Cancérologie pédiatrique : vers de nouvelles solutions


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Cancérologie pédiatrique : vers de nouvelles solutions

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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 19/06/2018 PAR Romain Béteille

@qui.fr – Le cancer est aujourd’hui la première cause de mortalité par maladie chez l’enfant. Il représente 35 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en Europe dont 2500 en France et 6000 décès par an (dont environ 500 au niveau national). Dans les faits, on sait que plus de 80% des enfants peuvent être guéris sans pour autant être à l’abri d’effets secondaires. Cela signifie-t-il que 20% des enfants ne peuvent actuellement pas être guéris ?

Stéphane Ducassou (maître de conférence, universitaire, pédiatre au CHU de Bordeaux, au sein du service d’oncohématologie pédiatrique de l’hôpital des enfants) – Ça veut dire que 80% des enfants qui sont soignés vont être guéris et 20% vont rechuter ou être dans une impasse thérapeutique avec les moyens dont on dispose actuellement. L’idée, c’est de se rapprocher des 100%, c’est l’objectif des prochaines décennies. Pour ça, il y a probablement plusieurs façons de faire. La première, c’est de trouver les meilleures combinaisons de chimiothérapies qui peuvent exister actuellement et d’accélérer l’accès aux innovations thérapeutiques et aux nouveaux médicaments, que ce soit en France ou via le biais de consortiums européens déjà existants. Il y a un essor, une accélération de propositions d’essais précoces pour les enfants en France. Mais on constate que là où il va y avoir dix médicaments développés pour l’adulte, il y en aura peut-être un seul voire aucun qui seront développés chez l’enfant pour différentes raisons qui ne sont pas uniquement du fait des labos. L’idée, c’est de pouvoir travailler ensemble entre groupes pharmaceutiques, médecins, chercheurs, soutiens familiaux et parlementaires de manière à accélérer l’innovation thérapeutique pour les enfants pour augmenter ce taux de guérison qui, même s’il est l’un des taux les plus importants d’Europe, n’est pas suffisant.

Il ne faut pas voir les labos comme des opposants qui ne nous aident pas. Ils le font, mais pas suffisamment, il y a mieux à faire et différents modèles à prendre en compte. Le modèle incitatif des États-Unis qui « oblige » les industriels à se pencher sur le cas des cancers de l’enfant ou via des mesures incitatives ont été créées en Europe pour favoriser les plans d’investissement pédiatriques. Mais ces enfants ont des pathologies très diverses (avec des tumeurs solides, hémathologiques, cérébrales) et certains sont particulièrement réfractaires et résistants aux traitements. On est un peu en train de rebattre les cartes, on aborde maintenant les maladies en fonction de leur origine mais aussi au niveau moléculaire en cherchant des anomalies ciblables sur lesquelles on pourrait travailler. Tous les programmes actuels visent à travailler ensemble entre médecins, industriels, parlementaires et associations et à accélérer l’innovation. Quand on est dans une réalité pédiatrique, ce n’est pas la même chose que chez l’adulte. Les enfants ont des spécificités particulières, les effets secondaires des traitements ne sont pas forcément les mêmes. Il y a donc un besoin d’accélérer, d’autant que tout cela se fait dans le cadre d’une législation particulièrement compliquée, notamment concernant les autorisations de mise sur le marché d’un médicament. 

@qui.fr – Comment s’opère la collaboration entre les différents acteurs pour faciliter cet accès aux soins ? 

S.D – Des associations comme Laurette Fugain ou Imagine for Margo, qui sont des associations de parents nées de la même histoire, oeuvrent comme les associations locales (Princesse Manon) et aident sur deux versants. Le premier, c’est le confort de l’enfant, c’est à dire l’aide au quotidien, l’accessibilité à certaines choses dans les services d’oncologie pédiatrique ou la possibilité pour les parents d’être véhiculés et de pouvoir se loger. Le second, c’est un soutien aux programmes de recherche, qu’ils soient fondamentaux, cliniques ou autres. Elles ont un rôle important à jouer pour pouvoir favoriser l’accès des enfants aux nouvelles innovations thérapeutiques. Pour donner un ordre d’idée, on sait qu’environ 30% des enfants ont accès à un nouveau médicament en France (contre environ 10% en Europe), l’idée est de pouvoir en avoir deux tiers au minimum, sachant qu’il y a une dynamique forte sur cet accès à une nouvelle molécule. Au niveau européen, il y a eu des directives sur l’accès aux médicaments mises en places avec un système centralisé d’autorisation des essais depuis 2007. Il a permis d’avoir un accès aux médicaments avec une plus grande transparence. Notre objectif, c’est aussi de développer l’accès aux soins en Europe. 

L’autre enjeu se situe au niveau politique et parlementaire, à savoir comment la société pourra prendre en charge des traitements qui ont un coût certain. Il y a eu une rencontre entre les associations et le Ministère de la santé mi-juin (et une volonté gouvernementale claire énoncée en novembre 2017), il y en aura probablement d’autres. Si on prend, par exemple certaines

nouvelles molécules constituant une forme d’immunothérapie dans les leucémies aigues particulièrement réfractaires – et la possibilité d’utiliser ces cellules recombinées et travaillées in-vitro – le prix d’appel aux États-Unis quand ça a été créé était de 450 000 euros par patient. L’une des solutions à trouver, ça va être d’absorber le coût global de ces médicaments. Plus on soigne des pathologies rares et plus on va sur des médicaments ciblés, plus potentiellement le coût va être important et il va falloir trouver des moyens de financer. Toutes les aides sont les bienvenues pour augmenter les possibilités de financement et de recherche, il ne faut donc pas sectoriser mais accélérer le train. 

Les politiques peuvent intervenir au niveau de la législation en permettant l’accélération de la mise à disposition des médicaments chez l’enfant, en organisant une réelle prise en charge économique ou en poussant pour une mise en place de règlements européens. Tout ça a été proposé par les associations de parents, pour l’instant ça fait plusieurs années que ça mouline et que ce n’est pas encore mis en place. Martine Faure, qui a beaucoup oeuvré pour les cancers pédiatriques, avait fait des propositions qui pour l’instant ne sont pas officialisées. C’est en étant présents, en faisant des débats communs à l’Assemblée ou au Sénat, que les solutions seront trouvées. 

@qui.fr – Y’a t-il des projets en cours au niveau local pour tenter de faire avancer la recherche sur les cancers pédiatriques ?

S.D – Il faut d’abord faciliter l’accès géographique, c’est à dire rendre accessible de nouveaux médicaments aux enfants en Aquitaine. On essaie de développer, au sein de notre service qui accueille environ 130 enfants par an, l’accès à des essais précoces de nouvelles molécules, via les centres labellisés CLIP. Il y a actuellement six centres labellisés en pédiatrie en France (en région parisienne, à Lille, Nantes, Marseille et Lyon), on a un trou dans la région Sud-Ouest et Nord-Est. Nous avons passé une convention avec l’Institut Bergonié, qui est un CLIP adulte, et on devrait pouvoir ouvrir l’accès à de nouveaux médicaments dans notre service à la rentrée prochaine ou en fin d’année pour éviter à des enfants de faire des centaines de kilomètres pour aller jusqu’à Paris afin de bénéficier d’un nouveau médicament. Actuellement, on a une dizaine d’essais de phases précoces ouverts au CHU de Bordeaux en oncologie pédiatrique, le fait d’avoir passé une convention avec Bergonié va, par exemple, permettre de doubler cette possibilité d’accès à de nouvelles molécules. Au sein de l’Inserm, on va aussi développer une unité de recherche, en partie financée par l’association Laurette Fugain, pour essayer d’avancer et de comprendre pourquoi, au niveau scientifique, certaines maladies vont être particulièrement réfractaires et éventuellement de tester des médicaments in-vitro.

Il y aura donc de nouvelles propositions thérapeutiques pour des enfants qui ont une maladie particulière, qu’on a analysé à la rechute et pour lesquelles on a trouvé une cible. Si cette cible porte, à elle seule, une partie de la responsabilité du processus tumoral, l’idée de la cibler pourrait éteindre en partie ce processus. Il est clair qu’il faut réaliser qu’une augmentation de la survie de 15% chez un enfant n’est pas quelque chose de mineur, même si on parle d’une pathologie rare. Si on prend l’exemple des leucémies, sur les trente dernières années, la survie globale n’a cessé de progresser. On a, de manière moléculaire, clinique et biologique, réussi à diviser les leucémies en fonction de certains critères. Malgré cela, il y a des enfants qui ne répondent pas à des traitements sans que l’on sache pourquoi. C’est là où on va se tourner vers de nouvelles molécules. On essaie également de mettre en place de nouveaux programmes de recherche fondamentale, notamment dans les leucémies. C’est un programme qu’on a soutenu dans le service et que l’on va développer avec l’Université de Bordeaux, mais l’idée est de travailler en collaboration avec d’autres centres, notamment parisiens. Il est en tout cas urgent de définir de nouveaux critères spécifiques pour qualifier les nouvelles molécules pour la prise en charge des enfants. Jusqu’à présent, il y avait des les comités d’éthique, une désignation par tirage au sort pour évaluer des projets de recherche globale entre différents comités. Or, tous les comités ne sont pas égaux, il faut donc adapter les choses à l’enfant. Une collaboration existe, est en train d’augmenter avec l’objectif de guérir plus d’enfants et de les guérir mieux.

L’info en plus : pour plus d’informations sur cette journée dédiée à la cancérologie pédiatrique, consultez notre article consacré

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