Le plan Bordeaux: le chantier de « la reconquête » du marché est lancé mais l’argent suivra-t-il?


Francis Bourgouin
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 03/10/2010 PAR Joël AUBERT

Et même ceux qui doutent de l’efficacité de ce nouveau Plan Bordeaux, en rappelant que le précédent, vieux de cinq-six ans, n’a apporté aucun changement, reconnaissent qu’il fallait réaliser ce nouvel arrêt sur images. Il faut dire que quand la situation est aussi grave qu’elle l’est pour la viticulture girondine, elle ne permet pas, ne permet plus, à nombre de viticulteurs de couvrir leur frais de production. Et quand il faut vendre le tonneau de 900 litres à 700 euros pour « rentrer » un peu de trésorerie on ne court pas grand risque à accepter de se mettre à nu.

Une vision mondiale des consommateurs
L’originalité de la démarche entreprise tient au fait qu’elle « s’appuie sur une vision des consommateurs », une stratégie qui se décline selon ce que le plan Bordeaux nomme le « couple segment de demande X pays ». Quatre segments dans une approche mondiale, une pyramide allant du «Basique à l’Art en passant par le Fun et l’Exploration ». Il s’agit de reprendre place, dans un marché mondial estimé en croissance de 11% en volume et, singulièrement dans des marchés définis comme prioritaires, regroupant une vingtaine de pays où les prévisions à 5 ans tablent sur une augmentation de 13%. C’est là précisément où s’effectuent les ventes de Bordeaux et il faut d’autant plus y être préseent que, dans le même temps, le marché français évoluera à la baisse de 4%.

Redevenir la marque repère du marché
Le chemin à parcourir, entre trois et cinq ans, est important quand on met en regard les volumes produits et le chiffre d’affaires correspondant : 1,1 million d’hectolitres dits « basiques » pour 162 millions d’euros, ces vins à 2 euros ou moins qui représentent un cinquième de la production; 3 millions d’hectolitres dits « fun » pour 1,498 milliard d’euros ; 1,4 millions d’hectolitres dits « exploration » pour 1,294 milliard d’euros ; 0,2 millions d’hectolitres pour 564 millions d’euros ! Le diagnostic établi insiste sur des performances commerciales « en deçà du potentiel, sur des pertes de marchés pourtant historiques, sur la sous exploitation dans le secteur cafés, hôtels, restaurants, celui de l’oenotourisme ainsi que la dégradation récente des parts de marché dans la Grande Distribution « . Et d’enfoncer le clou à propos« d’une marque qui s’abîme ».

Des vins basiques hors identité Bordeaux
Rude constat qui met en évidence, notamment, le fait que 15 à 20% des vins ne « correspondent pas à un niveau de qualité cible en phase avec le positionnement de la marque, le segment dit basique n’étant pas en cohérence avec l’identité de Bordeaux. » Qu’en termes de marketing techno la chose est dite prudemment pour affirmer que le vin n’est pas à la hauteur de Bordeaux …alors qu’il «a vocation à être la marque repère du marché du vin dans le monde ».

Une stratégie par segment
Découle de ce constat les quatre éléments essentiels d’une stratégie dite de différenciation par segment :
1. Une marque qui repositionne les Bordeaux comme « les plus beaux vins du monde »
2. Une gamme resserrée autour de trois catégories d’offre : la rareté et l’exclusivité avec les vins dits « Stars dans le segment Art, la découverte avec les vins dits « Perles » dans le segment Exploration, le petit luxe au quotidien avec les vins « Fun et Chics » pour lesegmentFun…enfin une remontrée en gamme de l’offre basique vers le fun ou la migration vers d’autres catégories. Une acception euphémique qui suscite quelques commentaires acides émanant de ceux qui se sentent appelés à disparaître mais dont bien entendu personne ne souhaitent… qu’ils disparaissent.
3. Une suppression des produits aux niveaux de qualité non cohérents avec l’image de la marque
4. Une action recentrée sur trente couples « segment de la demande X pays stratégiques »

Leprolongement logique de cette analyse et de ces propositions tient en 24 mesures dont on peut extraire, au chapitre renforcer la lisibilité de l’offre, l’exemple puisé dans le vignoble de Rioja, et sept mesures principales: renforcer la compétitivité de tous les acteurs de la filière, aider à la reconversion des exploitations non viables, favoriser le regroupement des caves coopératives et renforcer leur compétitivité pour la production de Fun, aider les sociétés de négoces à migrer vers des modèles gagnants, valoriser les démarches de développement durable, faciliter la transmission du foncier, protéger le potentiel de production par la défense des zones d’AOC..

Quels moyens pour un aussi vaste chantier ?
Un gigantesque chantier auxquels les viticulteurs voudraient bien croire mais qu’ils accueillent, entre un zeste d’espoir et une forte dose de scepticisme. On imagine, en effet, sans mal, qu’il faut de considérables moyens financiers pour le mettre en œuvre. Et même si le CIVB se dit prêt à marquer son engagement dès le budget 2011, il reste que c’est l’ensemble du secteur qui va devoir être soutenu ce qui, compte tenu des contraintes budgétaires générales, est loin d’être évident.
Le président du syndicat des Bordeaux, Bernard Farges, dans une réunion de terrain récente à Pellegrue, où le plan Bordeaux était présenté, devait faire face à la question du prix plancher, celle qui dans le contexte de crise actuelle est sur toutes les lèvres, celle qui désigne une profession qui ne jouerait pas le jeu : le négoce. Et Bernard Fargesqui invitait, le 3 août dernier, les viticulteurs à ne pas vendre au-dessous de 700 euros le tonneaude répondre: «il nous faut trouver un amortisseur de prix ; une sorte de prix indicateur ; des discussions sont en cours au sein de l’interprofession y compris avec les gros opérateursde la place au sein du groupe vrac crée en juillet. » Une manière courageuse d’entretenir l’espoir parmi une profession qui, entre diagnostic et chemin à parcourir, se demande parfois si on ne cherche pas à l’accompagner vers la sortie. Le renoncement.

Photo : Francis Bourgouin

J.A

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