“ Bienvenue au ghetto-mégot ! ” Cette amicale formule, placardée dès l’entrée du Brennus, fanfaronne et un brin provocatrice, salue chaque client de l’établissement. “ On est un lieu d’accueil ”, déclare simplement Dider Darracq, le patron, un ancien talonneur lormontais connu de tous sous le sobriquet évocateur de “ Fût ”. “ Beaucoup de femmes qui travaillent dans le quartier ne veulent pas fumer leur cigarette sur le trottoir, et c’est plus simple aussi pour les turfistes, souvent à cran ”, poursuit-il. Un parieur, en voici un justement. “On peut fumer ici ?“, demande-t-il avant même de commander son café allongé, un peu gêné et très impatient, comme un enfant à qui on aurait fait une jolie surprise.Paternel, Fût le rassure immédiatement. “ Un petit noir avec une clope, c’est pas pareil ”, reconnaît le client. Un futur habitué, sans doute.
“ Un extracteur de fumée en conformité ”
Si les consommateurs du Brennus ont le droit de s’enfumer, il y a tout de même quelques règles à respecter.C’est l’arrière-salle du bar qui est seule dévolue aux volutes. “ Jusqu’à l’été dernier, je faisais restaurant ici, le midi “,explique Fût.“ Mais en août, une équipe de la mairie est venue pour me dire qu’il fallait mettre les lieux aux normes de sécurité. Il y en avait pour 35 000 euros de travaux; j’ai laissé tomber ”.Récemment dotée d’un extracteur d’air flambant neuf, la salle a donc été reconvertie en fumoir. Pied-de-nez aux autorités ? Geste commercial ? Philanthropie rebelle ? Un peu de tout ça, sans doute. En tout cas, ce “ ghetto-mégot ” n’est pas une zone de non-droit instaurée par« un nicotinomane » forcené : ça fait quatre ans que Fût a arrêté de fumer.
Léo Peresson