Jean Maisondieu : « Il faut que la pyschiatrie soit mieux intégrée aux politiques de lutte contre l’exclusion »


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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 15/12/2011 PAR Nicolas César

Aqui! : Qu’est-ce que l’autruicide, qui est au coeur de vos analyses de l’exclusion ? 
Jean Dieumaison :
Au sens propre, cela signifie l’assassinat d’autrui. Au sens figuré, c’est une capacité à tuer l’autre symboliquement. Cela se traduit par un manque de considération, dont souffre une personne, qui est atteint dans sa dignité, par le regard que porte les autres sur elle, mais aussi par le regard qu’elle porte sur elle-même. Dans un contexte de déni de fraternité (inconscient ?), notre aptitude intra-individuelle à l’individualisation passe par la tentative de nous désaliéner de l’autre semblable. Pour se débarrasser de l’autre dont la présence indispose, il n’est pas nécessaire de le tuer : il suffit de nier son humanité en ne le reconnaissant pas comme son semblable. Meurtre sans cadavre, l’autruicide est particulièrement difficile à appréhender. La dérive autruicidaire guette pourtant notre société, jusque dans la relation médecin-malade.Cela provient aussi de l’idéologie actuelle du travail qui nous dit : « je ne vaux pas pour ce que je suis, mais pour ce que je produis ».
 
@C’est pourquoi pour aider les personnes en grande difficulté, l’accompagnement social ne suffit pas ?
J.D :
Il est nécessaire que les assistantes sociales et les pyschiatres travaillent davantage ensemble, tout en préservant le secret professionnel, ce qui est fondamental. L’assistante sociale les aide sur leurs difficultés à s’insérer dans le monde du travail, dans la société. Moi en tant que pyschiatre, je les aide à résoudre leurs difficultés avec eux-mêmes. les politiques sociales de ces dernières années sont en cause, mais la psychiatrie a aussi failli à sa mission en se bornant à la maladie mentale.

@Comment cette « alliance » peut se traduire concrètement ?
J.D :
 La vraie question est comment le travailleur socialva amener progressivement la personne en grande difficulté vers un psychiatre. Cela suppose un changement dans notre manière d’aborder la question, une approche pluridisciplinaire, décloisonnée. La crise actuelle, compte tenu de son ampleur, doit être l’occasion de repenser notre système de politique sociale. Depuis 1997, l’exclusion n’a cessé de s’étendre à de nouvelles populations. La création du RSA, la disparition de l’exclusion dans les discours au profit de la pauvreté et de la précarité tendent à montrer que cette exclusion toujours officiellement honnie est en réalité installée à demeure. Nous ne luttons plus contre elle, nous faisons avec elle, comme avec un aléa normal de la vie en société. La nouvelle norme, l’utilitarisme social, ne souffre pas d’exception. 

                                                                                                         Interview : Nicolas César

Crédit photo : Aqui!

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