Bruit des avions: les riverains tempêtent l’aéroport tempère


Entre développement économique et impact sonore, l’aéroport de Bordeaux-Mérignac peine à trouver un terrain d’entente avec les riverains qui subissent, jour et nuit, les nuisances sonores.

Tour de contrôle et avion en vol à l'aéroport de Bordeaux-MérignacSA ABDM / Agence Mediacrossing

L’association AEHDCNA a organisé une réunion publique, en la présence d’élus, le 21 janvier. Dans cette perspective, une manifestation se tiendra le 18 mars.

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 02/02/2023 PAR Juliette Huard

À proximité de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, les riverains n’en peuvent plus. En 1912, l’État s’empare de 45 hectares sur la commune de Mérignac, notamment sur les propriétés de Lartigue et Teynac. L’aventure commence ainsi. En 2019, l’aéroport bat les records avec 7,7 millions de passagers, transportés par 20 compagnies aériennes vers 77 destinations. Covid-19 oblige, ces 7,7 millions de passagers ne sont plus que 3 millions en 2021. Malgré cela, les nuisances sonores persistent.

Le Plan de Prévention du Bruit : la goutte d’eau

Fabienne Buccio, qui vient de quitter ses fonctions de Préfète de Gironde et de Nouvelle-Aquitaine, a récemment approuvé le Plan de Prévention du Bruit dans l’Environnement (PPBE) de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac 2021-2025. Ce qui ne manque pas de raviver la colère des riverains… Ce plan a pour but de prévenir les effets du bruit issu du trafic aérien et réduire, « si besoin et si possible », les nuisances sonores. C’est la réglementation européenne qui l’impose, particulièrement pour les aéroports civils dont le trafic annuel est supérieur à 50 000 mouvements.

Pour les riverains, ce plan n’est pas à la hauteur des enjeux de santé publique. « C’est une déclaration de guerre que l’ancienne Préfète de Gironde a engendrée en signant ce PPBE », affirme froidement Pierre Arnal, vice-président de l’association AEHDCNA (Association Eysino-Haillanaise de Défense Contre les Nuisances de l’Aéroport). « Ce plan approuve précisément l’accroissement du trafic aérien pour atteindre 122 000 vols par an, soit 45% de hausse par rapport à 2019 (84 000 vols annuels). Il ne remplit donc absolument pas son objectif de protection des populations riveraines », ajoute-t-il. L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires déplore aussi ce plan.

Vols de nuit

Les nuisances sonores ont un impact sur la santé des riverains, d’après une étude épidémiologique nationale commandée par le ministère de la Santé en 2020 et intitulée « Débats ». En comparaison à une population non exposée aux nuisances sonores du trafic aérien, les riverains ont 80 % de risque de détresse psychologique, 34 % de risque d’hypertension artérielle et 28 % de mortalité par infarctus du myocarde. Et à l’évidence, la nuit, le sommeil est fortement perturbé. « Un avion qui passe à 4h du matin me réveille », déclare Pierre Arnal.

Une des principales revendications des plus de 400 adhérents de l’association AEHDCNA concerne les vols de nuit. « L’aéroport de Bordeaux-Mérignac est l’un des principaux aéroports de France à ne pas restreindre les vols de nuit. Nantes les a interdits en avril 2022 avec une sanctuarisation de 22h à 6h du matin. Avignon, Paris Orly, Strasbourg ou encore Toulouse ont restreint les vols de nuit depuis des années ! », s’indigne-t-il.

De mai à septembre, c’est un avion toutes les quatre minutes

De jour comme de nuit, « il y a des périodes de demi-heure où il n’y a pas d’avions. Puis, il y a des périodes où il y en a toutes les trois, quatre minutes. C’est le cas de mai à septembre, renchérit Pierre Arnal. J’habite à Eysines. Il y a tellement de bruit, qu’on mange à l’intérieur certains soirs d’été… », souligne-t-il. Cependant, les 88 000 riverains habitant sous le couloir aérien sont inclus dans le plan de gêne sonore (PGS) et bénéficient d’aides pour insonoriser leur logement. « Il n’y a pas de montant maximal. En revanche, on n’a plus le droit de se plaindre après, c’est un double-piège ! », témoigne Pierre Arnal.

Plan de gêne sonore de l'aéroport de Bordeaux-MérignacGeoportail.gouv.fr

Habitant à Eysines, Pierre Arnal dit entendre « un bruit situé entre 70 et 75 décibels », lorsqu’un avion passe au-dessus de sa maison. À noter que le seuil de nocivité commence à 80 décibels, pour une exposition équivalente à 8 heures par jour.

Autre cause de crispation : le nouveau plan stratégique 2023-2027 de l’aéroport. Il pose le projet de supprimer la piste sécante, autrement dit la piste secondaire. Cela signifie que l’ensemble du trafic aérien passerait par la piste principale. « L’aéroport asseoit son développement sur la suppression de la piste sécante pour stationner davantage d’aéronefs. Cette suppression signifie, pour nous, récupérer la totalité du trafic. C’est un casus belli, une catastrophe », affirme Christine Bost, maire d’Eysines.

Objectif : trafic d’avant-Covid

De son côté, Simon Dreschel, Directeur général et président du Directoire de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, dément tout développement du trafic à outrance : « Il y a des contre-vérités qui circulent à ce sujet. » « Nous reconstruisons notre trafic pour que dans cinq ans, nous retrouvions celui d’avant-Covid-19 (en 2019). On a même inscrit dans notre nouveau plan stratégique de maîtriser le développement. On ne souhaite pas faire du volume pour faire du volume », précise-t-il.

La réduction des vols de nuit fait aussi partie de ce nouveau plan stratégique. Ouvert à la circulation aérienne publique, l’aéroport n’est pas en capacité de prendre cette décision. Seul l’État peut restreindre les vols de nuit. Mais l’aéroport sanctionne les avions qui émettent des nuisances sonores. « Un avion qui est plus bruyant qu’un autre paiera plus cher. Et un avion qui emploie la piste la nuit paiera deux fois plus cher. On a mis en place un système de modulation tarifaire qui vient impacter les compagnies aériennes les moins vertueuses », souligne Simon Dreschel.

Ma mission est de tracer une ligne de crête entre l’activité économique dont tout le monde a besoin, et les riverains qui ont besoin d’un cadre de vie mesuré.

Christine Bost estime que le PPBE de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac 2021-2025 est, certes, « pétri de bonnes intentions », mais « insuffisant et timide » : « Il faut réellement prendre en considération les nuisances sonores que subissent les riverains. Pas seulement avoir des intentions ou prononcer des mots qui nous portent à des perspectives temporelles inacceptables. »  Faisant référence à la volonté de l’aéroport de développer des énergies décarbonées et des filières locales de biocarburants aéronautiques, elle ajoute : « Je veux bien croire à l’avion hydrogène. Néanmoins, ce qui fait du bruit, ce n’est pas seulement le moteur, c’est aussi la pénétration dans l’air ».

Simon Dreschel manifeste toutefois compréhension et soutien à l’égard des riverains. « Ma mission est de tracer une ligne de crête entre l’activité économique dont tout le monde a besoin et les riverains qui ont besoin d’un cadre de vie mesuré. Nous y arriverons avec les avions et leurs trajectoires, l’insonorisation des logements, les redevances plus élevées la nuit, voire les restrictions des vols de nuit, ou encore en travaillant avec l’État. Cela prend toujours trop de temps, mais nous suivons cette dynamique-là. »

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10 Comentaires

10 commentaires

  • ANNE, le 15/9/2023 à 16h16

    J’ai acheté un appartement à Talence en 2003. Aucun couloir aérien à cette époque. Puis un couloir à été mis en place selon les explications données par la mairie. Et depuis les vols se multiplient jusqu’à un vol toutes les 3-4 minutes y compris la nuit. Il y aussi des avions militaires qui survolent Talence§ C’est insupportable: les troubles du sommeil sont quotidiens.
    J’ai fait changer toutes les fenêtres avec isolation sonore. Cela atténue à peine le bruit.
    Pourquoi ne déplace-t-on pas ce couloir aérien au dessus de Bordeaux ? On est à l’époque du partage…


  • Loïc, le 27/7/2023 à 18h55

    J ai acheté ma maison à Merignac limite Pessac, il y a 2 ans. Aucun avion à l’horizon, et j’avais fait attention à ne pas acheter sous un couloir aérien. Quelle ne fut pas ma surprise de voir passer quelques mois après moult avion juste au dessus de ma maison! Et à une altitude tellement basse que je peux presque dire si le pilote a une moustache ou non. Bien sur, ni l’agent immobilier, ni les anciens proprios n’avaient pris la peine de nous prévenir de ce léger désagrement. Je n’aurais pas investi toute mes économies et je ne me serais pas endetté sur 20 ans. Je confirme: des avions à partir de 17h, toutes les 5 mn, et meme pendant des journées entières pour peu que le vent ne souffle pas dans la bonne direction! Alors que nous ne sommes officiellement pas sous le couloir aérien: mon rêve de paradis est devenu un enfer.


  • Marie-José, le 25/7/2023 à 18h05

    Effectivement le trafic aérien devient insupportable au dessus de Bègles. Il y a quelques années ce couloir avait été ouvert durant les travaux sur l’aéroport de Mérignac. Ces travaux sont terminés depuis longtemps…


  • Christophe Razzino, le 25/7/2023 à 13h39

    Bonjour
    Cet été c’est le pompon. Le matin, la journée, le soir, semaine comme week end… J’ai beau regardé la carte des couloirs aériens Pessac n’est pas concerné. Est-ce que ca va durer tout l’été au-dessus de Pessac? Le reste de l’année, le vendredi soir nous avons le droit à un défilé d’avions tout comme le dimanche soir. Garder les fenêtres ouvertes pour rafraichir la maison ce n’est pas possible, déjeuner dehors pas mieux. Que comptent faire la mairie et la CUB?


  • Marie José, le 25/7/2023 à 13h12

    Je partage tous ces témoignages, j’habite à Merignac à la limite de Pessac centre. J’ai acheté il y a quelques années un pavillon et nous n’avions que quelques avions en particulier quand la ligne principale était en maintenance . Aujourd’hui effectivement en été , vu les niveaux de chaleurs nos fenêtres sont ouvertes, c’est l’enfer avec des avions toutes les 4 à 5 minutes . Sans parler de la pollution qui nous inquiète aussi. Nous espérons que les intérêts économiques ne vont pas primer sur la qualité de vie des habitants.


  • Cindy, le 21/7/2023 à 21h49

    Voilà trois ans que je vis à Pessac et c’est le premier été où les avions passent toutes les 4 à 5 minutes à partir de 17-18h. Un enfer, de manger dehors ou laisser ses fenêtres ouvertes. Même la nuit jusqu’à 23h on les entend… A quand retrouver notre Pessac au calme? .


  • Christophe, le 21/7/2023 à 10h46

    Malheureusement, je confirme les commentaires précédents.
    Nous sommes installés sur Pessac depuis 3 ans et cet été c’est un passage d’avions tous les jours, le soir également, parfois tous les 3 à 4 minutes. Difficile de dîner dehors ou fenêtres ouvertes. Nous vivons un changement climatique avec des conséquences catastrophiques et le trafic aérien demeure très important avec sa pollution et son niveau sonore inacceptable pour les habitants concernés !


  • Clément, le 20/7/2023 à 15h30

    Je confirme aussi le trafic sur Talence Pessac augmente depuis quelques temps, avec des passages en particulier de nuit au delà de 23 h. Quand on a acheté notre maison il n y avait pas de « couloir aérien » , il n y a donc pas d aide pour insonoriser. Avec des avions qui passent toute les 5 minutes, il devient difficile de profiter des joies de l’extérieur. J’espère que nos élus ne vont rien lâcher et défendre les intérêts de leurs administrés.


  • Tom, le 18/7/2023 à 23h12

    Effectivement, dîner dehors en été devient difficile car le trafic aérien passant au dessus de Bègles, Talence et Pessac est en permanente augmentation. C’est totalement inadmissible! A 22h, les avions continuent de survoler les quartiers. Ça devient infernal.


  • Bajer, le 15/7/2023 à 21h35

    Les nuisances sonores sont de plus en plus importantes suite à un passage accru sur la piste sécante. Les autorités méprisent les riverains qui ne peuvent que subir des nuisances graves pour la santé. Cette piste a l’origine pour un usage exclusivement militaire, est exploitée comme piste principale par l’aéroport afin d’accroître son trafic. C’est un vrai scandale.


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