Reportage Aqui!TV7: île de Ré, Grands travaux contre submersion


Jean-Paul Heraudeau
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 15/03/2017 PAR Joël Aubert et Piotr Czarzasty

Malgré cela, depuis Xynthia, la protection de Ré a un côté Sisyphe; en effet, l’Etat que le drame de La Faute en Vendée a tétanisé, l’amenant à lancer en urgence la notion de « zones noires », se montre inflexible à l’endroit des communes sur la protection et par voie de conséquence sur l’évolution de l’urbanisation dans l’île. Il avait imposé des mesures de destruction et des cartes – Xynthia plus – qui actaient le relèvement des hypothèses de protection. La question est toujours à l’ordre du jour comme des réunions, ces jours-ci, au Bois Plage et à Ars en Ré, présidées par le nouveau préfet de Charente-Maritime, Eric Jalon, l’ont mise en évidence. Le Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN) va être soumis à révision et donnera lieu, cet été, à dix enquêtes publiques, une par commune, dans une période selon le préfet « la moins critiquable ». Autant dire que l’Etat entend mettre dans la boucle de la consultation le plus grand nombre de personnes, résidents secondaires et touristes y compris. En tout cas le débat reste vif entre les élus de l’île et les représentants de l’Etat ,

@qui! A la tête de la communauté de communes, après Xynthia, vous vous êtes trouvé face à un défi considérable… Il a fallu concevoir, financer, expliquer à la population la politique à mettre en oeuvre, alors que l’Etat mettait la pression maximale sur les élus pour que les choses avancent vite.


Lionel Quillet – J’arrive à la tête de la communauté de communes de l’île de Ré en 2008. je suis maire de Loix-en- Ré depuis 1995 et conseiller général. Xynthia, en 2010, c’est un événement qui nous surprend mais que nous, les insulaires, on attendait un peu. Nous savions très bien que ces événements ou l’eau rentre sur les terres, il pouvait y en avoir, car en 400 ans il y en eût quand même 50. Ce n’était pas un événement inconnu mais le dernier remontait à 1941. Quand Xynthia survient on prend un événement majeur mais la chance de l’île de Ré c’est que son urbanisation est très réduit: seul 20% de son territoire est construit. Si Xynthia fait d’énormes dégâts matériels, avec hélas deux morts à La Flotte, nous n’avons pas connu le pire.

Après le temps de la solidarité, on est redevenu insulaires; nous avons retrouvé une force. Nous avons très bien vu que le problème était appréhendé de façon difficile par l’Etat et qu’il allait falloir se prendre en main pour entrer dans une politique dynamique. Arrivent l’épisode des zones noires, une période très compliquée, un véritable traumatisme ; ça été précipité, mal étudié, excessif. Après cela, sur ma proposition, le département a créée la Mission Littoral de la Charente-Maritime. Notre département est un peu à part parce que l’on à la fois une part d’érosion de la dune comme tous les départements en Nouvelle Aquitaine mais aussi une très grande part de submersion possible, y compris au niveau d’un grand estuaire. Nous sommes face à des problèmes de submersion les plus importants de tout le littoral atlantique, hormis peut être du côté d’Anglet, de Biarritz ou de Bordeaux.


@qui! – Grande question qui explique le laisser aller: qui est compétent pour assurer l’entretien des ouvrages?

L. Q – Un gros travail n’a plus été fait à partir de la fin du 19° et surtout après la seconde guerre mondiale. Les grands travaux ont été largement abandonnés et l’on reste entre 1940 et 2010 sans grands travaux, pendant 70 ans. Et, surtout, sans prise de compétence…Qui est compétent pour les faire ? En fait il n’y a pas de compétence bien définie. La loi de 1805 rappelle que celui qui est compétent c’est celui qui est derrière la digue !… Mais à l’époque au 18° au 19 °, voire sous Colbert, tout le monde s’y mettait : les propriétaires, la commune, le gouvernement royal…

« Le plus grand chantier de France »

Le monde a changé. Au XXI° siècle on cherche les compétences. Tout l’intérêt de la Charente-Maritime qui à partir de 2011 monte la Mission littoral, c’est qu’entre cette date et 2017 on organise, en fait, le pus grand chantier de France . En matière de protection contre l’érosion mais surtout la submersion. Notre programme de protection à la Mission Littoral, c’est 150 millions basés sur huit projets « PAPI » (programmes d’action et de prévention des inondations). Tous les territoires s’y mettent. Ré est tête de pont pour cet ensemble : sur 150 millions elle monte un projet à 45 millions un des premiers gros « PAPI » présenté et validé par l’Etat. Cela correspond à un acte positif ; le territoire se prend en main et s’adosse à un département qui prend une décision forte et dit : « si vous faites le boulot je suis là et serais maître d’ouvrage ». Nous avons un véritable outil et, sept ans après, on s’aperçoit que là ou le département n’est pas maître d’ouvrage, ce n’est pas la même histoire.

Le problème qui se pose  c’est bien celui des compétences au-delà du problème financier très important car on sait qu’il faut dépasser les 40 milliards pour restaurer simplement le plan de défense fluvial et littoral français. L’Etat est confronté à une réalité : il n’a pas les moyens pour faire autant mais surtout il réfléchit sur les compétences. Aucun gouvernement de droite comme de gauche –  tous les ministres, les sept de l’environnement, je les ai tous vus – ne veut  se retrouver au 13 heures avec des gens en train de se noyer et avec un Etat responsable.

Derrière la volonté de protéger les personnes, il existe l’intention très claire de transférer la compétence de l’entretien des digues. C’est là qu’arrive la loi Gemapi où, finalement, on la transfère aux communes et aux collectivités mais avec des conséquences beaucoup trop importantes pour les collectivités et des montants qui dépassent le cadre des collectivités. Heureusement l’Etat a mis 40%; il est financeur et valideur ce qui n’est pas rien. Nous, département, on met 20 %, la collectivité référente en l’occurrence pour le PAPI de l’ile de Ré  ce sera 20 % et à l’époque de la région Poitou-Charentes  – c’était à la veille de l’élection législative entre Ségolène Royal et Olivier Falorni – je mène une négociation avec Ségolène Royal qui a pris en compte le dossier . Il y avait certes l’élection, mais Poitou-Charentes ne pouvait pas laisser la Charente-Maritime en dehors de l’aide nécessaire: il y eu alors une confiance totale; c’est que je rappelle maintenant au président Rousset. Par contre la vraie difficulté dans la Nouvelle Aquitaine c’est que nous ne sommes pas culturellement dans le même dossier. Là-bas on raisonne plutôt « érosion » avec le GIP, le Groupement d’intérêt Public Aquitain et une approche du repli vers l’intérieur, d’accompagnement, de captage de sable et c’est normal, mais la Nouvelle Aquitaine se retrouve avec un département, la Charente-Maritime concernée pour 20% par l’érosion mais à 80% par le risque de submersion. Et, là, il n’y a que deux choix : ou l’on défend, et à ce moment là il faut y mettre les moyens ou on ne défend pas et on évacue les gens. C’est la voiture sans airbag et sans frein. C’est là que s’engage la discussion avec la Nouvelle Aquitaine pour faire comprendre qu’elle a hérité d’un département très spécifique. Nous avons plutôt bien travaillé et sommes engagés déjà pour 70 millions de travaux faits ou en cours, par exemple Saint Clément des Baleines, Aytré, Angoulins.. ; 30 millions de projets sont à validation et à lancer bientôt, c’est à dire en 2018. Ensuite 50 millions. Je dois avoir tout lancé en 2020, ce qui correspond d’ailleurs à la mise en place de Gemapi. La Région arrive sur un dossier où elle est partenaire à 20%. Pour l’île de Ré, sur les 45 millions ce sont douze grands chantiers dont cinq sont lancés ; les autres arrivent très rapidement car tous auront du l’être d’ici 2018 et sur les cinq chantiers lancés un vient de se terminer, celui de la digue du Boutillon. Ces douze chantiers représentent 45 millions mais il y a des avenants ; nous sommes entrain de dépasser de 10% et allons plutôt sur 50 millions.






Interview d’Annick Marchadier, riveraine du port de la Flotte-en-Ré.

 

Interview de Lionel Quillet, Président de la Communauté des Communes de l’Île de Ré.

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