Exposition: Mérignac impose sa « condition »


ville de Mérignac

Exposition: Mérignac impose sa "condition"

Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 13/01/2018 PAR Romain Béteille

Qu’il s’agisse de raconter et de prouver l’existence physique et matérielle d’internet, de dépeindre l’ancienne gare de Tel-Aviv comme une allégorie de la cour des miracles où de montrer la réalité de la division sociale dans une Allemagne de l’Est rurale et exclue (Manhattan étant le surnom très ironique donné par les habitants à un immeuble d’appartements préfabriqués de quatre étages situé à quelques kilomètres de la Pologne), les séries présentées par les photographes allemands, membre de l’agence berlinoise OSTKREUZ, frappent par leur intensité. Celle d’une histoire et d’un combat, celui de sept photographes originaires d’Allemagne de l’Est qui, au printemps 1990, se retrouvent à Paris à l’appel de François Mitterrand autour d’une exposition consacrée aux artistes influents de la République Démocratique d’Allemagne. C’est là qu’ils fonderont d’ailleurs la fameuse agence, en prenant appui sur l’illustre Magnum, la première du genre fondée, après guerre, par des noms aussi illustres que Capa ou Cartier-Bresson. Ces sept là, comme une assemblée secrète, sont les témoins d’un pays coupé en deux qu’ils veulent réunifier à leur échelle. De manière collégiale, ils fournissent un travail qui se veut « socialement engagé », d’où cette réunion commune autour du thème de la « condition humaine ». Les 21 membres actuels de l’agence n’y sont pas tous exposés, mais certains des fondateurs s’y affichent aux côtés de la nouvelle génération. 

Humains et milieux

Évidemment, les symboles, métaphores et autres aveux implicites ne manquent pas pour qui voudra les trouver. Mais ce qui frappe surtout, c’est que malgré l’unicité d’un thème commun, les styles sont aussi variés que les époques. Ils peuvent être synthétiques, comme celui de Werner Mahler qui, avec la série « Bacheliers », photographie de jeunes titulaires du BAC en 1977 avant de suivre leur parcours et leur vie dans des clichés qui se ressemblent sans jamais être tout à fait semblables. Symbole du temps qui passe autant que du monde qui évolue (cette fresque humaine, posée en colonnes, comporte des trous illustrés physiquement par les frontières historiques du pays), « Bacheliers » répondrait presque à ce « vivre ensemble », aujourd’hui un rien galvaudé, qui animait déjà Ute Mahler entre 1972 et 1988, temps duquel elle a tiré une longue série de photographies servant à dépeindre la société allemande de l’époque, ici personnifiée à travers des inconnus, lorsque les personnages photographiés par son mari avaient tous un nom. Le travail du couple est sans doute l’une des premières choses que vous verrez en entrant. Pour le reste, ce sera un peu la surprise. 

Impossible, cependant, de ne pas évoquer cet « Autoportrait avec des jumeaux et un sein » de Linn Schröder qui, en 2012, choisit d’illustrer à la fois la naissance (en tenant ses deux jumeaux dans les bras) et la mort (en prenant, de face, un cancer qui lui a pris un sein). On ne saurait trop dire ce qui attire le regard : la taille de la photo, son aspect lugubre, sa lumière crépusculaire lui donnant une réalité crue… Mais la condition humaine vue par ces photographes allemands ne sert pas seulement à faire des portraits d’individus à travers les miroirs déformants de leurs objectifs : ils savent aussi fournir une vérité tangible aux objetx et aux choses invisibles. Les bureaux et les geôles de la (terrifiante) Stasi photographiés en 2007 ressembleraient presque à un décor de cinéma. Le jeune Heinrich Holtgreve et son anatomie d’internet tirent une interprétation étonnamment poétique à partir d’une simple série de câbles et de fils…

Objectif militant
Bref, on vous invite, même si vous avez déjà pas mal vadrouillé par procuration avec les expositions du Mérignac Photographic Festival, à quand même venir jeter un bref coup d’oeil au travail de ce collectif aux résonances quasi-militantes : parfois, on dirait vraiment des clichés de reporters de presse. « En Allemagne, la condition des photographes est différente. On ne fait pas confiance aux émotions et aux images, sans compter notre culture protestante. On considère un photographe artiste différemment d’un photographe de presse, qui est davantage vu comme de la main d’oeuvre. Or, les deux font partie de la même pensée, celle que l’on essaie de défendre », commente Marc Beckmann pour justifier l’analogie. Cette vision très personnelle, ils la porteront également sur les nouvelles réalités d’une Europe divisée fin 2018 à Berlin. En attendant, c’est à Mérignac que vous pourrez admirer un échantillon représentatif. Et ça, c’est quand même pas mal… 

L’info en plus : Pour les curieux ou les convaincus, vous pouvez le faire seul (sur réservation et dans la limite des places disponibles auprès de la direction de la culture), accompagné (le vendredi 26 janvier et le vendredi 23 février à 19h; et même les 9 février et 9 mars à la même heure pour les sourds et malentendants) et même en famille (le mercredi 21 février de 10h à 12h). Signalons enfin qu’un rappel aura lieu le 23 mars à 18h au Goethe-Institut de Bordeaux (exposition et projection), et le lendemain à 15h par le biais de l’Université populaire de la photographie à la médiathèque de Mérignac; tous deux sont consacrés au photographe Maurice Weiss. 

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

On en parle ! Gironde
À lire ! CULTURE > Nos derniers articles