Gilles Berhault : « Je crois profondément en la COP21 »


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Gilles Berhault : "Je crois profondément en la COP21"

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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 09/06/2015 PAR Romain Béteille

@qui! – Quel est le but principal des universités d’été ?
Gilles Berhault – 
L’ACIDD est une association qui a été créée en 2000 au croisement des questions d’évolution de la société du fait d’internet et de l’émergence du développement durable. La question que l’on se pose, c’est comment l’internet et la communication peuvent se mettre au service du développement durable et inversement. Nous avons donc créé cette université d’été au départ dans le Sud-est et elle se passe pour la 4ème année à Bordeaux.

On a traité beaucoup de sujets, mais ceux qui sont prioritaires restent l’approche multi-acteur des choses. On pense qu’on arrivera à faire bouger notre société si on est capable de faire travailler ensemble les entreprises, les collectivités locales, ONG, centres de recherche, ect. L’année dernière, nous avons particulièrement travaillé sur les nouveaux mythes dans le nouvel imaginaire. Quand on parle de transformer la société, on a parfois le réflexe d’être sur la contrainte. On a beaucoup statué sur la culpabilisation. Nous ne croyons pas vraiment à ça, mais plutôt au fait qu’il faut embarquer les gens et que tous ensembles, on invente les récits et les scénarios que l’on a envie de vivre, le tout en étant respectueux de notre patrimoine naturel.

On s’est rendu compte depuis quelques années que la terre a ses limites et qu’il faut qu’on change cela. En Aquitaine, on le voit très bien avec les traits de côte, la question du réchauffement climatique est déjà largement présente. 

@! – La 13ème édition est assez emblématique. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?
G.B. – 
Cette année est une année très particulière pour la France en termes de développement durable puisqu’elle va acceuillir la COP21, qui est une échéance importante parce que des décisions doivent être prises. Il y a déjà eu des conférences annuelles plus intermédiaires, celle-ci n’en fera pas partie. C’est pour ça qu’à l’occasion de cette conférence des Nations unies, on tente de mobiliser la société sur les questions de climat et de faire comprendre aux gens que les émissions de gaz à effet de serre limitent notre qualité de vie. Notre objet n’est évidemment pas de traiter des questions techniques qui pourraient être liées à des sujets comme l’eau ou l’énergie, mais de voir comment internet peut jouer un rôle dans la préparation et pendant une conférence mondiale sur le climat. 

C’est d’autant plus important qu’il faut trouver des solutions. Il ne suffit pas de dire que l’on doit baisser les émissions de carbone ou, comme l’ont dit les chefs d’Etats lors du G7 d’hier, « il faut que le XXIème siècle soit celui d’une économie zéro carbone ». L’ambition est là, mais l’action, elle, se fait avec les entreprises, les villes, les régions, les associations et les citoyens. L’enjeu de l’université d’été est de savoir comment nous allons arriver à travailler ensembles, comment nous allons promouvoir les solutions pour que ce qui sont aujourd’hui des solutions expérimentales deviennent banales.

La COP21, des enjeux essentiels
@! – Pour l’instant, la COP21 reste assez lointaine et floue. Selon vous, quelles sont les pistes principales qui devraient être abordées ? 
G.B. – 
Il y a des pistes dans tous les domaines, mais il reste à les faire connaître. Le tout est de réussir à changer d’échelle. La maison écocitoyenne de Bordeaux est, à ce titre, exemplaire, en termes de gestion de l’eau, de l’énergie, d’initiatives, ect. Il faut que cela devienne commun, que l’on généralise les pratiques. Ca veut dire aussi qu’il faut être capable de les financer, et on sait que c’est parfois un peu plus cher tout de suite même si dans le temps la plupart sont rentables. Il faut être capable d’attendre 5 ou 10 ans pour amortir le surinvestissement. On a également pris des habitudes depuis des années, et on doit arriver à les changer. La dernière réforme de Ségolène Royal sur les pastilles de couleurs est un bout de la solution, un point de départ, mais il faudrait aller beaucoup plus loin.

Par exemple, il faudra demain que toutes les villes aient le courage, comme Paris l’a fait, de supprimer le diesel, même si ça ne peut pas se faire d’un jour à l’autre. Il faudrait pour cela augmenter l’offre de transports en commun. A Bordeaux, même s’il y a souvent des bouchons sur la rocade, on tente de trouver des solutions. La région a par exemple bien avancé sur le co-working et les tiers-lieux, ce qui facilite les conditions de travail et la circulation. Même si le département soutient ces actions, elles restent encore trop expérimentales. Notre but, c’est de dire « il faut accélérer les choses ». Aujourd’hui, le développement des activités humaines va plus vite en impact que ce qu’on fait de bien, on compense à peine. Regardons le travail au niveau mondial sur la couche d’ozone : il est réussi, même s’il est moins important que les enjeux de la COP21.

@! – Vous avez l’air d’être optimiste quant aux avancées qu’apportera ce sommet COP21… 
G.B. – 
J’y crois profondément. Ce sera d’abord une négociation internationale sur un texte contraignant. Le protocole signé lors de la dernière conférence sur le climat, qui avait eu lieu à Kyoto, ne l’était pas. Mais cela a apporté certains objectifs. Beaucoup des pays, notamment la France et une partie de l’Europe qui ont signé les engagements de Kyoto s’y sont tenus. L’Europe est aujourd’hui en train de changer de braquet. Avant, elle fonctionnait aux 3X20 (20% d’énergie renouvelable, 20% d’économie carbone et 20% d’efficacité énergétique), et on voit se dessiner un engagement de 40×2 (40% de baisse des émissions de carbone) sur une partie des pays qui ont déjà bien travaillé. 

Pour que tous les autres pays s’engagent, il faut donc qu’un accord contraignant se fasse sur un texte qui est très compliqué compte tenu de la diversité des pays participants. Le Fonds Vert a d’ailleurs été inventé pour rendre les choses plus faciles, mais il ne sera pas en application avant 2020 à hauteur de 100 milliards par an. J’espérais que l’on règle au moins le problème des conditions d’application du Fond Vert, c’est en train de se faire, on sait déjà que le siège sera en Corée du Sud. L’objectif du Fonds Vert 2014 était de 10 milliards. Pour l’instant, la moitié de l’argent est arrivée. Je suis tout de même très vigilant, mais je trouve qu’il y a des signaux positifs. Parmi elles, la montée des opinions publiques en Chine, le fait qu’Obama ait l’air d’avoir envie de faire des choses même en fin de mandat, l’engagement des Polonais de signer la réduction à 40% alors que c’est un pays qui fonde son économie sur le charbon, etc. 

De même, le Maroc en termes de réduction des émissions de carbone, a affirmé pouvoir, grâce au Fonds vert, augmenter la réductions de 13 à 35%. Ca démontre évidemment que les pays du Nord, qui sont les plus riches et les plus développés, doivent aider à co-financer le développement des pays du Sud à grande échelle. Le tout sur des points très importants comme l’industrie. On est encore sur des modèles un peu ancien. Il existe aussi une sérieuse question de mobilité. A côté des grandes villes du Sud comme au Caire, Bordeaux ne fait pas le poids en termes d’embouteillages. 

Une prise de conscience
@! – Croyez-vous qu’elle pourrait déclencher une prise de conscience ? 
G.B. –
 La COP est aussi une occasion pour tous de travailler sur ces questions. Un sommet des entreprises s’est récemment tenu à l’Unesco (Business and Climate Summit 2015, les 20 et 21 mai dernier à Paris, NDLR). La semaine dernière s’est déroulée une conférence importante des territoires autour de la Méditerranée. Début juillet, les collectivités locales (au niveau mondial) se réunissent à Lyon pour parler des actions et de l’engagement des territoires (Sommet Mondial Climat et Territoires, les 1er et 2 juillet à Lyon, NDLR). 

Il y a de la bonne volonté, car les opinions publiques changent et prennent conscience qu’il y a un problème et qu’il faut agir tous ensembles. Ca dépasse très largement le cadre des associations environnementales militantes. La preuve : la marche sur le climat en 2014 a été organisée par Havas, qui est une grand ONG mais pas du tout spécialisée dans l’environnement. Les négociateurs ne peuvent plus rentrer chez eux sans rien avoir obtenu, même les pays les moins démocratiques comme la Chine. Il y a une compréhension qui est en train de s’opérer, nous comprenons que nous avons un ennemi commun : le déséquilibre environnemental. 

On peut enclencher des nouvelles formes d’alliance, mais on a besoin de tout le monde. C’est une approche différente où l’on met l’alimentation, la qualité de l’air au coeur du système. C’est forcément du gagnant-gagnant. Les entreprises comprennent aussi que la communication sur ces sujets se fait par la preuve. Ca ne sert plus à rien d’essayer de baratiner les gens, tout le monde est informé des risques. C’est un engagement des gens, mais c’est aussi un rapport de force. Mais de plus en plus de monde s’intéresse à ces questions, les gens sont très motivés. C’est donc important que cette mobilisation continue de façon très globalisée. 

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