CNIP à Bordeaux : la question de l’emploi au sens large


Joséphine Duteuil

CNIP à Bordeaux : la question de l'emploi au sens large

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 17/06/2015 PAR Joséphine Duteuil

Les coordinations se veulent des mouvements citoyens mixtes, interprofessionnels et intersyndicaux. Apparues un peu partout en France en réaction à la signature controversée de la Convention d’assurance-chômage de l’Unédic, elles constituent des arènes de réflexion et des lieux d’expression pour ceux qui ne sont habituellement que trop peu représentés.

La lutte de la Coordination des Intermittents et Précaires ne concerne pas uniquement le monde du spectacle, ni même les intermittents dans leur ensemble : ce qui se joue ici, c’est la question de l’emploi au sens large. La protection de tous les « travailleurs de la discontinuité » – c’est-à-dire possiblement tous les salariés en CDD, désormais de plus en plus nombreux – constitue en ce sens un idéal.

« Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous » affirment les militants présents. «Nous souhaitons montrer ce que nous « intermittents du spectacle » sommes capables d’apporter aux travailleurs sur la question de la précarité ». La création d’un régime spécial, « sanctuarisé » par la législation en vigueur, leur paraît à ce titre très négative. Plus encore, elle pourrait selon eux résulter d’une volonté de les isoler, et de diminuer la puissance de frappe des autres intermittents. De plus, même si ces derniers sont une base solide pour le mouvement, les salariés du monde du spectacle ne sont pas les seuls membres de la CIP. Ce matin, dans le hall du Molière Scène d’Aquitaine qui abrite l’événement, un comédien-clown partage la parole avec une vacataire à l’Ipsos et un « futur bibliothécaire ».

Quelles qu’en aient été les intentions, le résultat de la convention Unédic ne satisfait pas la CIP. L’association dénonce la teneur d’un dialogue social « qui sera principalement mis en œuvre par le MEDEF», de même que la précarisation de certains groupes. Les avancées mises en avant sont en fait en trompe-l’œil. La mise en place des droits rechargeables, « vitrine » du texte, représente ainsi d’après eux une régression dans les faits. Ce nouveau système diminue la visibilité des chômeurs quant à leur avenir, et les plonge dans une situation d’incertitude très douloureuse. Des injustices particulièrement criantes ont, de plus, frappé certains corps de métier. L’annexe 4 du texte a ainsi conduit à une perte sèche de 300 à 400€ d’aides par mois pour certains intérimaires. S’y ajoutent des craintes relatives au projet de loi Rebsamen. Les amendements 8 et 10 du texte pourraient être préjudiciables à nombre de travailleurs.

Une critique constructiveLes militants savent ce qu’ils veulent. Depuis 2003, les analyses des membres actuels de la CIP et de leurs partenaires – qu’ils soient chercheurs ou parlementaires – convergent vers une contre-proposition de plus en plus étayée. Elle se place en critique d’un certain nombre de textes actuels, Convention Unédic et loi Rebsamen en tête. Le « nouveau modèle » a pour ambition de démontrer qu’avec des moyens égaux (voire moindres), une action plus respectueuse des travailleurs peut être mise en place. Ce modèle, qualifié par ses défenseurs de « système solidaire et mutualiste », a par exemple récemment gagné le soutien du sociologue et économiste Bernard Friot.

Une défense cruciale pour les membres de la CIP, selon lesquels « on existe et on se définit par son travail ». Il est pour eux très dangereux de « mettre les gens dans des cases humiliantes ». Comme le confie un décorateur de théâtre actuellement dans la précarité, « J’existe en tant que plasticien, pas en tant que RSA »

Urgence, donc, à « prendre en compte la réalité de la discontinuité du travail » puisque « la règle aujourd’hui, c’est le CDD ». La CIP appelle à lutter contre la criminalisation des précaires, contre la stigmatisation de chômeurs « qu’on contrôle de plus en plus ». Le calendrier mis au point lors de la dernière rencontre est lourd de dates à suivre. Apparitions médiatiques (pour la coordination Nationale, les festivals de cet été restent des occasions de faire entendre leur opposition) se dessinent en parallèle à un travail de fond de plus en plus investi par les militants. Comme l’explique l’un d’entre eux : « les grandes actions ont eu leur temps avant la signature des accords, quand il était fondamental d’être visible. Maintenant on a aussi besoin de fond, de technicité ». Une position qui souligne, à quel point il est difficile au citoyen « classique » de s’insérer dans le débat quand les textes deviennent trop complexes.

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