Bordeaux : un bastion de la droite en train de virer à gauche ?


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Bordeaux : un bastion de la droite en train de virer à gauche ?

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 04/06/2012 PAR Philippine Robert

Si Bordeaux vote à droite aux municipales depuis 65 ans, notamment grâce à l’intégration de Caudéran, « petit Neuilly bordelais », dans la ville, ce n’est pas le cas en ce qui concerne les présidentielles comme le rappelle Jean Petaux, politologue et enseignant à Sciences Po Bordeaux : « Ce n’est pas la première fois que les Bordelais votent à gauche, ils ont déjà donné une majorité au candidat de la gauche en 1981, 1988 et 2007 ; la particularité de 2012 c’est l’amplification de ce vote ». En recueillant 57,18% des suffrages au second tour, François Hollande a obtenu pratiquement 5000 voix de plus que Ségolène Royal en 2007 tandis que Nicolas Sarkozy en a perdu un nombre équivalent. Et les législatives s’annoncent aussi bien pour les élus socialistes, si l’on en croit les derniers sondages. Le tandem Michèle Delaunay-Vincent Feltesse ancrerait la deuxième circonscription de Gironde, celle de Chaban-Delmas, à gauche et même la première ne serait plus aussi sûrement acquise à l’UMP.

Une mutation sociologique de la population bordelaise
Comment expliquer ce changement de vote de la ville ? Il semblerait bien que les mutations sociologiques de Bordeaux se mêlent à des aspects plus conjoncturels. « Une ville qui vote majoritairement à gauche, ce n’est pas un cas isolé en terme de métropole, il suffit de regarder Lyon, Lille, Strasbourg, Marseille, etc. C’est un phénomène qui est attesté au plan national : dans les grandes métropoles, la ville-centre est plutôt socialisante », explique ainsi Jean Petaux. Bordeaux, comme les autres grandes villes françaises, attire un profil sociologique qui est celui de l’électeur socialiste : les classes moyennes supérieures plutôt jeunes. Pour Philippe Dorthe, conseiller régional PS d’Aquitaine, ce changement sociologique serait dû, de manière paradoxale, à la politique municipale d’Alain Juppé : « il a ouvert les portes de la ville aux classes moyennes supérieures qui constituent la base de l’électorat socialiste, ce qui a musclé l’électorat de la gauche dans certains cantons et a gauchisé certains quartiers de droite ».

Bordeaux, ville d’Alain Juppé et handicap supplémentaire pour Nicolas Sarkozy
Mais la mutation sociologique n’explique pas tout : une part de cet accroissement du vote socialiste est aussi un vote-sanction de l’UMP, qui est bien évidemment difficile à quantifier. Si pour Jean Petaux la politique municipale d’Alain Juppé n’est pas remise en cause par les Bordelais, il s’agit plutôt d’un rejet de Nicolas Sarkozy : « Une partie de l’électorat d’Alain Juppé n’a pas digéré que Nicolas Sarkozy soit à sa place à l’Elysée pendant cinq ans ». Justement parce que Bordeaux est la ville d’Alain Juppé, le candidat de l’UMP aurait été victime d’un handicap supplémentaire : « C’est la même chose qu’en 1974 quand Valéry Giscard d’Estaing avait « tué » Jacques Chaban-Delmas au premier tour des présidentielles ; les Bordelais l’avaient sanctionné au second tour en votant pour François Mitterrand ». L’affaiblissement du vote de la droite s’expliquerait donc en partie par un combat, certes non-frontal mais réel, entre les fractions de la droite. Pour Philippe Dorthe, cet échec est au contraire une sanction d’Alain Juppé : « L’écart entre 2007 et 2012 est trop important sur Bordeaux pour qu’il s’agisse simplement d’une sanction de la droite nationale ».

Philippe DortheUn changement de majorité municipale en 2014 ?
La montée du vote de gauche peut-elle laisser supposer un changement de direction de la ville de 2014 ? Il est dangereux de se baser sur les résultats d’une élection présidentielle ou législative pour affirmer cela comme le rappelle Jean Petaux : « En 2008, au vu des résultats de l’élection présidentielle de 2007 sur Bordeaux et de la défaite d’Alain Juppé aux législatives, la gauche a voulu y croire. Mais il faut bien se garder de transposer les comportements électoraux d’une élection à l’autre ». C’est oublier, en effet, que l’électeur d’aujourd’hui est un électeur stratège et rationnel qui peut adopter des comportements très différents d’une élection à l’autre, parfois même quand elles ont lieu le même jour : « Lors des municipales, Alain Juppé a obtenu 47% des voix dans mon canton et j’en ai obtenu 47% aussi pour les cantonales qui avaient lieu le même jour, ce qui signifie qu’il y a des gens qui votent à la fois pour Alain Juppé et pour le Parti socialiste. Des élections ne sont donc comparables qu’entre elles », explique Philippe Dorthe. Le poids et la personnalité d’Alain Juppé font donc qu’il conserve toutes ses chances pour 2014. « Celui qui le sait le mieux c’est Vincent Feltesse, il sait que la partie n’est pas jouée pour lui », ajoute Jean Petaux. Si Philippe Dorthe partage le même constat, il est plutôt optimiste en ce qui concerne 2014 et la candidature implicite de Vincent Feltesse : « une démarche osée mais qui montre qu’il a le sens du moment ». En ajoutant tout de même : « A Bordeaux, le Parti socialiste tient la tranchée, nous sommes une poche de résistance sans moyens logistiques à la hauteur de l’enjeu. La ville sera prise quand la Fédération aura décidé de mettre en œuvre tout ce qu’il faut pour la prendre. Jusqu’à présent, on a assisté à un turn-over de candidats du à une volonté molle de l’appareil fédéral socialiste ». Rien n’est donc joué pour la gauche à Bordeaux, même au vu du score de François Hollande en 2012.

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