Groupe Ohayon: pourquoi le naufrage continue?


L'enseigne Gap, filiale de l'empire de l'homme d'affaires bordelais Michel Ohayon est à son tour en redressement judiciaire depuis le 1er mars. L'effet domino se poursuit. Quelques clés pour comprendre cet effet château de cartes.

Juliette Huard

L'Intercontinental Grand Hôtel de Bordeaux dont Michel Ohayon est propriétaire des murs.

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 02/03/2023 PAR Cyrille Pitois

Une nouvelle filiale de la sphère Ohayon est en redressement judiciaire depuis le 1er mars. Il s’agit de l’enseigne de vêtements Gap. Une autre, détenue par un fils de Michel Ohayon, a chuté la semaine dernière : les écoles supérieures Campus Academy, un établissement d’enseignement supérieur privé hors contrat réparti en dix écoles et six campus à Angers, Rennes, Aix en Provence, Lyon, Nantes et Toulouse. Deux écoles sont déjà effectivement fermées. Un peu plus tôt c’est la filiale qui héberge 22 magasins sous enseigne Galeries Lafayette qui a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde. Après le redressement judiciaire de Go Sports et la liquidation de Camaïeu.

Le coup de tonnerre est tombé le 15 février avec la mise en redressement judiciaire de la holding Financière immobilière bordelaise (FIB) pour défaut de remboursements d’échéances de trois prêts (56, 70 et 75 millions), contractés pour le rachat et les travaux des hôtels Waldorf Astoria Trianon Palace à Versailles, Sheraton-Roissy et Intercontinental Le Grand Hôtel à Bordeaux.

Les magasins La Grande Récré hébergés par une filiale spécifique et l’entreprise de torréfaction Cafés Legal en Normandie, ne sont pas encore touchées par le jeu de quilles. L’architecture d’une holding et de ses filiales n’empêche pas cet effet château de cartes. Voici trois raisons qui peuvent éclairer ces cascades de défaillances.

La transmission de l’exigibilité d’un crédit

Dans un groupe d’entreprises chapeautées par une société mère ou holding, l’exigibilité d’un crédit peut se transmettre à une autre société du groupe. Pour garantir les crédits souscrits par une des sociétés du groupe, ce qu’on appelle les sûretés sont consenties par d’autres sociétés du même groupe dans une forme de solidarité propre à la holding. C’est d’ailleurs une des raisons qui motivent les procédures collectives engagées devant le tribunal de commerce : elles visent à bloquer l’exercice de ces sûretés ; autrement dit, c’est la stratégie dont disposent les créanciers pour protéger les actifs à titre préventif et espérer récupérer leur dû.

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La chute de Camaïeu a « affolé » les créanciers

Un certain « affolement » des créanciers provoque aussi un enchaînement mécanique. Dans le cas Ohayon, la Bank of China qui a prêté des sommes importantes à la FIB pour acquérir les trois hôtels de luxe à Bordeaux, Roissy et Versailles a forcément constaté les défauts de paiement des autres sociétés du groupe et a décidé de demander au tribunal de commerce la mise en redressement judiciaire de la société mère. Autrement dit, c’est le voyant allumé par la chute de Camaïeu, et des mois de loyers impayés auprès des bailleurs des commerces de la chaîne de vêtements, qui a justifié la mise en demeure par la Bank of China de payer les remboursements d’emprunts dans l’espoir de récupérer ses impayés avant la liquidation potentielle des actifs. Constater qu’une des filiales n’a pas la surface suffisante pour honorer ses engagements met le doute sur la capacité de toutes les filiales et de la holding  à rembourser les échéances.

Circulations d’argent non conformes ?

Enfin, au-delà des raisons juridiques ou stratégiques des créanciers, il peut aussi y avoir des mécaniques de circulation non conformes de l’argent au sein de la holding entre les différentes filiales. Par exemple, si un prêt garanti par l’Etat (PGE) consenti pendant le Covid à Go Sports a servi à financer les salaires de Camaïeu, ce n’est pas forcément une infraction mais ce n’est pas conforme aux raisons invoquées auprès de la banque pour obtenir le PGE. Camaïeu a pu aspirer une bonne partie du cash disponible pour éviter la défaillance. Sauf que ça n’a pas suffi.

Le retournement espéré par Michel Ohayon, et sans doute présenté au tribunal de commerce pour la reprise de Camaïeu ne s’est pas produit. Si des crédits consentis à certaines sociétés ont servi à d’autres, les enquêtes des brigades financières demandées par les parquets de Lille, Bordeaux et Grenoble permettront de relever d’éventuelles anomalies… d’ici plusieurs mois.

« Il va falloir du temps aux enquêteurs pour atteindre les fondations, » prévoit un juriste en droit des affaires. « On peut penser que les différents parquets vont chercher à mutualiser leurs informations et voir ce qui résiste ou pas, pour agir de front contre les différents responsables. »

Nous sommes concentrés sur notre travail, la préservation de nos actifs et de l’emploi.

Dans le même temps, nos confrères du journal Le Monde font état d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris via la Juridiction nationale chargée de la criminalité organisée (Junalco), pour des soupçons d’abus de biens sociaux.

Pour sa part Michel Ohayon a indiqué à France3 Nouvelle-Aquitaine qu’il s’estime victime « d’un lynchage totalement injuste. Je ne compte pas participer à entretenir ce cercle médiatique vicieux. Nous sommes concentrés sur notre travail, la préservation de nos actifs et de l’emploi. Ce sont les seules choses qui comptent. »

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