Marin Ledun : Salut à toi ô mon frère-Série Noire- 277 pages- avril 2018
Dans ce monde de brutes qu’est souvent le roman noir, voici qu’éclot un récit lumineux : Rose Mabille-Pons en est la narratrice et l’héroïne. Elle a tout juste 20 ans et vit à l’aise dans le cocon bien agréable d’une famille aux allures de tribu, certes un peu à l’écart des normes traditionnelles en la matière. On y distingue une mère résolument contestataire, Adelaïde, et ce depuis toujours, un père, Charles clerc de notaire, plus posé peut-être mais pas moins présent, et six enfants dont les trois derniers, adoptés, sont originaires de Colombie. C’est justement l’un d’eux, Gus, arrivé au seuil de l’adolescence, qui se trouve mêlé à une mystérieuse affaire d’un casse de bureau de tabac. La petite ville sur le Rhône, théâtre de ces opérations, fait un large front unique contre le prétendu jeune « voyou », étranger de surcroît ; et bien sûr la famille fait bloc et feu de tout bois… C’est la voix de Rose qui porte une chronique de notre époque, un ton à la manière d’une Zazie dans le métro, l’héroïne de Queneau, qui aurait bien grandi : c’est joyeux tout en étant grave parfois, souriant tout en étant porté par la vague d’une solide indignation ; sans oublier une romance amoureuse plutôt craquante. À rebours de ses romans antérieurs, Marin Ledun pratique ici un art du contre-pied littéraire. Il fait partager au lecteur sa jubilation à mener une belle et bonne histoire, tout simplement de notre temps.