Cathy, elle, s’occupe de l’association Pena Paris Passion où l’on partage les plaisirs du Sud-Ouest.

A vos agendas : ces joyeux communicants nous préparent pour juin 2005 le premier festival de fanfares et de bandas dans les arènes de… Lutèce !

 

 

 

 

La Maison Aquitaine. L’ambassade du cœur

C’est une véritable ambassade de la Région Aquitaine. Sa mission : créer des liens et mettre en scène ses beautés, ses talents, son âme. Des expositions y célèbrent le rugby, le savoir-faire aéronautique, la qualité des artisans, des produits… Dans le cyber espace, chacun peut visiter en direct tous les départements, trouver les bonnes adresses, découvrir les forces économiques de
la région… Comme toute ambassade, elle est aussi un outil au service de « ses » Aquitains. Depuis son ouverture en février 2004, plus de 7 000 l’ont utilisée comme base logistique, ou « pied à terre ». Ils ont travaillé – à des prix imbattables – dans les bureaux de passage, fait des entretiens, regardé leur journal TV régional, organisé dans les quatre salles de réunion, des opérations de promotion, des signatures, des conférences… Mais c’est aussi une maison de famille où l’on se sent bien autour de Daniel Margnes et de son équipe : Alexandra, Cécile, Geneviève, Jean-Pierre. Ici, le bonheur de se retrouver se dit en gascon, en basque, en chansons, autour de quelques appellations d’origine… La Maison Aquitaine est entre le Louvre et l’Opéra, face à l’Office du tourisme de Paris.

 

 

 

Catherine et Françoise Laborde, sœurs en télévision

Depuis le temps qu’ellescherchent leur place, comme dans toute fratrie, elles sont convaincues d’être à contre–emploi. Catherine, la douce, l’intello qui aurait dû faire Normale Sup, s’enivre de théâtre à Bordeaux. Mais la ville l’oppresse, il faut fuir ! Elle milite à la LCRet fait ses bagages. « Je suis une vraie bordelaise, affirme Catherine, car j’ai quitté Bordeaux ! »

A Paris, elle fait un parcours initiatique avec Michel Bouquet, et François Périer. Françoise a le même rêve. « Mais à côté de mes sœurs, Geneviève, d’une beauté renversante, et Catherine, le génie, j’étais le clown. Je me suis plantée. »La télévision révèlera leur talent. Françoise, au hasard d’une annonce, devientune journalistebrillante, rigoureuse, bourrée d’humour.

« Encore une erreur de casting ! », se trompe-t-elle . Elle ouvre les portes de TF1 à Catherine.

Depuis, la météo fait le beau temps dans sa vie et lui permet de s’occuper de ses deux filles. Deux jolis rôles. Elle se nourrit de la poétique des nuages, et prépare un livre sur la météo : « Le beau temps n’est pas un dû, seuls les poètes et les enfants ne le réclament pas ! » Françoise, elle « déménage » le matin aux « Quatre vérités » sur France 2.

En vraie gasconne, elle interpelle en direct ses deux garçons : « Préparez-vous pour l’école, j’arrive !

 

 

 

Dominique Paquet, femme de théâtre

Quand ses parents, Dominique Sandrel et Raymond Paquet montent « La Cantatrice chauve », elle apprend à lire dans Ionesco ! A 10 ans, assise sur le rebord de sa fenêtre rue Notre-Dame, elle écrit déjà sur les odeurs de bois à Bordeaux, de métal et de sueur portées par le souffle de l’estuaire, et dont elle s’enivre. « Le port, les sirènes et les grues ont fondé mon imaginaire. » Mais il faut exister, partir, rompre avec la ville, renoncer « à la douceur dissolvante des soirs de mai ».

Dominique entre à l’école de la rue Blanche, travaille avec Claude Santelli, Georges Wilson… Ses rencontres avec les surréalistes, qu’elle expose auCAPC–Musée en mars 1981, sont fondatrices. Elle retrouve son lien « sensoriel avec la ville ».
Docteur en philosophie, puis en esthétique, elle travaille sur le corps, la voix, les sens. Des milliers de pensées s’envolent de sa tête, comme les hirondelles de son enfance. Elle écrit des pièces, « Congo-Océan », « La blatte amoureuse », « Son parfum d’avalanche »…, anime des ateliers pour enfants, des colloques, enseigne à Paris VIII l’esthétique théâtrale, s’engage avec les écrivains de théâtre, crée avec Patrick Simon le groupe « 3581 »…

Elle prend pourtant le temps de n’être jamais loin d’ici : « J’appartiens à un pays que j’ai quitté ».

 

 

 

Alain Dutournier, un Gascon à table

I l est né à midi, à l’heure de passer à table ! Car sa mère, violon à l’Opéra de Bordeaux, s’était mise avec autant de talent au « piano » de l’auberge familiale. A 4 ans, sa pâte à modeler, c’est la farine ! Le brillant chef landais du « Carré des Feuillants » n’a jamais rêvé d’autre chose que d’être aux fourneaux. Il fait des cartouches, des charpentes, joue au rugby, mais il apprend surtout à goûter, à faire une cuisine raffinée, à respecter les produits, à débusquer les herbes.

A l’école hôtelière de Toulouse, il sait déjà qu’il a, sans prétention, un message à transmettre.

Engagé à Air France, il découvre les saveurs du monde, s’invente une cuisine en liberté. Sans le sou, la famille hypothèque l’auberge de Cagnotte pour qu’il fasse son « trou » à Paris. Acharné,

il bâtit son histoire sous les tilleuls de la place Daumesnil, au Trou Gascon, tenu aujourd’hui par son épouse Nicole. Ses civets de thon aux navets confits et son talent lui valent deux étoiles au Michelin en 1982. Puis il a fait du « Carré » un restaurant contemporain, zen et chic, en parfaite harmonie avec une cuisine à son image, élégante et généreuse.

La nuit, sous ses deux étoiles, quand tout le monde est parti, il bavarde en gascon avec Henri IV, qui posa la première pierre du lieu en 1601 !

 

 

 

Jean-Marc Janaillac, Monsieur tourisme

I l n’y a pas de hasard. Jean-Marc Janaillac vient d’installer les somptueux bureaux de l’Office du tourisme et des congrès de Paris qu’il préside, juste en face de la Maison de l’Aquitaine. Lui qui « reçoit » chaque année 25 millions de touristes dans la capitale a besoin, peut-être, de se sentir près de chez lui, même si Jules Verne, HEC et L’ENA lui ont donné les clés du monde !

Après une carrière préfectorale, un poste au secrétariat d’Etat au tourisme, il s’envole pour New York, et dirige les services du tourisme français. « Promouvoir la France a été une expérience éblouissante. » A son retour, nommé directeur de la Maison de la France, il devient un véritable « ambassadeur de terrain », voyage dans le monde entier. « C’était facile de partir, sourit-il, car j’ai un pays où je reviens. Il me permet d’être libre de mes choix. » Des racines et des ailes…

Sa maison est à Saint Sulpice de Roumagnac, près de Ribérac. Depuis des siècles, son histoire est là, au milieu des vignes, des champignons et des noyers. On y vit avec toutes les générations, en fonction des saisons, de longs instants de bonheur.

« J’y mesure la fin d’une civilisation, mais c’est ici que je trouve le sens. »

 

 

 

Bernard Lapasset, la révolution tranquille

 

Jeudi matin, il est allé au marché de Louit, acheter quelques tomates pour le plaisir. Mais surtout,
pour tendre l’oreille aux accents qui passent. Ceux de ses villages bigourdans, dont les noms s’écoutent chanter à genoux, Mascaras, Lizos, Pouyastruc…

 

A chaque fois, il retrouve les parfums d’enfance, l’image de sa mère derrière son banc de fromages. Quelle mère ! Bien sûr, son père joue au rugby au Bouscat, et il est bon. Mais c’est elle, l’acharnée, qui lui « donne la culture profonde », dans le glacial hiver de 1956 à Bordeaux, où la famille s’est installée. Elle le met sur le terrain du CA Béglais et ne manque aucun match.

« Dans tous les pays du monde, mon premier coup de fil est pour avoir ses impressions sur le match. Elle a toujours quelque chose à dire ! » Après, c’est une histoire d’hommes. Avec André Moga, il entre à l’école de la fidélité à un club. « Il était fabuleux, nous étions tous ses enfants, reconnus et aimés. Moga, c’est la générosité totale. » Bernard, trois-quarts aile « pour ne pas déranger », devient troisième ligne. Il s’affirme, marqué par des hommes fraternels et puissants, le « petit » Jammeau, Denjean, les frères Coron… Vous imaginez le bonheur à la maison après la première médaille remportée au championnat cadet de la Côte d’Argent ! L’apothéose, il la vit à Agen, au SUA. En deux ans il est reçu au bac, est champion de France junior, rencontre sa femme, et… Albert Ferrasse.

« Lui, c’est un homme de pouvoir. Il a une perception immédiate de la décision. Avec Moga, c’étaient les « gros pardessus », près d’eux, personne n’existait. » Pour autant, Bernard suit un autre chemin. Licencié en droit, major au concours des douanes, il crée à Bordeaux le premier Centre d’ Information et de Relations avec le Public. Puis il dirige les Douanes à Roissy, et le cabinet du directeur général.
Il y a 12 ans, avec un sens de la nuance étudié, Albert Ferrasse lui dit : « T’as rien à f.. là-bas, viens à la fédé ! » Bernard craque. « C’était un bonheur à prendre, pas une ambition. » Vilain temps pourtant à la « fédé », celui de la scission. Bernard n’est pas un homme de putsch. Il suit Albert Ferrasse, organise l’élection pour que se dessine « quelque chose de juste, de vrai. »… et le troisième ligne devient capitaine.

 

Ce n’est pas rien, au moment charnière de la professionnalisation du rugby. « Nous avons réussi le pari avec Serge Blanco, trouvé l’équilibre entre le spectacle et la fidélité à la tradition. Mais il nous faut 10 ans pour tout stabiliser. » Le nouveau patron donne aussi au rugby français un magnifique outil de gestion avec le Centre national de Marcoussis- Linas.

D’autres challenges l’attendent :

il faut préparer la révolution culturelle, celle d’un solide rugby amateur, et pas d’un sous-produit. Il y aurait à 7 ou 12 joueurs, et serait accessible aux femmes. « Nous devons, assure-t-il, nous rendre à l’évidence. Il faut du spectacle. Notre seule culture ne suffit plus. Les matches qu’on voit aujourd’hui, les joueurs d’il y a 25 ans ne pourraient plus les faire. Nous devons inventer. »

Dans les cols des Pyrénées, ou au sommet de ces « 3 000 » qu’il gravit chaque année, le patron du rugby français peaufine ses stratégies. Il doit transformer l’essai de la coupe du monde 2007. La France en a déjà gagné l’organisation, Bernard veut la coupe, l’apothéose.

Du tiroir de son bureau, il sort, ému, une photo, la seule, à peine jaunie. On y voit Michel Moga, Darmuzet, Espagnet… ils ont 20 ans. « Ce sont les miens. La vérité n’est pas dans les dossiers, elle est chez nous. »

Rosalyne Bottrel

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