Industrie du béton et neutralité carbone, un futur possible?


Alors que la France exige la neutralité carbone d'ici 2050, certains groupes de l'industrie du béton investissent localement dans des mesures plus respectueuses de l'environnement. Comme l'allemand Heidelberg Materials sur ses sites néo-aquitains.

Manon Gazin | Aqui

La centrale de Pessac mise sur du béton recyclé.

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 20/06/2024 PAR Manon Gazin

Si le béton utilisé sur la planète était un pays, il serait le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, juste derrière la Chine et les États-Unis.

Pour faire face à ce phénomène, les industriels n’ont pas d’autre choix que de s’adapter en trouvant des solutions plus durables. Et ce, alors que le béton reste le matériau le plus utilisé sur la planète après l’eau, et que la France exige la neutralité carbone d’ici 2050. Certains groupes, comme Heidelberg Materials, le plus gros producteur allemand de ciment, exigent des initiatives plus écologiques sur leurs sites. Ces dernières sont ainsi mises en place sur les différentes centrales et usines de la Nouvelle-Aquitaine. Notamment à Pessac, où pour fabriquer du béton sont utilisés des granulats (qui constituent le squelette du matériau) recyclés. 

« Sur l’écologie, on prend des initiatives à différents niveaux », souligne Philippe Lapart, directeur de la région Sud-Ouest à Heidelberg Materials. « On a investi l’année dernière 600 millions d’euros dans nos cimenteries pour faire des ciments à faible empreinte carbone », ajoute-t-il en citant l’exemple des sites d’Airvault dans les Deux-Sèvres, et de Bussac-Forêt en Charente-Maritime.

Pour rappel, ce n’est pas tant la fabrication du béton qui dégage du CO2, mais celle du ciment, qui est un liant du béton.  Pour produire du ciment, une cuisson à 1400°C est nécessaire. À cette température, une tonne de ciment produit génère l’émission d’environ une tonne de CO2. Le groupe travaillerait d’ailleurs « sur des ajouts dans le ciment qui permettront d’avoir moins de CO2 à la production », selon son directeur régional. 

Réutiliser les chutes de béton

Une des mesures importantes de ces initiatives est de récupérer les chutes de béton non utilisées, afin de les recycler pour en faire un autre béton. « Pour préserver les ressources naturelles autour de nos carrières, nous avons fait des sites et des plateformes pour récupérer la déconstruction des bâtiments », explique Philippe Lapart. « Et transformer ce béton en granulat pour béton ».

La centrale de béton prêt-à-l’emploi de Pessac, en Gironde, est notamment concernée par la mise en place de ce recyclage. « On a une partie de notre installation qui contient des granules à recycler, et qui nous permet de livrer certains chantiers. Dont un chantier à côté de la centrale, un bâtiment, où l’on retrouve on a à peu près 18% de granules à recycler issues de la déconstruction », précise le responsable Sud-Ouest. L’intérêt ? « La préservation de la ressource naturelle ». « Les granulats que l’on va recycler sont autant de granulats que l’on ne prend pas dans les carrières »

Continuer sur cette voie

Si ce système est implanté depuis plusieurs années dans le secteur, le groupe compte bien continuer de le développer localement. « On récupérait des retours béton depuis une douzaine d’années sur la région bordelaise. Et depuis deux ans on essaye de faire une boucle fermée », explique Philippe Lapart. D’autant plus que ce recyclage n’est pas possible sur tous les sites de la région. « On le fait sur d’autres centrales où l’on a suffisamment de place. Il y a des petits sites, aujourd’hui, qui n’ont pas été imaginés il y a 25 ans pour faire du recyclage », concède le directeur. « Et nous sommes en train d’investir pour ces sites, de façon à pouvoir avoir plus de combinaisons possibles au niveau des matériaux »

Dans la région, le groupe mise aussi sur des « eaux de lavage recyclées », et des transports de marchandises courts. « Nous avons trois sites autour de Bordeaux, qui sont à proximité de notre zone de marché. Le site de Pessac est quelque part le mieux placé », souligne Philippe Lapart. « Dans le béton, les clients demandent des cadences de bétonnage. Quand on est loin, on rajoute beaucoup de véhicules sur la route. L’esprit de ce site, c’est justement d’être à proximité des marchés pour limiter le nombre de véhicules »

Un avenir sans béton ?

Du 9 au 12 décembre dernier, plus de 150 collectifs écologistes se sont mobilisés contre Lafarge et le monde « tentaculaire et criminel » du béton. Des actions ont eu lieu partout en France, montrant bien que de par son aspect et sa production, ce matériau s’est fait beaucoup d’ennemis. Mais selon Frédéric Dudilot, secrétaire général de l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (UNICEM) Nouvelle-Aquitaine, « le béton, pour l’instant, on ne peut pas s’en passer. On considère que c’est une multitude de matériaux et de solutions qui vont permettre de répondre aux besoins de la société. Nous, nous ne sommes pas pour le béton partout, soutient le représentant de cette fédération de syndicats. On répond simplement à une demande », explique-t-il, en soutenant que ce matériau est nécessaire pour faire des routes, des rues, ou des immeubles.

« Tout matériau a un impact sur l’environnement », rappelle également Frédéric Dudilot. Ce dernier précise que même les maisons en bois ont un impact environnemental, notamment de par les transports de marchandises. « Comme toute activité humaine, il y a des impacts environnementaux. La question, c’est : Comment mesurer cet impact, et comment travailler pour le réduire au maximum ? ». D’autant plus que le béton a l’avantage d’être un matériau « qui est disponible très facilement partout sur le territoire. La France a la chance d’avoir des ressources géologiques très diversifiées. Ça permet d’approvisionner avec beaucoup de proximité les chantiers ». 

« Il y a une grande révolution en cours depuis une dizaine d’années dans les milieux industriels. Et notamment dans le nôtre, sur comment mieux maîtriser et compenser l’impact qu’a l’activité », affirme le secrétaire général. Il soutient également que « pour le béton, il y a des travaux importants qui sont réalisés pour devenir neutre en carbone en 2050″. « On pense que c’est une multitude de solutions locales qui vont permettre d’atteindre cet objectif », affirme-t-il.





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