Assises de l’Origine: les SIQO et les marques territoriales: duo ou duel?


Aqui.fr

Assises de l'Origine: les SIQO et les marques territoriales: duo ou duel?

Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 28/05/2014 PAR Solène MÉRIC

Les stratégies de valorisation des produits agricoles sont multiples et variées: Signes Officiels de Qualité et d’Origine reconnus au niveau français et européens (IGP, AOC, AOP…) labels de qualité (Label Rouge), label sur le mode de production (BIO, AREA…), marques d’entreprises aux valeurs qualitatives affirmées, … autant d’outils qui doivent désormais coexister avec la nouvelle tendance lancée par les collectivités locales de créer autour des productions locales, de nouvelles bannières ou marques territoriales. Une manière de soutenir et (re)dynamiser les filières agroalimentaires. En Aquitaine, par exemple, « Sud Ouest France » ou « Bio Sud Ouest France » servent de bannières communes aux produits agroalimentaires des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées souhaitant mettre en avant les images et valeurs du « Sud Ouest » aux produits d’ici.

Un simulacre de valorisationCes nouvelles opportunités de valorisation des produits ne font pourtant pas l’unanimité dans les rangs des producteurs bénéficiant déjà de SIQO. Leur regard est parfois méfiant quant au risque de concurrence que ces marques territoriales peuvent engendrer, notamment sur l’utilisation d »une indication géographique. Claude Vermot-Deroches est de ceux-là. Ardent défenseur de l’AOP Comté, il n’est pas, sur le principe, opposé à l’existence de telles marques régionales, mais la position du Comité Interprofessionnel du Comté qu’il préside est ferme, et exige des conditions strictes à leur création.
En premier lieu, un cahier des charges digne de ce nom. «Pour le Comté, chaque opérateur est soumis à des contraintes et des surcoûts. Sans cahier des charges, la revendication territoriale n’est qu’une revendication d’image, un simulacre de valorisation, dont les victimes seraient non seulement les opérateurs sous AOP-IGP mais aussi les consommateurs, trompés sur le contenu réel de la marque». Autre condition: l’accord préalable des filières AOP-IGP régionales afin qu’elles «puissent vérifier que le développement d’une marque régionale se développe sans porter la moindre atteinte aux produits déjà en place.» Enfin, selon lui, l’INAO, doit interdire l’existence de marques régionales sur des produits qui existent déjà sous AOP-IGP »…

Une saine émulationParmi les intervenants présents, Charles Goemaere Responsables des services économiques et juridiques du Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, est encore plus «jusque-boutiste». Son service juridique fait la chasse à travers le monde de tout produit, viticole, agricole mais aussi objet en tout genre (cigarettes, parfums, vêtements, etc..) portant le nom «Champagne». 1067 dossiers sont actuellement en cours dans 80 pays… «Rien ne doit venir remettre en cause le «réflexe Pavlovien» du consommateur entre le mot «Champagne» et le produit», explique t-il. L’idée d’une marque régionale «Champagne» n’est donc absolument pas envisageable pour le Comité interprofessionnel. Par contre, il ne s’opposerait en rien à une marque portant le nom entier de «Champagne-Ardennes».
Autre point de vue, celui de Christophe Miault pour la marque privée «Paysan Breton». Marque de commercialisation de produits issus du lait collecté auprès de 3 coopératives, elle bénéficie d’une notoriété liée à son âge (45 ans) et à son ancrage breton affirmé et revendiqué. Mais elle joue aussi sur des valeurs « de tradition, de simplicité et de produits sains », le tout adossé aux principes coopératifs. «L’important est de parvenir à donner du sens à la marque», insiste-t-il. De ce point de vue, une marque territoriale, n’aurait pas selon lui d’intérêt pour Paysan Breton, mais il admet que dans un temps de développement elle peut être utile, justement pour imprimer des valeurs sur un produit, «quitte à sortir de la bannière locale, si la marque ne le nécessite plus». Quant à la concurrence éventuelle qu’elle pourrait induire, c’est plutôt selon lui une bonne nouvelle : «ça veut dire que votre produit et les valeurs qu’ils portent sont les bonnes et que d’autres veulent investir le terrain. » Au final, pour lui, une saine émulation.

Vers un accord-cadre avec l’ARFPour le Directeur de l’INAO, s’il reconnaît qu’une concurrence entre outils de valorisation pourrait être avérée, il n’est pour autant pas question de rejeter les initiatives des collectivités. Tout l’enjeu du moment est donc bien de voir comment cette multitude de signes et de sigles qualitatifs peut «tirer dans le même sens l’image des produits». «Il faut qu’à travers ces démarches, les effets positifs se cumulent sans se confondre. Organiser cette complémentarité est une nécessité forte», insiste-t-il. Une complémentarité permettant tout à la fois, «l’identification par l’origine, des cahiers des charges exigeants, et dans le même temps une préoccupation économique permettant aux acteurs des territoires de faire preuve de leur performance.» Dans ce sens, il rappelle qu’une Charte de bonnes pratiques, posant les fondements de cette complémentarité a été adoptée il y a six mois. Celle-ci préfigure «un accord cadre avec l’Agence des Régions de France, qui pourrait être finalisé avant la fin 2014», espère-t-il.
Seul exemple de marque régionale, représenté lors de ces Assises, Bio Sud Ouest France. Plus qu’une bannière de promotion, la marque, au cahier des charges «très rigoureux» assure Jean-Michel Boyer, président de la commission de promotion Bio Sud Ouest France, va jusqu’à s’afficher sur l’étiquette des produits. Pour autant, confirmant que les viandes ne peuvent pas s’en prévaloir, on comprend bien que même si l’adhésion est assez large pour les opérateurs bio, un certain nombre de discussions n’ont pour l’heure pas pas pu aboutir.

En conclusion des échanges, Dominique Graciet, Président de la Chambre régionale d’agriculture, a appelé lui aussi à plus de clarté afin que les marges induites par les SIQO restent aux producteurs. Pour ce faire, il faut selon lui établir «un vrai code de la route, qui pourrait nous autoriser à ne pas avoir la même démarche selon le marché où l’on se présente, comme une voiture ne peut dépasser les 50 km /h en ville, mais peut rouler à 130 km/h sur l’autoroute». Entendu ici que l’autoroute, c’est l’export, «là où le terrain est dégagé». Pour autant, «les produits de qualité doivent garder leur caractère exceptionnel, il ne faut pas trop de monde dans ce créneau, sinon ce sera au détriment des marges du producteur. Or, prévient-il, il ne faut pas prendre le risque de cesser un travail de notoriété entrepris depuis des années.»

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

On en parle ! Nouvelle-Aquitaine
À lire ! AGRICULTURE > Nos derniers articles