Addictions, drogues: des places disponibles pour en sortir


L'accident qui a mis en cause l'artiste Pierre Palmade a soulevé la question de la dépendance. Mélina Fatseas, professeure d’addictologie et de psychiatrie à Bordeaux, décrypte ce phénomène complexe et les prises en charge possibles dans la région.

Mélina Fatseas, professeure d'addictologie et de psychiatrie et cheffe du pôle d'addictologie inter-établissement entre le CHU de Bordeaux et le centre hospitalier Charles Perrens.CHU de Bordeaux

Mélina Fatseas, professeure d'addictologie et de psychiatrie et cheffe du pôle d'addictologie inter-établissement entre le CHU de Bordeaux et le centre hospitalier Charles Perrens.

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 04/04/2023 PAR Juliette Huard

Le 10 février dernier, l’acteur et humoriste Pierre Palmade était impliqué dans un accident de la route en Seine-et-Marne. Ses analyses de sang ont révélé une consommation de cocaïne et de drogues de synthèse quelques heures avant le drame. Au coeur de la polémique, les addictions demeurent un phénomène complexe.

Le Covid-19 a été un facteur aggravant avec des tableaux assez sévères chez des personnes en demande de prise en charge

Si les conduites addictives ont toujours plus ou moins existé, le Covid-19 s’est transformé en accélérateur. 56 % des individus en difficulté financière admettent une maîtrise compliquée de certaines consommations à risques durant le confinement, contre 38 % en moyenne, d’après une étude de l’association Addictions France. Et, 58 % des personnes déjà prises en charge pour un problème d’addiction déclarent avoir augmenté leur consommation d’anxiolytiques pendant cette même période, contre 33 % en moyenne. Le phénomène national se confirme en région. « Le Covid-19, avec le stress lié au confinement et à des situations financières difficiles, a été un facteur aggravant avec des tableaux assez sévères chez des personnes en demande de prise en charge », affirme Mélina Fatseas, professeure d’addictologie et de psychiatrie et cheffe du pôle d’addictologie inter-établissement entre le CHU de Bordeaux et le centre hospitalier Charles-Perrens.

En ce qui concerne la cocaïne, l’une des substances impliquées dans l’accident routier de Pierre Palmade, Mélina Fatseas note « une augmentation de la consommation depuis une vingtaine d’années » et une véritable « montée en puissance depuis cinq ans ». Elle l’explique par une banalisation de la consommation et une plus grande disponibilité de la substance, qui se traduit par une extension à tous les groupes de population. La cocaïne est « très addictive et puissante et son sevrage fait partie des plus difficiles », précise Mélina Fatseas.

« Une addiction est une maladie »

Une addiction se caractérise principalement par la perte de contrôle de la consommation de l’objet ou du produit constituant l’addiction. Dès lors, il y a une absence de la capacité de freinage de cette consommation. Ce qui engendre des retentissements dans la vie de la personne : déscolarisation, perte d’emploi, difficulté financière, isolement social. « Bien qu’il y ait parfois une certaine conscience des conséquences négatives, cela ne permet pas un changement de comportement. Le système de régulation de la personne ne fonctionne plus et le mode de relation à l’objet ou au produit devient alors pathologique », relève Mélina Fatseas. Un point difficile à comprendre pour l’entourage. 

Au sein du pôle d’addictologie inter-établissement entre le CHU de Bordeaux et le centre hospitalier Charles-Perrens, toutes les addictions sont soignées qu’elles soient liées à un objet ou un produit : alcool, cannabis, cocaïne, héroïne, médicaments opiacés et opioïdes, produits de synthèse, tabac. Les addictions sont aussi élargies aux comportements, c’est-à-dire les jeux d’argent, les jeux vidéo ou encore le sexe (chemsex). « Il y a également le concept d’addiction alimentaire, différent des troubles alimentaires classiques. Par exemple, l’addiction au sucre », souligne Mélina Fatseas.

La demande d’aide intervient le plus souvent à l’occasion d’une complication aiguë ou d’un gros problème lié à la consommation qui est plus important que d’habitude

Et qu’est-ce qui fait qu’une personne se décide à se soigner ? par elle-même, sous l’orientation d’un médecin, sous la pression de sa famille, de la justice ou du travail… Toutes les situations existent. « Cette demande intervient le plus souvent à l’occasion d’une complication aiguë ou d’un gros problème lié à la consommation qui est plus important que d’habitude. Et c’est à ce moment-là qu’il y a une prise de conscience qui génère une demande d’aide », témoigne Mélina Fatseas.

Consultation ambulatoire, hôpital de jour et unité d’hospitalisation… des places disponibles

La prise en charge d’une personne commence par une évaluation globale de sa situation qui retrace toute l’histoire addictologique, mais aussi d’éventuels complications somatiques et troubles psychiatriques associés. Les facteurs sociaux sont également pris en compte. Puis, différents objectifs sont fixés : consultation ambulatoire ou hospitalisation, sevrage progressif ou total. « Ce qui va être important, c’est l’adhésion de la personne au projet thérapeutique car on a besoin de son engagement dans le soin », assure Mélina Fatseas. Quand il y a hospitalisation, la durée moyenne est de trois semaines. Néanmoins, le temps d’hospitalisation n’est qu’une étape du parcours de soins. Après l’hospitalisation, la prise en charge est ambulatoire. Elle se fait à l’extérieur, par exemple dans un CSAPA (Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) qui est accessible de façon anonyme et gratuite. « Comme c’est une maladie chronique, le suivi se fait sur le long court. Les patients ne sont pas guéris lorsqu’ils sortent de l’hôpital, car l’évolution naturelle de l’addiction est la rechute. On va donc chercher à les stabiliser le plus possible en proposant une prise en charge très globale », complète Mélina Fatseas.

Pour cela, des dispositifs ambulatoires et pluridisciplinaires, comprenant des consultations médicales régulières avec de nombreux professionnels paramédicaux (assistante sociale, diététicienne, infirmier, psychologue, psychomotricienne), sont déployés sur les deux sites, au CHU de Bordeaux (hôpital Haut-Lévêque) et au centre hospitalier Charles Perrens. Des campagnes d’information et de sensibilisation au repérage précoce des symptômes et thérapies de groupe sont aussi mises en place pour les patients et leurs proches. Quand la prise en charge doit être plus intensive, elle se fait dans le cadre d’un hôpital de jour. Dans cette perspective, 15 lits sont mis à disposition dans une unité d’addictologie. 

La plupart des départements sont équipés de dispositifs et de lits dans les services de médecine ou au sein d’une unité d’addictologie. À Bordeaux, il y a 21 lits répartis entre l’hôpital Haut-Lévêque et l’hôpital suburbain du Bouscat. Jusqu’à 20 places dans les unités d’addictologie de Limoges et Poitiers. À Bayonne, ce sont également près 20 places. Il y en a aussi à Agen, Angoulême, Pau, Périgueux. « Les CSAPA sont présents sur tout le territoire. Il y a également de plus en plus d’hôpitaux de jour dans la région », indique Mélina Fatseas. 

Et le délit d’homicide routier ?

Depuis décembre dernier, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, en lien étroit avec des associations et Éric Dupont-Moretti, ministre de la Justice, travaille à la mise en place d’un délit d’« homicide routier » pour les accidents mortels liés à l’alcool et la drogue. Mélina Fatseas partage son opinion : « Ces approches de réglementation et de répression, en faisant passer des lois plus restrictives de consommation au volant peuvent avoir un effet. Mais ça n’aura un effet que sur des personnes qui n’ont pas d’addiction. Une des caractéristiques des personnes présentant des conduites addictives est qu’au moment où elles consomment, elles perdent le contrôle et s’exposent à bien plus de risques. Pour elles, le plus efficace est la prise en charge. Il faut les considérer comme des malades qui nécessitent une prise en charge, pas seulement comme des coupables. »


Infos pratiques !

Il existe également, à Bordeaux dans le quartier Saint-Pierre,  une consultation jeunes consommateurs. Des professionnels de santé du pôle d’addictologie inter-établissement entre le CHU de Bordeaux et le centre hospitalier Charles Perrens, et du CEID-Addictions (Comité d’Étude et d’Information sur la Drogue) accueillent les plus jeunes dans le but de faire de la prévention et favoriser l’accès aux soins.

 Au cours de l’année 2023, un guichet unique d’accès au pôle d’addictologie inter-établissement, c’est-à-dire une seule adresse mail et un seul numéro de téléphone, sera mis en place. Et ce pour rendre la filière plus lisible.

En cas de besoin, le numéro à composer : 05 24 54 93 93

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