Les Fidèles au TnBA : famille je vous hais…


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Les Fidèles au TnBA : famille je vous hais...

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 17/10/2010 PAR Hélène Fiszpan

Le poids de l’hérédité
Dans la famille Rozier, il y a la mère, personnage central de la pièce, figure de la maternité hystérique et violente, qui impose chaque jour son monde de la terreur. Secondée dans sa tâche par l’oncle d’Annie et ses grosses mains de Général qui pensent un peu trop au « fion », elle vit aux côtés d’un mari passif mais tout autant destructeur par son silence et son aveuglement. A eux trois, ils sont une tornade qui broie les existences d’Annie et de sa soeur adoptive Monique, la » bâtarde », celle qui subit les coups et les humiliations sans sourciller. Terrible défouloir.  Un tableau de famille obscur, s’il n’y avait la présence de la grand-mère, seule once de douceur, abri de fortune qui sent bon le lait chaud pour quelques heures. L’histoire d’Annie Rozier et de ses « fidèles » n’est pas belle. Elle est une intrusion dans le pathétique, les vérités indigestes et dérangeantes, les réalités sociales qu’on sait taboues. Elle est racontée par Annie, le regard exterieur porté sur son propre malheur, la parole franche et crue, pour ne rien cacher, y compris ses plus bas instincts. Un conte de la cruauté, autant effroyable que drôle, terriblement cynique et hilarant parfois, distancié de la réalité. Sans doute la clé de ce détachement qui traverse la pièce et nous laisse à notre place de spectateur, sans empathie ni compassion. Les Fidèles n’est pas une écriture de l’émotion, n’a pas pour ambition de porter un jugement, ne se place pas dans la catégorie des témoignages. Elle est un regard singulier sur le poids de l’hérédité, le hasard de la naissance, la question de l’enfance: celui d’Anna Nozière qui imagine une pièce entre vivants et revenants, entre visions cauchemardesques et réalité abrupte, entre cocasserie et atrocité. Un style très particulier qu’elle met en scène pour mieux illustrer sa façon de voir, son propre répertoire. 

Une insanité perfide et comique
Éloignée du naturalisme, Les Fidèles est une pièce intégrale qui pour reproduire sur le plateau cette dualité formelle, narrative et discursive, porte un soin infini à chaque pan de l’œuvre. Si la pièce jouée manque encore un peu de maturité, notamment dans la première partie qui peine à trouver son rythme, la finalité prend son sens dans cette minutie apportée aux éléments: texte, jeu et scénographie. La langue brute et poétique, viscérale, est d’un impact sans retenue, limpide. Annie: « Jetée là, j’ai erré dans un mauvais rêve: ma longue vie de 10900 jours » / Ma mère laissait crever tout raide nos rêves… Des vipères sortaient de sa bouche » / « Mon oncle faisait de moi un haut le cœur à l’infini. » La fantasmagorie présente dans l’écriture ne prend vie que sur scène, à travers les visions de l’auteur, la direction qu’elle indiqueaux comédiens. Sur le plateau, la folie domine, une insanité perfide car comique. Les scènes de meurtres fantasmés côtoient l’hilarité d’un enterrement déjanté. Un grand écart servi par une troupe de comédiens d’exception, à commencer par la mère – Virginie Colemyn -, incroyable incarnation de la déraison, qui offre ici unmoment de comédie jubilatoire. Baignés dans cet enfer rouge et marron, les personnages se détruisent au son de l’accordéon, virevoltent et s’écroulent, morts ou fous, peut-être les deux. Happés par les entrailles de la terre, les fidèles devront céder à la spirale qu’ils ont engendrée, et rejoindre leur lignée comme le veut leur destinée. Tuberculose, leucémie, maladie de pique plancher… rien n’est trop pourri pour ces fantômes du présent dont Annie doit se débarrasser encore et encore. Un fardeau lourd à porter pour ce gabarit réduit, dont on ne sait où mènera sa lutte acharnée et vitale. 

 Hélène Fiszpan

Les Fidèles, Histoire d’Annie Rozier / Mise en scène Anna Nozière
Au TnBA jusqu’au 22 octobre / 05 56 33 36 80 /billetterie@tnba.org

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