Depuis la fondation du Fonds régional d’art contemporain (Frac) de Bordeaux en 1984, le centre d’art n’avait jamais passé de commande en photographie. Ce n’est désormais plus le cas avec la création de l’exposition « Arpenter, photographier la Nouvelle-Aquitaine ». Ce projet est venu d’une idée du spécialiste en photographie contemporaine Gilles Mora : cartographier la Nouvelle-Aquitaine en photo.
Il s’est inspiré de la mission lancée en 1984 par la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR), qui visait à représenter la France des années 1980 avec douze photographes. Cette fois, ils ont été neuf à fouler le sol néo-aquitain, ou parfois à le découvrir.
C’est le cas de Chloé Dewe Mathews, partie mettre en image la plus grande forêt privée d’Europe, celle des Landes de Gascogne. La britannique est arrivée sur les lieux sans doute au pire moment, à l’été 2022. La forêt qu’elle imaginait rencontrer part en fumée dans des incendies dévastateurs. Elle décide alors de photographier les vestiges de ce territoire boisé.
Une démarche scientifique
Avant d’envoyer les photographes sur le terrain, Gilles Mora et Claire Jacquet, alors directrice du Frac MECA Nouvelle-Aquitaine, ont souhaité s’assurer de produire un projet structruré. « On voulait faire quelque chose de beaucoup plus organisé qu’un projet carte blanche », explique Gilles Mora. Ils ont alors créé un comité scientifique composé de paysagistes, de sociologues, d’architectes, d’historiens et d’autres experts. « On l’a fait pour savoir ce qu’on devrait photographier en Nouvelle-Aquitaine », poursuit celui qui est aussi critique en photographie. Neuf thèmes sont nés des réunions de ce comité.
Un comité artistique de 9 photographes, internationaux ou locaux, a ensuite été formé. Chacun a choisi son thème et les lieux qu’il immortaliserait dans son appareil. Si la démarche s’est voulue scientifique, elle n’a pas réussi à rassembler l’ensemble des départements de Nouvelle-Aquitaine. Aucune image de l’exposition n’a été prise en Charente. « Il n’y a pas d’exhaustivité totale », reconnait Gilles Mora. « On assume un parti pris pour l’esthétique », ajoute Emelyne Vincent, responsable du pôle exposition du Frac MÉCA.
Ruralité, migrations, occupation nazie…
Les thèmes abordés sont très divers et larges, allant des forêts (celui de Chloé Dewe Mathews) aux « paysages limitrophes ». Ils ont donc laissé une grande liberté d’interprétation aux artistes. Plusieurs thèmes revêtent une dimension historique, comme la série « Parcours » de Tatiana Lecomte. Elle est consacrée aux restes de l’occupation nazie et notamment les camps locaux. D’autres racontent des histoires du présent.
La photographe basque Maitetxu Etcheverria a choisi de prendre des portraits de personnes liées d’une manière ou d’une autre au mouvement, et de les associer à une photo de leur cadre de vie pour le thème sur « les migrations ». En somme, Arpenter, photographier la Nouvelle-Aquitaine propose une synthèse subjective des histoires du passé et du présent de la région.