La Bataille de Castillon revient grandie


Joséphine Duteuil

La Bataille de Castillon revient grandie

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 04/08/2016 PAR Joséphine Duteuil

Ils n’ont pas été oubliés. L’absence forcée des organisateurs de la Bataille et de ses quelques 500 bénévoles n’a pas suffi à éloigner les spectateurs. En ce samedi 30 juillet, pour la 5ème représentation de l’édition 2016, le village médiéval installé dans la petite commune de Belvès-de-Castillon est plein. Beaucoup arrivent en avance.

A vingt heures déjà, touristes et familles se massent dans les allées en terre battue pour observer les combats d’épée et les animaux de ferme, s’offrir des maquillages fantaisistes (pour les enfants) ou des dégustations de vins de pays (pour leurs parents). Un peu plus loin, attablés à l’Auberge, d’autres regardent par-dessus leur entrecôte-frites les rondes de bénévoles qui se rapprochent et s’éloignent au son des danses folkloriques. Au-dessus d’eux, l’imposante silhouette du Château de Castegens s’estompe dans la fin d’après-midi. La fête peut commencer.

 Rejouer la fin du Moyen-Âge entre amis Derrière les arbres, à quelques centaines de mètres de là, les acteurs finissent leur repas. Ils sont près de 400 chaque soir, tous bénévoles. Certains habitent tout près, à Belvès, qui accueille l’événement depuis 1986, ou alentour. D’autres viennent de plus loin ; Bordeaux ou le Bassin d’Arcachon pour certains, le Gers ou la Charente-Maritime pour les plus courageux. Tout au long de l’été, ils répondent présent aux 14 représentations de la Bataille. Certains campent même sur place entre le vendredi et le samedi.

Les retardataires enfilent les derniers costumes. Chevaliers, moines, princesses, lavandières. Dans quelques minutes, ils rejoueront, dans la musique de leur metteur en scène Eric Le Collen, la bataille de 1453 qui opposa Anglais et Français à moins de 2 kilomètres de là, et signa, par une victoire des troupes de Charles VII, la fin de la guerre de Cent Ans. Certains y voient aussi la fin du Moyen-Âge. Au même moment, rappelle le spectacle, Gutenberg invente l’imprimerie, et les Turcs reprennent Constantinople. La pédagogie est là. Au-delà des archers et des 40 chevaux au galop qui ont fait sa réputation, la Bataille ramène à la vie une époque entière.

Préparer la repriseElle a connu des heures sombres. Après une année 2014 difficile, le spectacle, constamment suspendu à des finances millimétrées et à la ténacité de ses bénévoles, s’interrompt en 2015. En cause, deux alertes orange successives, synonymes d’annulation pour les 2500 à 3000 spectateurs quotidiens. Un coup dur pour la Gironde, dont les hôtels, restaurants et villages voisins tirent profit de la force d’attraction du spectacle. Pour le moral des troupes aussi.

Pourtant, les organisateurs ne sombrent pas dans le défaitisme : dès novembre 2015, une nouvelle association, « Castillon 1453 », qui intégre au sein de ses quatre collèges des personnalités comme l’historienne Anne-Marie Cocula, est mise sur pied. Alors qu’Eric Le Collen s’attelle à l’écriture d’un nouveau spectacle, des équipes déterminées entament, avec l’aide du maire de Belvès une série de travaux sur le site. Au printemps 2016, les centaines d’acteurs sont convoquées pour des sessions de répétitions intenses de la nouvelle version du show, qui convoque, entre autres, Michel de Montaigne, Lawrence d’Arabie et Aliénor d’Aquitaine. Les changements sont de taille ; les attentes aussi.

La Bataille peut faire l’effet d’une grosse machine, mais elle tourne surtout grâce à la volonté des bénévoles. Freinée par son statut d’association, il lui reste difficile de dégager les prêts nécessaires à une réelle expansion. Le budget de 860 000€ par an, qui pourrait impressionner de prime abord, est aspiré pour moitié dans la location des tribunes. Et l’emploi de quelques professionnels dans le domaine artistique et technique laisse à la responsabilité de l’armée de volontaires l’essentiel du travail. Des efforts et du cidre Alors que, dans les coulisses, le repas touche à sa fin, Eric Le Collen prend quelques minutes pour saluer les acteurs. « Vivez le spectacle ! » encourage-t-il, avant d’entonner à la guitare la « Chanson d’Aliénor », composée pour le spectacle et reprise en cœur. Ici, le plaisir reste central. Une fois sur scène, les acteurs improvisent : autour de la chorégraphie soigneusement apprise, ils sont invités à broder en ajoutant des gestuelles, des conversations et des danses, chaque soir un peu différentes.

Pour y arriver, l’amitié est essentielle. Elle se tisse au fil des années, entre les séquences de travail sérieuses et les verres de cidre distribués après minuit une fois le public disparu. Pour certains, c’est l’histoire d’une vie : leur trajectoire dans la bataille, commencée en petit paysan, poursuivie en soldat et terminée en moine, s’étalera de l’enfance à la retraite. D’autres, les « mariés de la Bataille », se rencontrent à Belvès et choisissent même de s’unir pour de bon.

Cette convivialité touche jusqu’au public. Une fois le feu d’artifice final tiré, les acteurs, alignés en une longue haie d’honneur, accompagnent les spectateurs sur le départ jusqu’au parking. Souriants, ils les remercient avant de faire leurs adieux. La gratitude est réciproque.

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