Des « communautés » de professionnels de santé


Les médecins ont témoigné sur la création des communautés professionnelles territoriales de santé. Face au manque de médecins, 47 de ces communautés ont été créées en 2021 en Nouvelle-Aquitaine.

Les médecins ont témoigné sur le création des communautés professionnelles territoriales de santéARS Nouvelle-Aquitaine

Les médecins ont témoigné sur le création des communautés professionnelles territoriales de santé

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 02/02/2022 PAR Corinne Merigaud

C’est une innovation qui commence à changer la vie des patients parfois éloignés des professionnels de santé. Quarante-sept communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont été constituées en Nouvelle-Aquitaine en deux ans. Elles peuvent améliorer l’accès et la qualité des soins sur le territoire. Leur déploiement se poursuivra avec 14 CPTS de plus d‘ici fin 2022 qui couvriront 90 % de la population soit deux fois plus qu’aujourd’hui. L’association Agora’lib va accompagner leur déploiement.

En Nouvelle-Aquitaine, l’offre de soins de premier secours ne couvre pas tous les besoins. De nombreux médecins généralistes vont partir à la retraite, 31 % ont plus de 60 ans, leur nombre a baissé de 2,2 % soit 91 pour 100 habitants ce qui situe la région au-dessus de la moyenne nationale (86 pour 100 hab.). Pour autant, le déploiement des CPTS apparaît donc comme une priorité pour une région à la population vieilllissante, à son impact en termes de la prise en charge.

La démarche semble simple mais pas si facile à mettre en place sur les territoires. Il s’agit de développer un mode d’exercice coordonné entre les professionnels de santé volontaires et leurs partenaires sur la base d’un projet commun sur une zone donnée. L’accès aux soins sera ainsi facilité pour les populations parfois éloignées. Le parcours de soins des patients sera alors amélioré et accessible à tous les professionnels souhaitant exercer ensemble, avec des établissements de santé et des médico-sociaux dans l’optique d’une coopération plus efficace.

Faire de l’excercice médical coordonné, une norme

La Nouvelle-Aquitaine est la 3ème région la plus dynamique en termes de créations de médecins spécialistes (249) et au 1er rang pour le déploiement de centres de santé (30). La télé-santé connaît aussi un développement important. Mais ces bons résultats ne sauraient suffire comme l’explique Benoît Elleboode, directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine. «Il faut s’appuyer sur les progrès techniques et prendre en compte les nouvelles attentes des professionnels de santé. Suite au Ségur de la santé, l’objectif est que l’exercice coordonné devienne une norme. L’une des solutions est la création de CPTS, à l’initiative de professionnels de santé de ville sur tous les territoires, sans zone blanche. » En Nouvelle-Aquitaine, le message a été bien reçu : « malgré la pandémie, le nombre de CPTS a doublé tous les ans, passant de 12 en 2019 à 25 en 2020 puis 47 finalisées ou en cours de finalisation en 2021 et 14 en projet. Si nous tenons ce rythme, 90 % de la population sera couverte en fin d’année contre 46 % actuellement. »

Ces communautés vont répondre à quatre missions prioritaires. Il s’agit d’améliorer l’accès aux soins, de trouver un médecin traitant avec une ligne dédiée et des plages de soins pour des rendez-vous non programmés. Le but est aussi de renforcer le parcours de santé autour du patient, par exemple, pour les visites à domicile des infirmières ou les téléconsultations. Les CPTS permettront d’améliorer les actions de prévention comme le dépistage des cancers, de participer à la gestion de crise sanitaire (centres de dépistage et vaccination). Deux missions optionnelles pourront être menées à savoir, faire progresser la qualité et la pertinence des soins et favoriser l’installation de professionnels de santé. Pour créer un CPTS, l’ARS peut accorder une aide de 15 000 €. Une subvention de fonctionnement sera ensuite versée par l’Assurance maladie variant de 220 000 € à 450 000 € par an selon le nombre d’habitants.

A l’Est de la Gironde, on crée une plateforme téléphonique

Basée autour de Cenac, la CPTS « Entre-deux-mers » compte 80 450 habitants répartis sur 526 km². Sur ce territoire rural et semi-rural, la couverture médicale est faible (0,44 médecins pour 400 hab.) avec des inégalités de soins, un problème de déplacements pour une partie des habitants, une iniquité d’accès aux technologies modernes pour les téléconsultations par exemple. Malgré ces handicaps, cinq maisons de santé et une équipe de soins primaire assurent un exercice coordonné dynamique. Des actions ont été entreprises comme le souligne Alexandre Perez, co-président. « Notre objectif est de faciliter la coopération entre tous les acteurs concernés, dont les élus et les associations, pour améliorer l’accès aux soins, par exemple, un centre Covid a été déployé. Une réflexion est en cours autour du déploiement du service d’accès aux soins via une plateforme téléphonique locale . » Autre objectif, la délégation de tâches entre professionnels de santé permettrait, par exemple, de proposer un accès direct des kinésithérapeutes pour la prise en charge des entorses et lombalgies afin de désengorger les urgences. 

Benoît Elleboode, directeur général de l’ARS, estime que 90% de la population sera couverte fin 2022ARS Nouvelle-Aquitaine

Benoît Elleboode, directeur général de l’ARS, estime que 90% de la population sera couverte fin 2022

Au Nord-Est de la Haute-Vienne, on a un rendez-vous en 24 h

La CPTS « L’Occitane » regroupe 38 668 habitants sur 1 197 km². Sur ce vaste secteur, un médecin sur quatre a 60 ans et les spécialistes, gynécologues, ophtalmologues, dermatologues notamment, se font rares. Le territoire dispose d’un hôpital et d’une clinique de santé mentale. Pour les consultations en urgences et la maternité, les habitants doivent rallier Limoges à 30 ou 45 minutes de là pour les 3/4 d’entre eux. « Un groupe de médecins généralistes bénévoles a été créé pour traiter et orienter des demandes de soins non programmés explique le Dr Pierre-Jean Baudot, depuis mai 2021 des créneaux de consultation sont dédiés pour les patients sans médecin traitant déclaré, soit 7% des gens, ou si celui-ci n’est pas disponible. » Un médecin est d’astreinte sur la journée, en semaine, pour répondre à ces demandes, soit une à quatre par jour. « Nous leur donnons une réponse dans la journée ou dans les 24 h précise-t-il, la régulation se fait par les médecins, les pharmaciens et le centre 15. »

A Thouars, on repense la prise en charge les pathologies chroniques

Au nord de la Nouvelle-Aquitaine, la CPTS du Thouarsais regroupe 42 730 habitants en zone semi-rurale autour de Thouars sur 846 km². La désertification médicale est amorcée, avec les deux tiers des médecins généralistes qui seront à la retraite l’an prochain, et la disparition des spécialistes annoncée en 2025, le tout accentué par un éloignement du CHRU situé à 90 km. L’exercice isolé de la médecine représente un handicap d’où la création d’une communauté professionnelle. La population vieillissante et isolée souffre de poly-pathologies dans une situation de précarité agrandissante. « Nous avons repensé l’exercice coordonné pour la prise en charge des pathologies chroniques et des situations complexes par l’équipe autour du médecin traitant qui comprend des assistants médicaux, des infirmières de santé publique AZALEE avec les équipes de soins primaires, infirmières libérales, pharmaciens, para-médicaux », explique le directeur le Dr Thierry Charpentier. « Le but est d’anticiper les ruptures de parcours des patients complexes qui conduisent à des passages aux urgences et à des hospitalisations longues, ce que nous pouvons éviter par des prises en charge au domicile . »

Un programme de téléconsultations avec les infirmières à domicile est en cours de développement car les visites à domicile constituent l’un des maillons faibles de la prise en charge. Le résultat est d’ores et déjà positif. « Nous avons beaucoup moins de passages aux urgences et d’hospitalisations, constate-t-il, celles-ci sont programmées ce qui réduit leur durée et permet de mieux organiser le retour à domicile. » Cette nouvelle prise en charge pourrait soulager la pression sur les hôpitaux et l’engorgement des services gériatriques. « L’une des réponses à la crise hospitalière viendra de la capacité des CPTS à s’organiser estime-t-il, on met toujours plus de moyens sur l’hôpital, je pense qu’il faut les redistribuer pour donner au soin primaire sa vraie place. On a une intelligence de territoire à proposer. »

Le Dr Simon préside l’association Agora Lib’ sans équivalent en FranceARS Nouvelle-Aquitaine

Le Dr Simon préside l’association Agora Lib’ sans équivalent en France

Une association Agora Lib’ a été créée afin d’accompagner le développement de ces communautés de professionnels. Sans équivalent dans l’Hexagone, elle regroupe l’ensemble des unions régionales de professionnelles de santé, soit une par profession de santé. « Cette démarche a poussé toutes les professions à se rassembler, constate son président, le Dr Didier Simon. On va se mettre au service du déploiement des CPTS, grâce à une subvention d’un million de l’ARS, nous recrutons des chargés d’accompagnement, un par département et deux en Gironde, et un superviseur régional pour être opérationnel au 1er trimestre. Agora Lib’ est un bel outil de dynamique collective. » Elle s’est fixée cinq missions, définir l’écosystème des soins de proximité, faire émerger de nouvelles coopérations, favoriser le déploiement de CPTS sur l’ensemble de la région, sensibiliser les professionnels de santé et fédérer autour d’un projet territorial.

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