Agriculture des villes, agriculture des champs, rencontre avec Bernard Artigue et Philippe Abadie


Vincent Monthiers 2009

Agriculture des villes, agriculture des champs, rencontre avec Bernard Artigue et Philippe Abadie

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 19/06/2012 PAR Isabelle Camus

Fils de paysans installés à Loupes, dans l’Entre-deux-mers, Bernard Artigue a évolué dans une tradition familiale agricole et viticole. A 61 ans, il a connu la période où la polyculture composée d’élevage, de production céréalière avec spécialisation en viticulture était de mise dans « le pays ». Il peut en témoigner, la vigne a eu des années fastes.

Paysan et président

Bernard Artigue, président de la chambre d'agriculture Gironde

Le bac en poche, puis son service militaire accompli précèdent  l’installation de Bernard Artigue sur la propriété du Chateau Beaulé, sans études ni formation particulière, mais complètement imprégné de l’expérience parentale. « J’ai vu le métier évoluer autour de moi, les exploitations se moderniser et se perfectionner, avec une amélioration constante du bien-être quant aux conditions de travail » se souvient-il. « Les années 80 et 90 ont connu une évolution qualitative, économique, technique et écologique notable. C’est là qu’on a commencé à prendre conscience de l’importance du fait environnemental pour la santé, la notre et celle d’autrui, avec une évolution de la réglementation. Car même si nous continuons de traiter, beaucoup de matières actives ont été supprimées et nous réduisons les doses. La chambre d’agriculture accompagne cette démarche ». Une chambre d’agriculture qui représente l’ensemble d’une profession, dont il est aujourd’hui le président. Elu au suffrage direct par les agriculteurs du département pour un deuxième et dernier mandat de 6 ans, il laissera la place en janvier 2013. Pour l’heure, Bernard Artigue représente l’intérêt des agriculteurs auprès des institutions et oeuvre au développement de l’agriculture au sens large, allant du conventionnel au bio en passant par le raisonné. Une action au rayonnement à la fois départemental, régional et national en sa qualité de responsable des marques Bienvenue à la Ferme et des Marchés des producteurs de pays. On le comprendra, entre les réunions à répétition et les voyages à Paris ou à Bruxelles, tout en faisant tourner une exploitation de 40 hectares de vigne, l’homme est plus qu’occupé !

L’évolution et la relève d’une filière

Philippe Abadie, responsable du service développement et formation

Toutefois, si les progrès sont considérables, ils ont aussi un coût et Bernard Artigue de préciser. « Face à la demande, nous sommes prêts à franchir le pas du bio, si nos efforts sont valorisés. Il est indispensable que la société prenne conscience de ce que ce mode de production représente et des paliers qui existent. 95% de non-bios sont dans une démarche à des degrés divers, moi je fais du bio et du raisonné,  mais dans la crise que nous vivons, c’est compliqué, car pour un volume moindre, les prix sont plus élevés. De même l’évolution s’accompagne d’une complexification au niveau réglementaire, avec des contraintes non rémunérées. Ce qui n’est pas fait pour faciliter la relève, autre point crucial de notre profession. Un grand nombre d’exploitations agricoles ne génèrant pas assez de bénéfices, en matière viticole, les installations ont été divisées par 5 entre 2000 et 2010.  Un  phénomène qui concerne aussi les autres filières. Car si le degré d’enseignement qualifié a évolué vers Bac+2/Bac+5 et que la formation des exploitants est plus qualitative, l’intérêt des jeunes est à la baisse, en lien direct avec la baisse des salaires ». « Pourtant nous avons un territoire, des valeurs, du savoir-faire, l’agriculture a un avenir, souligne Philippe Abadie, responsable développement et formation à la Chambre d’agriculture. A nous d’assurer une sécurité quantitative et qualitative tout en intégrant l’importance de l’occupation des territoires. Le vin reste une valeur sûre. Bordeaux garde son aura.  A nous de promouvoir cette valeur, en Chine et partout où nous sommes une référence, à nous de nous battre pour les valoriser. Nous avons des atouts en France ».

Agriculture périurbaine et métropolitaine
Le vin est une chose, l’agriculture en est une autre. Face à la demande des consommateurs et à l’exigence de la croissance urbaine qui vise à faire de Bordeaux et son agglomération une métropole millionnaire, se profile la nécessité d’assurer une production accrue et sa pérennité. À l’échelle de la Communauté urbaine de Bordeaux, l’agriculture périurbaine fait partie de toute une réflexion quant à son développement, à la lisière des villes, autour de ce que l’on appelle la ceinture verte (cf les articles  du 09 novembre 2010 et du 24 avril 2012). Fait de partage avec les consommateurs qui peuvent bénéficier d’un système de vente directe,  le président de la Chambre d’agriculture considère qu’ il y a bien une place  pour ce mode de production même si ce n’est pas si simple. « Il faut mettre ça en musique, ensemble, entre tous les acteurs. Pour l’instant c’est sur le papier des collectivités, mais il faut viabiliser et pérenniser. Faire que le maraîchage s’en sorte et rendre le métier plus attractif.  » Depuis une quinzaine d’années la population se renouvelle très mal. Au vu de la crise, les enfants ne veulent pas reprendre car il faut lutter contre le prix de la tomate du Maroc ou d’Espagne, subir les problèmatiques climatiques et les grandes surfaces qui fixent les prix, sans compter les contraintes foncières… C’est un métier dur, exigeant et permanent. Il faut avoir accès à l’eau et des autorisations de pompage pour arroser. Et le bio demande d’être pointu qui ne souffre pas l’à peu près… Pour cela nous sommes équipés et proposons un appui technique avec un conseiller, pour une formation que même les plus aguerris demandent. Tout existe, mais il faut beaucoup de conditions réunies ».

Heureusement, y a des exemples probants. Celui, notamment, de Philippe Laville, producteur à Eysines,  qui s’est reconverti et réorienté de la vente en grandes surfaces à la vente directe pour créer de la plus-value. « Son expérience est très intéressante en zone urbaine », reconnait Philippe Abadie. Il est très pointu sur le plan technique, très rigoureux, plusieurs conditions sine qua non pour réussir. Ou celui d’Aurore Cessateur, qui a développé une AMAP à Saint Médard en Jalles et qui fait partie du réseau Bienvenue à la ferme.

Côté actualité, un projet de « drive » en phase d’étude de faisabilité est en cours, où les commandes de fruits, légumes et autres victuailles seraient passées et réglées en ligne, puis récupérées dans des points de dépot. Également dans les tuyaux, un site internet de tous les producteurs en circuits courts du département, pour une meilleure visibilité et mise en relation est en phase de finalisation. Et Bernard Artigue de conclure : « Il faut redéfinir les échanges. Que le producteur puisse pratiquer des prix qui le fassent vivre, tout en donnant satisfaction au consommateur et en créant du lien. Soutenir, redonner goût et considération pour un métier qui s’il est dur, a vraiment du sens ».

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