Petite avant-première évènement pour ce que la société Culturespaces définit comme « le plus grand centre d’art numérique au monde ». Ce mercredi 26 février, les créateurs des Carrières de Lumières (Baux de Provence, 594 000 visiteurs par an) et de l’Atelier des Lumières (Paris, 1,2 millions de visiteurs) ont levé le voile sur les premières images de l’exposition phare du projet des Bassins de Lumières, réaménagement de l’ancienne base sous-marine de Bordeaux. Le projet, dévoilé par la municipalité fin 2018 dans ses premiers contours mais imaginée dès 2016, a confié au délégataire la gestion de ce projet sur quatre alvéoles de 110 mètres de long, 22 de large et 12 de haut sur 13 000 mètres carrés de surface totale et 12 000 en surface de projection, à Culturespaces. Les travaux, débutés en mai, se poursuivent encore pour ce vaste chantier chiffré à 14 millions d’euros. Pour le directeur du projet, Augustin de Cointet, les défis sont multiples. « C’est un bâtiment gigantesque avec une forte identité, mais il est en béton brut. On veut investir des projections d’oeuvres artistiques et mélanger les deux pour faire découvrir une part de l’histoire de l’art à un public très large. Le site fait plus d’un hectare, ça représente donc des contraintes techniques. Il a fallu aussi faire en sorte de valoriser le lieu, notamment en jouant avec les reflets. On est actuellement dans un travail de calage et d’alignement ».
Si ce qu’on y trouvera à l’intérieur était encore un mystère il y a quelques mois, ça n’en est désormais plus un depuis que la billetterie s’est ouverte à la fin du mois de décembre. « On a déjà vendu 25 000 places individuelles et une centaine de groupes ont réservé pour des visites privées. Il y a une belle dynamique de croissance, on sent que c’est un projet attendu ». Pour sa première année d’exploitation, les Bassins de Lumière se fixent un objectif ambitieux : 400 000 visiteurs (ils sont entre 70 et 80 000 par an). Les premiers à pénétrer dans ce nouvel espace pourront y découvrir plusieurs expositions numériques et immersives en simultané. La première sera la plus longue (35 minutes) et sera une reprise de l’exposition de l’Atelier des Lumières Parisiens. Intitulée « d’or et de couleur », elle mettra en scène des oeuvres du célèbre peintre autrichien Gustave Klimt. « Elle sera très particulière ici, notamment grâce au jeu des reflets et des profondeurs », commente ainsi Augustin de Cointet. En voici un petit extrait.
La deuxième exposition sera un programme court (une dizaine de minutes) et une création inédite pour le lieu, basé sur les oeuvres du peintre germano-suisse Paul Klee. Ces deux expositions simultanées serviront de temps fort à la programmation. Elles prévoient de se renouveler tous les ans. « Une exposition dure environ dix mois, on a besoin de deux mois pour la caler. Les deux tournent l’une après l’autre. En revanche, dans le Cube, il sera possible soit de faire la même chose soit de changer d’expositions plus rapidement ». Le Cube, c’est un espace plus petit (220 mètres carrés et huit mètres de haut) dédié aux créations d’artistes contemporains de l’art numérique immersif. Deux créations y sont déjà programmées cette année. La première, « Ocean Data » par le collectif turc Ouchhh, durera environ dix minutes et sera projetée du 17 avril 2020 au 3 janvier 2021. La seconde est plus locale : le collectif bordelais Organ’Phantom proposera « Anitya », une exploration centrée autour de l’histoire de la base sous-marine au travers de ses différents usages (base militaire, industrielle puis reprise pour devenir un lieu culturel en 1999). Enfin, la « Citerne » aura des usages plus classiques : elle présentera les oeuvres originales ayant permis la création des expositions numériques.
L’espace « Cube », encore en cours de montage.
La suite, Culturespaces et la mairie de Bordeaux y réfléchissent déjà. Sur l’accès, d’abord, qui prévoit d’être facilité. « On va mettre en place une navette qui partira des Halles de Bacalan jusqu’aux Bassins de Lumières, avec des rotations fréquentes. Une navette fluviale est aussi un projet qui nous intéresse. Ce n’est pas la priorité, il faut d’abord mettre en place tout le reste. On est en train de discuter avec la métropole et d’autres partenaires, ce projet pourrait se faire, particulièrement pour transporter les passagers en haute saison ». Un tarif commun avec la visite de la Cité du Vin serait également à l’étude. « Nous y sommes favorables, mais il faudra trouver un moyen de le faire sans que ce soit une usine à gaz ». Le deuxième point d’amélioration possible porte sur l’aménagement du lieu. À la condition d’accueillir au minimum 350 000 visiteurs par an pour rentabiliser l’investissement, Culturespace n’écarte pas l’idée d’ouvrir un restaurant, « côté Bassin à Flots au bout de l’alvéole numéro 1. On attend de voir la fréquentation qu’on aura ». Enfin, l’exploitant n’exclut pas l’idée de valoriser encore l’existant, de réfléchir à d’autres types de projections. « On va faire grandir le projet au fur et à mesure », promet Augustin de Cointet. Un comité de suivi a prévu de se réunir plusieurs fois dans l’année pour discuter des expositions et des candidatures d’artistes ou de collectifs bordelais, « à un rythme qui reste encore à définir ».
Perspectives futures
Même si l’ouverture des Bassins de Lumière n’est pas encore actée, la mairie réfléchit déjà à ce qu’elle pourrait faire des autres alvéoles, sept bassins asséchables autour desquels elle va lancer un appel à manifestation d’intérêt d’ici la fin de l’année. Fabien Robert, adjoint à la culture, s’attend « plutôt à une activité à caractère culturel mais au sens large du terme, c’est-à-dire d’autres formes d’expositions. On peut imaginer des activités de concerts à petite échelle ou des ateliers d’artiste, par exemple. Tout est ouvert, mais il faut garder à l’esprit que cette partie est très dégradé par rapport aux quatre premières alvéoles. L’nvestissement dépendra du projet. L’objectif, c’est que la Base soit ouverte sur le nouveau quartier des Bassins à Flots. On peut tout à fait imaginer un projet qui ouvre et utilise la première alvéole sans forcément qu’il y ait de très lourds travaux à faire pour démarrer ».
L’espace d’exposition municipal, lui, va continuer d’exister, promet l’élu municipal. « Il accueillera toujours trois à quatre expositions par an dans l’annexe et disposera d’une entrée séparée sur la gauche du bâtiment. On a engagé environ un million d’euros de travaux dans cet espace qui a subi un dégât des eaux, notamment pour revoir le cheminement des expositions et apporter des améliorations ». Dès leur ouverture, les Bassins de Lumières prévoient d’accueillir des groupes scolaires, notamment « des enfants éloignés de l’offre culturelle via une action de la Fondation Culturespaces, qui leur donnera des explications sur les artistes exposés en plus de leur visite », affirme le directeur.
Enfin, le toit prévoit lui aussi d’être investi. Le maire de Bordeaux Nicolas Florian, en pleine campagne pour sa réélection, a dressé le tableau : le « plus grand potager suspendu de France, pour nourrir à la fois l’esprit et le corps. Tout ça fait bon ménage, ce sont nos racines ». Attention toutefois à ne pas s’emballer : « on ne peut pas en faire un lieu recevant du public en l’état, ou alors il faut construire par-dessus les pare-bombes », ajoute Fabien Robert. « On ne peut avoir qu’une activité qui ne peut pas accueillir des gens, mais on peut imaginer sur une grande partie du toit des jardinières et de la permaculture pour avoir un potager à cet endroit. En tout cas, on le mettra dans le cahier des charges des appels ». Il faudra donc encore quelques années avant que ce lieu chargé d’Histoire ne soit totalement investi, par ce maire-ci ou un autre… En attendant, vous pouvez déjà prendre votre « prévente » pour découvrir les premières expositions des Bassins de Lumière, avec des tarifs de visite libre allant de 9 euros pour le tarif jeune à 13 euros 50 pour le tarif plein. L’ouverture officielle est prévue pour le 17 avril prochain.