Colloque « Informations : l’effet numérique », suivez le premier rendez-vous d’Aqui.fr en direct


Colloques Aquinautes
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Temps de lecture 20 min

Publication PUBLIÉ LE 23/09/2011 PAR Solène MÉRIC

10h45: Alain David, Maire de Cenon, la ville où Aqui a choisi de poser ses bureaux, et d’organiser son  premier grand rendez-vous annuel, déclare ouvert le bal des interventions et souhaite à tous un très bon colloque! Un souhait qui à coup sûr sera exaucé… 


« Les questions vives de l’information »
11h: Après ce préambule, la première partie du colloque s’annonce « Les questions vives de l’information » animée par Joël Aubert, directeur de la publication et de la rédaction d’Aqui.fr et Philippe Chaffanjon, directeur de France Info.

11h05: Roland Cayrol, politologue, président des Amis d’Aqui !intervient sur le thème : les enjeux de la révolution numérique. Historiquement, le premier enjeu a été la concurrence entre médias traditionnels et nouveaux médias. Face à cela ces médias traditionnels s’efforcent de faire du bi média, mais rarement quelque chose qui le dépasse : le cross média. Ce qui amène une fusion des rédactions entre médias traditionnels et activités sur internet… Avec trop souvent pour conséquence « l’esclavage humain », baisse de la qualité rédactionnelle (manque de temps d’apprendre à écrire et faiblesse dans la vérification des informations…). Internet égale précipitation ? Autre constat : le développement de l’idée qu’il faut donner la parole à chacun : nous sommes tous journalistes ? L’intervenant en doute, et dénonce même un danger dans l’évolution de la profession. Face à ces médias traditionnels: les nouveaux médias, développent des modèles économiques différents. Ils peuvent être payants (ex: Médiapart) ou gratuits grâce à la publicité, la construction de site internet, la formation et… l’espoir… mais qui ne fait pas toujours vivre ! En tous les cas Raymond Cayrol salue cette irruption de la parole, cette capacité de « lever des lièvres », en montrant la frilosité des institutions mais aussi des médias traditionnels. Ces médias sur internet montrent ce qui se passe, parfois par des images volées, ce qui oblige à poser des questions sur ce qui se passe dans les médias traditionnels. Pour autant, ces nouveaux médias n’échappent pas aux questions sur la vitesse de travail, la vérification des sources, leur recoupement. Et comment faire malgré la maigreur structurelle de ces nouveaux médias ? Comment promouvoir les valeurs du journalisme, c’est à dire, le respect de la qualité et pluralisme du journalisme. Nous sommes dans une crise d’enfance voire  d’adolescence de ces nouveaux médias mais cette adolescence s’annonce encore chaotique. On ne peut plus enseigner séparément les médias traditionnels mais inculquer spontanément médias traditionnels et internet, ainsi que des valeurs: pluralisme politique et qualité de l’information.

11h15: Antoine Chotard veilleur à l’AEC, révèle les grandes tendances. Un premier chiffre, plus de 2 milliards de mobinautes ! Il y a un devoir d’innover. Sur le net, ne reste-t-il que la vérification aux journalistes? Avec le développement des outils on va vers un déluge d’informations, sur lesquelles, il va bien falloir faire ressortir de l’intelligence. Rôle de la presse de faire face à cette énorme complexité? Quels outils pour appréhender la complexité non seulement du monde, mais aussi de leur audience ?
Différents types de données : comportementales, privées, publiques avec l’ouverture des données, et comment capitaliser ces connaissances ? La question est aussi de rendre lisible des données: photos de territoires, graphiques, algorithmes… Il faut certes des journalistes mais aussi des informaticiens, des développeurs…. bref, avoir une culture commune du numérique. Autres questions: le design de l’information: photos, textes, vidéos cliquables… tout ceci pose la question de la synchronisation de l’information.  Autre tendance à venir : « transmedia versus crossmedia »: des propositions qui se complètent selon les outils. Plusieurs regards sur une même information qui se complètent selon les outils (ordi, mobile, jeux vidéo, etc…). 

11h35 : Eric Scherer (France Télévision): L’ensemble des acteurs de la société ont la possibilité de devenir des médias. Le monde politique, économique, culturel, sportif, se sont mis sur le web et court-circuite les médias traditionnels. Twitter, fait partie de cette révolution, on l’a vu avec le printemps arabes. Il y a une véritable perte de confiance pour les médias traditionnels, d’autant que certains journalistes gardent une posture de surplomb, ce qui n’aide pas. Autre caractéristique de ce nouveau monde : « l’infobésité »: on est submergés d’information. Le journalise de qualité permet de trier, vérifier, donner du sens à l’actualité et faire gagner du temps au gens. Suprématie de la technologie dans notre société. Le contexte, devient aussi important que le contenu lui-même. On n’a jamais eu autant besoin de journalistes et eux n’ont jamais eu autant d’outils pour faire leur métier !

11h50: Sabine Torres, de Dijonscope.fr défend « un journalisme d’information indépendant, indiscret et incorruptible ! ». Refus des déjeuners presse, pas de cadeaux presse, car nous ne sommes que des intermédiaires, donc nous ne sommes pas copains avec, notamment, les politiques. Après deux ans : une newsletter quotidienne : plus de 8150 inscrits et 5000 visiteurs jours. Nous ne sommes pas « Dijonscoop »: que des dossiers de fond, et ne travaillons pas sur dossiers de presse. Chez nous, un journaliste ne fait que trois ou quatre papiers par semaine. Notre ambition: devenir un vrai journal régional. J’ai 31 ans, ma rédactrice en chef à 26 ans… nous sommes une équipe très jeune, et malgré ça on montre qu’on sait tenir une exigence quotidienne. Une revue de presse. Quelque mois après la création du site : le journal local a demandé au tribunal, le retrait d’articles que Dijonscope avait repris dans sa revue de presse. La raison: le papier passait sur google via Dijonscope, avant l’article original. Un procés gagné par Dijonscope. 

12h00 : Philippe Couve, journaliste à Owni.fr. Au départ Owni.fr c’est une plateforme des meilleurs blogs, sur des thématiques: pouvoir, société et culture numérique. Owni avait fait un programme informatique pour explorer des documents mis en ligne par Wikileaks. Désormais, après le Monde, c’est Rue89 qui est partenaire de Wikileaks.
Yves Eudes, journaliste au Monde. Wikileaks, c’est le data journalisme à l’état pur. Face à une masse à décortiquer: d’abord des spécialistes de l’informatique pour traduire les données, puis une équipe de journalistes qui s’y sont attelés. Puis un retour de l’aspect traditionnel du journalisme.
Pierre Haski (Rue 89): A-t-on encore besoin de journalistes ? Julian Assange a considéré que oui pour légitimer ces informations. Il y a du nouveau sur la manière, dont ils ont recueilli les informations mais l’analyse est faite de manière relativement classique: ordonner, classifier, hiérarchiser ces données.  Moi je ne suis pas inquiet pour les journalistes mais pour les entreprises de presse, mais ça en fait, on s’en fout… Ce qui a changé, c’est que le lecteur a fait irruption dans la boucle. Et il faut l’accepter comme un facteur positif, et non pas un fardeau. Sur internet on a la tête sur le billard, donc je crois au contraire de ceux qui critique tout et tout le temps que ça nous pousse vers un journalisme de qualité. Le lecteur apprend à vivre avec cette profusion d’informations, il sait que tel journaliste, ou médias a une vraie crédibilité.

12h20: Laurent Guimier ( Lagardère Active) Savoir comment on prend le virage internet ? C’est une bonne solution de faire travailler print, web et radio ensemble, sur le même plateau. C’est galvanisant car ce sont des mondes différents qui se rencontrent. On assiste aujourd’hui, dans des rédactions traditionnelles, à une division du travail entre d’un coté les journalistes « traditionnels » qui découvrent une nouvelle façon de diffuser leur information; et de l’autre, les jeunes journalistes du web trouvent une fonction de veille, de ressources d’informations pour l’ensemble de la rédaction. Et ça, c’est totalement enthousiasmant.

Philippe Couve: Owni va vers une plus grande place à l’investigation. L’idée, c’est de faire de la qualité, c’est à dire prendre du temps, faire des enquêtes et des papiers qui peuvent être longs. Ce qui se rapproche de l’édition, et qui pourrait  trouver sa place sur les tablettes. On est convaincus qu’il y a des choses à creuser sur cette idée de sortir un certain nombre de papiers au fil d’une enquête puis publier la totalité de celle-ci via l’édition numérique sur tablette.
L’écosystème de l’information a changé, et avec les révolutions arabes, ça nous a sauté à la figure.

12h40: Questions de la salle : Démocratisation smartphone et tablette :disparition du quotidien gratuit papier ?
Philippe Couve : Je pense que la presse quotidienne papier va disparaître, pas la presse écrite. Cette temporalité n’a plus d’intérêt.
Sabine Torrès : Ce qui compte c’est la valeur ajoutée. Si la PQR fait demain des articles qui déboitent, alors les gens les liront.
Yves Eudes: L’outil électronique me permet au contraire de lire des articles qui ont huit, dix jours, alors que la matière papier ne tient qu’un jour…
Pierre Haski : Les gratuits se développent de plus en plus sur le net. Il est possible qu’ils disparaissent et qu’un jour les nouveaux outils auront pris le pas. Dans le métro, on ne voit plus de journaux payants, on voit de moins en moins de journaux gratuits et de plus en plus d’Iphone… 
Question sur le modèle économique de Dijonscope.fr :
Sabine Torrès
: on travaille le qualitatif lecteurs. Nous connaissons le profil de nos lecteurs, on sait d’où ils viennent. Prospect potentiel pour les annonceurs. Ne fonctionne pas au coût par clic. Pub à la semaine, avec un tarif commerçant et tarif institutionnel. Entre 500 et 750€ HT par semaine. Dix pubs à la une et loyauté des rapports éditoriaux. Nous avons aussi des subventions du Conseil régional.
Quelles sont les compétences des journalistes d’Owni sur le data journalisme?
Philippe Couve
: Sur chaque projet de data-journalisme: trois compétence: un journaliste spécialisé qui trouve, récupère et vérifie un certain nombre de données, un développeur et un designer. Il se pose la questions de savoir comment faire pour que les données soient les plus manipulables et compréhensibles possible. La spécificité de ce média c’est de fabriquer à la fois le contenant et le contenu.

Ne peut-on pas être indépendant malgré le choix de faire du publi-reportage, et avec des subventions?
Sabine Torrès, ce qui compte, c’est l’honnêteté. J’ai choisit de ne pas le faire, car, j’ai moi même détesté en faire. Pour les autres ce qui compte, c’est qu’il y ait une clarté sur ce que le lecteur lit.
Coté subvention, c’est uniquement pour du développement et il faut avancer les fonds, donc au niveau de la comptabilité ça ne change rien. 


L’information a un prix : comment la financer?

14h30: Marie-Hélène Smiejan-Wanneroy (Médiapart): La première décision n’a pas été de savoir si le site Médiapart serait payant ou non. La décision était d’abord de faire un quotidien, avec une information indépendante et hiérarchisée. Pour cela, il nous fallait  25 journalistes professionnels. Donc pour les payer: choix d’un modèle payant. Aujourd’hui 55000 abonnés, 5 millions de chiffres d’affaire et 500 000 € de bénéfices. Il faut en permanence intégrer les nouveaux supports, mais l’essentiel reste le contenu éditorial qui fidélise les abonnés, et en amène de nouveaux. C’est la qualité des journalistes qui fait médiapart. On n’a pas de « web journalistes », mais des journalistes de tous les âges et de toutes les expériences, c’est cette équipe qui a créé la dynamique éditoriale.
On a créé Médiapart à l’opposé du flux mais avec un rythme régulier, en utilisant toutes les profondeurs du web en enrichissant les articles de documents, liens, etc…
Au départ, on ne trouve pas de banquiers compréhensifs. Pour trouver l’argent on a commencé par s’endetter, Edwy Plenel et moi-même, ainsi que les autres fondateurs accompagnés par deux hommes d’affaires français, puis avons créé une société des amis qui ont participé de 500€ à 200 000 €.
Pierre Haski: (Rue 89) C’est vrai que nous sommes partis sur un modèle tout à fait opposé, nous avons banni nos anciennes références (le quotidien) mais avons totalement épousé les codes du web. C’est d’ailleurs pour ça aussi que nous avons choisi la gratuité, et bricolé un modèle économique qui nous a permis d’avancer. Donc un modèle le plus diversifié possible: la publicité représente entre 55 et 65% mais c’est insuffisant pour faire vivre notre équipe. Nous avons rajouté la formation; la vente en ligne et depuis un peu plus d’un an, le magazine papier. Mais chez nous; le numérique reste au coeur et le papier est le dérivé. De plus le mensuel reprend les contenus (« le best of » du mois précédent) du site donc il ne nous coute pas cher.

15h: Jean-Claude Lassalle (Progrès de Lyon ) : Nous sommes aussi sur internet depuis 1996. Le plus important: c’est la qualité de l’information qui va donner un label. L’avenir de la locale est-il sur le net? En région on constate un fort attachement du lectorat à la PQR au papier. Le papier a des caractéristiques qui lui sont propres : le papier c’est la permanence. Par contre, c’est vrai qu’internet apporte l’interactivité au lecteur. Notre choix : nous avons rendu payant tout ce qui a trait au local, par contre tout ce qu’on estime pouvoir obtenir par ailleurs (national, international), c’est gratuit.
Sébastien Marraud : Responsable de sudouest.fr : en ce qui nous concerne, nous avons fait le pari du gratuit, et on s’est apperçu, qu’il n’y avait pas d’impact sur l’audience, ni les ventes.Si ce n’est pas nous qui donnons les infos sur le net, d’autres acteurs le feraient.
Jean-Marie Charon (chercheur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) : Où lit-on la PQR? La presse n’a pas repris énormément d’initiative au niveau des villes. Le développement du web va se faire sur les villes, je ne comprends pas que la PQR n’ait pris ça en compte.
Sabine Torres : On vit une sorte de tragédie: tout le travail de nos journalistes n’a pas de valeur directe. Hormis, Médiapart, ici, nous autres vendons de la publicité, des petites annonces, du consulting, etc… A la création de Dijonscope, je n’ai pas eu le courage de mettre en place un abonnement. Si demain sur 8000 lecteurs, 20% nous donne 5 euros par mois, alors je pourrais peut-être avoir le temps de ré_écrire. Mais voudront-ils le payer ? et s’il le refuse, comment continuer en sachant les lecteurs estiment que tout ce travail ne vaut pas 5 euros par mois?
Pierre Haski : Nous avons énormément de partenariats avec des sites français ou étrangers, sans notion d’argent. Les sites de niches profitent de notre audience, et nous nous profitons de leur contenus de niches.
Jean-Marie Charon : une autre manière de financer l’information: « j’aime l’info » (financement par les lecteurs de sites ou de projets d’information, ndlr). Ici, ça ne marche pas fort car ce n’est pas notre culture, puisque le concept est américain, mais surtout, le gros problème vient d’une absence de communication sur ce type de modèle.

Quels outils pour quels usages ?

15h45: Antoine Chotard : L’arrivée sur un site via Facebook ou Tweeter, est de plus en plus importante. Sur la recherche et développement: il avait été question de la mise en place d’un média Lab, où en est-on aujourd’hui?
Marie-Hélène Smijan-Wanneroy : Nous participons à un projet de recherche sur le principe d’article multimédia
Laurent Guimier : Chaque rédac doit être un labo, être capable d’imaginer, d’inventer. Sur Europe 1 après la fusion web et radio il y a deux ans, cette année nous passons une étape supplémentaire où l’on mixe les médias sur la base des réseaux sociaux. C’est une expérimentation parmi d’autres. Dans trois semaines on lance le « Lab »: un site avec une nouvelle manière de présenter l’info et de la restituer.
16h: Jean-Marie Charon : Ne faut-il pas imaginer différemment les aides à la presse pour aller davantage vers une démarche de recherche plutôt que de « simples » aides à l’équipement.
Jean-Baptiste Rey (aqui.fr) : au niveau du syndicat de la presse en ligne, on se réunit régulièrement pour partager sur les différentes innovations de chaque site. La multiplication des plateformes nous interroge au quotidien. Nous avons la chance d’être sur des technologies relativement souples qui permettent de nous adapter. Sur Aqui: un quart des visites viennent de Facebook. Des adaptations régulières vers les différentes plateformes. Exemple notamment avec twitter.
Laurent Guimier : Ce qui a le plus bougé en 6 mois c’est l’appropriation des outils non plus par les lecteurs mais par les journalistes. Twitter en est l’exemple fort, et modifie profondément la manière de travailler dans les rédactions. 
Antoine Chotard : L’an dernier 6.6% des aquitains étaient équipés de smartphones. Cette année, on est à 13%. Sur ce chiffre, il y a certes des urbains mais aussi une population rurale qui rattrape le retard. Cette accélération au recours numérique va être peut-être plus forte que ce que l’on pense tant du point de vue géographique qu’en terme d’âge. Le rapport à l’outil devient peu à peu moins problématique notamment pour les jeunes générations (lire 10000 signes sur son smartphone, finalement on s’y fait…). 

La valeur de l’information aujourd’hui

16h15: Jean-Marie Charon : Plusieurs questions sur ce thème:Il y a d’abord le phénomène de l’immédiateté de l’information. Ce n’est pas vraiment nouveau puisqu’avec la télé il y a déjà une capacité à des interviews en direct. Aujourd’hui notamment avec l’outil twitter, ce n’est pas seulement qu’on est en live, mais aussi que le public est introduit dans la démarche. Deuxième chose, le déplacement physique est devenu un déplacement intellectuel. Aujourd’hui, plutôt que d’envoyer des correspondants l’enjeu est davantage d’aller chercher sur des sites, des blogs ou être sur les réseaux sociaux. La question de la veille n’est pas entièrement virtuelle mais il faut toujours arbitrer entre un correspondant ou avoir un journaliste plus pointu pour à aller chercher l’info sur internet. 3ème question: comment on modifie les récits: intégration de textes, lien, vidéo,etc… On va un travail éditorial avec des formes nouvelles qui apparaissent, qui sont testées. Question web documentaire, des newsgames,etc.. L’écriture journaliste est tout le temps en réinvention. Enfin, la dimension participative. Maintenant le journaliste est confronté aux commentaires, aux nombreux blogs( à son propore blogs), aux réseaux sociaux. Faut-il un community manager ou chaque journaliste doit répondre et gérer les remarques ? Or dans le participatif on retrouve aussi la notion de relation virtuelle…
Karsten Kurowski (IJBA): l’accélération de l’information n’entraîne pas forcément une accélération de la capacité de reflexion du  journaliste. Par rapport aux générations d’aujourd’hui l’approche au numérique n’a plus rien n’à voir. Sur la formation, nous abordons toujours les bases (radio-télé-presse) que l’on intègre en fin d’année dans des labos, pour développer une vraie conscience crossmédia. Une conscience qui est aujourd’hui exigée à la sortie de l’école.
Laurent Guimier : Avec l’affaire DSK et le rôle de Twitter, il n’y a plus de nouveaux médias: même les journalistes »classiques » se sont mis à utiliser les nouveaux outils lors des comparutions. Même si sur le fond, ça reste un reportage en direct. Le plus gros problème c’est pour l’AFP qui subit une perte de monopole de la diffusion de l’information.
Sabine Torres: D’abord, sur twitter, mes journalistes s’ils ont un tweet ou un Facebook, ils gardent leur avis personnel pour la sphère personnelle. Sur l’affaire DSK : un lecteur nous a demandé pourquoi nous n’en avons pas traité. Simplement parce qu’on avait rien de plus profond à dire que le silence, et tant pis si nous avons perdu des lecteurs.
Philippe Chaffanjon: Quelles attitudes les journalistes doivent ils avoir avec Facebook ou Tweeter ? Certains médias ont une charte de bonne conduite sur l’utilisation de ces outils.
Marie-Hélène Smiejan-Wanneroy : Chez Médiapart, nous n’avons pas de charte de bonne conduite. Chacun les utilisent, ou ne les utilisent pas, de la manière dont ils le souhaitent
Jean-Marie Charon: Sur Twitter, le journaliste doit-il s’exprimer comme il le veut ou doit être soumis au lien de subordination à la ligne éditoriale de sa rédaction ? C’est une vraie question.
Karsten Kurowsky : Ces outils doivent d’abord être utilisés pour apporter un plus dans l’information. Il faut savoir s’adapter et être rapide dans la réaction pour utiliser l’outil le plus intéressant en termes de valeur ajoutée pour l’information.

Le numérique ce qu’il change: les pouvoirs bousculés

17h45: Alain Rousset (Conseil régional): Je ne vois pas à l’échelle de mon travail, une réforme fondamentale. La rapidité peut-être; et personnellement, je suis plus textos que mail. Un blog a été lancé en 2004. Ceci dit, j’observe dans notre monde ce que tout ça a apporté. Par exemple, On peut noter que la campagne d’Obama a été boostée par son activité sur internet. A dire aussi : ce qui s’est passé sur les révolutions arabes. C’est l’immédiateté, le mail ou le blog. On a un mélange d’informations fou, on sent bien qu’il y a un besoin d’un système de régulation. Sur les compétences de la région, il y a un enjeu économique fort, en termes d’emplois,il y a des développements structurels à apporter. Là où je vois une révolution, c’est que ce système là s’oppose à un modèle culturel français qui est un modèle culturel centralisé. Ici tout est à l’horizontal, on est plus dans un modèle jacobin.
Alexandra Siarri (Mairie de Bordeaux):Je suis élue depuis 2008, et je pratiquais les réseaux sociaux avant d’être élue. Beaucoup des questions qui se posent sur l’évolution du métier ou de la pratique journalistique se posent aussi aux politiques : Comme il y a les journalistes « geeks » et les journalistes « analogiques », il y a les politiques « geeks » et les politiques « analogiques ». Pour moi, ça a ouvert des perspectives énormes : les réseaux sociaux sont un lieu où certaines personnes s’expriment alors qu’ils ne s’expriment pas ailleurs. Un lieu où on peut aussi améliorer notre image de politique, pas parle mensonge, mais en expliquant notre rôle, nos actions, mais aussi nos interrogations. La présence d’un élu sur les réseaux sociaux est pour moi évidente. Une prise de parole de personnes qui ont un capital culturel « un peu différent ». Le net c’est la possibilité de s’exprimer sans dévoiler complètement qui on est, ce qui permet pour ses personnes de libérer la parole, et pour moi, en tant qu’élue, de capter cette parole. Sur la question de la régulation: peut-on vraiment le faire, et d’ailleurs faut-il complètement le faire. Je crois pas mal à l’autorégulation : si vous racontez tout le temps n’importe quoi sur internet, les gens vous zappent.
A la Mairie, la révolution numérique n’est pas encore complètement passée. De plus ça pose un problème face à la réalité des politiques publiques. Difficile de parler de la dette ou de la politique régionale ou d’autres sujets généraux en 140 signes.
18h: Philippe Meynard (Maire de Barsac): Je suis un élu rural. Nous n’avions pas le haut débit sur la totalité de la commune jusqu’à l’année dernière. Tout ce qui est numérique a le mérite de faire que le temps n’existe plus et ça amène un service virtuel très important. Sur notre mairie de 2000 habitants: 1500 connexions par an. Un contact de plus en plus virtuel. Le service d’accueil à des horaires d’ouverture définis, mais le maire peut vous répondre à 23h s’il est encore derrière son ordinateur. Idée de Mairie physique et de Mairie virtuelle. Le haut débit a accompagné l’évolution socilogique  du territoire. J’essaie d’être un Maire moderne. Le propre du mail, de Facebook: vous ne pouvez pas prendre longtemps les gens pour des imbéciles. Si vous mentez, ça se voit de suite, notamment dans une petite collectivité parce que les  gens vous connaissent aussi physiquement, « réellement ». Dans ce cas là, Facebook apporte une notion d’authenticité, de confiance.
Béatrice De François (Vice présidente de la CUB): Internet permet d’avoir un contact plus direct avec les citoyens, et avoir un aperçu de ce que font les élus. C’est aussi l’occasion d’un développement économique, par exemple par l’ouverture de données publiques, c’est quelque chose de très important actuellement. Dans l’univers du numérique, il y aussi le télétravail permettant de vivre et travailler différemment. Les usages numériques, ça va vite mais ça demande aussi certaines formations, notamment pour les politiques. Cela nous permet aussi de faire passer des messages, mais il faut  réellement du fond dans nos contenus, on ne peut pas être sur le net, pour être sur le net…. Par contre, il faut rappeler que la France a pris un grand retard par rapport aux autres pays européens et au Japon, notamment, au niveau du développement de la fibre et des réseaux. Nous devons câbler villes et villages pour ne pas creuser la fracture numérique.
Matthieu Rouveyre (Conseil général) : Les intérêts pratiques des élus à être en relation avec l’univers numérique, j’envois trois principaux : D’abord, Google actualité permet aux politiques d’avoir des alertes sur les sujets de leurs choix. On est dans une transmission d’informations particulièrement serrée. Deuxième point d’intérêt : les commentaires laissés suites aux articles sur les sites d’information. Ca permet de mesurer l’intérêt sur certains sujets, mais aussi de capter une partie du trafic pour l’attirer sur son blog. Troisièmement, capter l’intérêt des blogueurs sur des sujets politiques.
Pour un citoyen qui veut faire l’effort de savoir ce que pense un élu, les outils sont là (site institutionnels notamment), mais l’intérêt du blog est que l’élu peut maitriser sa propre communication. Mais il y a tout de même des réserves: c’est extrêmement chronophage.
Philippe Meynard: Le numérique apporte la possibilité de communiquer en permanence, ça permet « la campagne permanente ». C’est à dire que ça permet au quotidien d’être dans une communication et une proximité permanente en amenant le citoyen dans vos combats quotidiens. Ce qui est à mon sens beaucoup plus efficace que de venir sur le net uniquement le temps d’une campagne. Je préfère une communication numérique de tortue plutôt que d’être dans un sprint numérique de campagne.
Alain Rousset : Par rapport à la fracture numérique, il faut être attentif à ça. Mais, et c’est peut-être une question d’âge, je suis très heureux de ne pas passer des heures devant un ordinateurs, ça met dans une situation d’isolement, il faut rencontrer les acteurs. En outre, face à des sites racistes, pédophile ou homophobe, je pense vraiment qu’il faut une régulation.
Béatrice de François: S’exprimer sur Facebook permet de compléter l’approche citoyenne, et participe à plus de démocratie et de contacts avec  les citoyens.
Matthieu Rouveyre: Quand on regarde les outils traditionnels d’expression et de concertation des citoyens. Exemple les conseils de quartier: il y a peut-être du monde,; mais ce sont toujours les même. Est-ce que internet change ça ? J’ai plutôt le sentiment que les espaces numériques mis en place sont essentiellement des espaces de concertation. On n’a pas encore trouvé ou inventé les outils qui permettraient d’aller vers de la construction et de l’échange plutôt que vers la contestation.
Philippe Meynard : Sur la régulation : il ne faut pas que le numérique devienne les corbeaux des temps modernes. Au delà de la régulation, il faut que la loi puisse sanctionner quand les barrières sont franchies. Il ne faut pas que l’anonymat des blogs permettent tout et n’importe quoi.
Alexandra Siarri: Dans le rapport avec les internautes, moi je réponds sur Facebook, mais c’est vrai, il faut être derrière la bécane. Quant à Twitter, je suis en cours de formation intensive. En même temps je suis partagée sur cet outils : expliquer des choses en 140 caractères, je ne sais pas si ça va passionner les foules. Et, est-ce que ça va réellement dans le sens de l’utilité sociale et le dialogue démocratique qu’on doit avoir? Sur Facebook, par contre, je trouve une réelle l’interactivité : j’ai 30 ou 40 messages par jours, de la part de gens qui ne seraient pas venus me voir en Mairie.
Roland Cayrol: Il y a encore du boulot à faire entre les communautés numériques et les communautés politiques. C’est formidable que le premier colloque soit un tel succès !

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