Martignas a la « fibre commerciale »


RB
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 18/01/2018 PAR Romain Béteille

Chacun son rythme

Ah, la fibre. Elle en fait rêver plus d’un, opérateurs y compris. Selon un sondage Opinion Way paru en mars 2017, 79% des français considèrent la qualité de la connexion internet comme un critère essentiel pour choisir un logement. Alors que le 25 janvier prochain devrait être dévoilé le lauréat du nouvel appel d’offre de Gironde Numérique sur le plan « Haut méga » de déploiement de la fibre optique, permettant de déployer 23 500 kilomètres de fibre pour un contrat à 650 millions d’euros, qui devrait concerner pas moins de 410 000 nouveaux foyers, de son côté, Bordeaux Métropole fait toujours copain-copain avec Orange. Le 1er avril 2016, elle a signé avec l’opérateur une convention pour faciliter le déploiement de la technologie sur l’agglomération, avec là aussi des objectifs chiffrés : 181 000 éligibles en 2016 et 67 000 de plus en 2017 sur le secteur métropolitain. Liée par le quasi-monopole en 2011 au moment d’un appel à manifestation d’intention d’investissement, Orange et Bordeaux Métropole continuent donc de vouloir accélérer la cadence pour une disponibilité sur l’intégralité de la métropole établie, selon les dernières estimations, entre 2020 et 2022. En l’état, le vice-président de la métropole en charge du numérique et maire de Carbon-Blanc, Alain Turby, l’affirme haut et fort à qui veut l’entendre : « nous sommes la première métropole de France en terme de déploiement de la fibre optique. Plus de 55% des prises sont raccordables sur le territoire de la métropole. Sur l’intégralité du territoire métropolitain, nous dépassons les 6000 prises d’avance par rapport à ce qui était prévu dans le cadre de la convention ».

Et les zones blanches évoquées en 2016, alors ? Elles ne sont visiblement plus d’actualité. « Il n’y a plus de zones blanches sur le territoire métropolitain. Toutes les communes ont au moins une technologie ADSL à leur disposition, notamment Saint-Médard-en-Jalles qui rencontrait des difficultés. Il existe cela dit toujours des situations où les débits sont très mauvais. Sur Carbon-Blanc, par exemple, ils sont parfois inférieurs à deux mégas. Pour ça, on a mis en place des solutions d’acomptes : la métropole se propose de subventionner des équipements pour les habitations disposant d’un débit inférieur à trois mégas leur permettant d’utiliser le satellite ou la 4G via un modem, pour pouvoir patienter en attendant que la technologie se développe. Très honnêtement, c’est resté très anecdotique. L’administré, ce qu’il veut, c’est la fibre. Il y a eu quand même un peu plus d’une centaines de demandes sur lesquelles on a pu accompagner les gens qui le souhaitaient ». Certaines communes, outre-Saint-Médard, ont quand même eu un peu plus de mal que les autres dans certains quartiers : Parempuyre, Mérignac ou Pessac sont notamment dans la liste. Une liste qui s’explique aisément et qui a trouvé une parade selon Alain Turby. « partout où il y a des poteaux aériens, c’est plus compliqué parce qu’il faut faire une étude de charge pour savoir si le fait de faire passer la fibre n’impacte pas la tension des câbles qui s’y trouvent et l’impacte en cas de tempête. Une convention a été signée avec Enedis qui permet d’utiliser leurs poteaux en cas de déploiement, ça nous a permis de résoudre le problème ». On se résume : Orange et Bordeaux Métropole dans le cadre d’une zone définie par l’Arcep (Autorité de régulation des télécoms) à l’époque de la Cub; le conseil départemental au niveau du groupement d’intérêt collectif Gironde Numérique (auquel est aussi inscrit la métropole), tous veulent aller le plus vite possible pour raccorder un maximum de monde. Et puis… et puis il y a les exceptions.

Les derniers seront les premiers

Martignas-sur-Jalle en fait partie. Cette commune dite « périurbaine », située à une vingtaine de kilomètres de Bordeaux et à une trentaine du nord du Bassin d’Arcachon, est entrée au sein de Bordeaux Métropole (ex Cub) en 2013. Elle a donc échappé à la convention de l’Arcep sur le déploiement de la fibre. Paradoxalement, elle va être en avance sur toutes les autres. Ce jeudi matin, l’opérateur SFR a inauguré dans cette commune de 7500 habitants le premier point de mutualisation de la fibre. La promesse d’SFR : déployer, d’ici fin 2018, la fibre sur 2300 à 2400 logements, jusqu’à 1 Gbit par seconde. Sauf qu’entre temps, Orange a révisé sa copie et compte bien miser sur le même cheval que SFR, et peu importe si ce dernier à aussi prévu des boîtiers de raccordement pour d’autres opérateurs : ce sera chacun ses armoires. Pour Guillaume Fauré, directeur des relations régionales Sur-Ouest chez SFR, cette future mise en concurrence n’a rien de malsain, bien au contraire. « On est déjà présents sur Bordeaux Métropole pour environ 320 000 prises (sur vingt communes de l’agglomération) en fibre qui sont issues d’un réseau câblé qui a été intégralement rénové. Avant 2011, on avait déjà un réseau important. À l’époque, Martignas ne faisait pas partie de l’agglomération, elle était donc de toute façon laissée de côté. Elle ne faisait pas non plus partie du déploiement prévu par le syndicat mixte Gironde Numérique, elle était dans une sorte de zone floue qui relevait de l’initiative privée. Nous avons fait savoir à l’agglomération que nous étions intéressés par ce déploiement, Orange a probablement effectué les mêmes démarches. Ça garantit à la commune un déploiement très rapide. L’intérêt, c’est d’être le premier à avoir un réseau ».

Après avoir informé les autres opérateurs et le régulateur des télécoms et obtenu les permissions de voiries et d’occupation du domaine public (gérés par la commune et la métropole), SFR s’est donc constitué son propre réseau, sans attendre les promesses d’investissement d’Orange, ce qui a, toujours selon le responsable de l’opérateur au logo rouge et blanc, plusieurs avantages non négligeables. « On est propriétaires de bout en bout de notre réseau, donc en cas de panne éventuelle ou de difficulté, les circuits sont beaucoup plus courts. Il y a un autre avantage économique : lorsqu’on a un client sur le cuivre, on verse, schématiquement, dix euros à l’opérateur historique parce qu’on utilise son réseau soit 120 euros par an multiplié par le nombre de clients. Vous voyez l’économie très rapide qu’on peut faire même si on déploie un autre réseau neuf à côté ». Autre raison évoquée par le responsable local : l’ajout d’options « premium » gérées directement par l’opérateur. « Le développement d’SFR se fait sur les services très haut débit, la fibre en tant que contenant mais aussi les contenus : faire passer des services. Aujourd’hui, le service différenciant n’est pas le prix de l’abonnement, c’est ce qu’on met à côté de tout cela comme les accès à des chaînes premiums ou des contenus exclusifs. Or, on ne peut délivrer ces services en haute définition que si on a la fibre optique. C’est une boucle et un intérêt économique d’avoir des clients qui sont sur notre réseau et pas sur celui d’un prestataire », professe Guillaume Fauré.

« La mise en concurrence a joué son jeu »

Le déploiement de la fibre dans les rues de Martignas par SFR se poursuit donc, à la charge intégrale de l’opérateur. Si quelques milliers de foyers devraient déjà être élligibles en fin d’année, la totalité de la commune le serait d’ici à 2020. Reste que ces deux réseaux parallèles ont un coût important pour chacun des opérateurs. Sans avoir pu connaître celui de Martignas, on peut quand même citer les différents plans d’investissement au niveau national : 15 milliards d’euros pour Orange jusqu’en 2020, à peu près la même somme pour SFR. Alors même que les objectifs nationaux s’interrogent encore sur les délais à tenir, SFR a donc sauté sur une « zone floue », ce qu’avoue à demi-mot Alain Turby, pour qui le fait d’avoir « deux opérateurs qui investissent en fonds propres sur le territoire de Martignas » est un regret. « S’il y avait eu un co-investissement entre les deux opérateurs, chacun aurait peut-être pu consacrer une part d’investissement à desservir d’autres territoires, métropolitains ou non ». L’affaire est cependant faite, et les armoires ne risquent pas d’être enlevées de sitôt. Michel Vernejoul, le maire de la commune, est évidemment le premier à se réjouir de cette nouvelle. « La mise en concurrence a joué pleinement son jeu. Il faut savoir être flexible et pragmatique (…) On est rentrés à la métropole en 2013, on devait se mettre à la fibre en 2020. On va gagner deux ans. C’est une ville « niche haute » à haut niveau de services, on a beaucoup de chefs d’entreprises, de gens qui font du télétravail, il y a donc une clientèle très forte. Ne demandant aucun financement public, SFR a le droit de pouvoir intervenir. D’autres opérateurs vont se raccorder via SFR, il n’y a donc pas de problème de monopole ». L’entreprise Dassault, les trois zones d’activité et le collège de Martignas avaient précédemment été équipés de la fibre via Gironde Numérique. Dans cette guerre des câbles, les plus heureux dans l’histoire seront sans aucun doute les martignassais : deux opérateurs en concurrence, ce sera sans doute « tout bénef » pour leur porte-monnaie… 

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
On en parle !
À lire ! MÉTROPOLE > Nos derniers articles