Entretien : l’Utopia veut remplir votre clé USB avec des films


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Entretien : l'Utopia veut remplir votre clé USB avec des films

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 27/08/2010 PAR Thomas Guillot

Il est quand même bien pratique d’avoir une brasserie au sein du cinéma. Cela permet notamment de discuter avec Isabelle Warin autour d’un café du projet Vidéo en Poche, testé cet été sur Bordeaux, qui va se lancer dans le réseau Utopia.

@qui! – Comment est né le projet Vidéo en Poche ?
Isabelle Warin – C’était une idée de Rodolphe [ndlr : Rodolphe Village, actuellement au cinéma de Tournefeuille]. En décembre 2009, on avait demandé aux gens de venir avec leur clé USB à la projection du film de Frédéric Chignac, Non au McDrive. Et donc pendant la séance, on a mis tout ça dans un panier et ce sont deux mecs de l’ABUL qui ont copié le film sur la trentaine de clés. Quand on a démarré l’opération, on tenait absolument à ce qu’il y ait le réalisateur. On connaissait bien Frédéric, on s’est dit que c’était l’occasion. Il a été d’une complicité totale.

@! – Mais pourquoi demander que l’on apporte une clé USB ?
I. W. – Au départ, on pensait vendre le film directement sur une clé, mais cela ajoute du charme. Les spectateurs viennent à l’occasion d’une séance, ils nous laissent la clé et repartent avec à la fin de la séance. Ça reste du cinéma, le coté marchand est vraiment secondaire. Cela rétablit une relation qui ne se tisse plus via internet. On perd de vue la salle, le cinéma, les auteurs. On ne sait plus ce qu’est un réalisateur, comment on fait un film, dans quelle condition… Par contre, on a eu quelques personnes qui ont cru qu’à l’issue de n’importe quelle projection, ils pouvaient repartir avec le film qu’il venait de voir (rires). Ce n’est pas encore naturelle, ça marche avec le bouche à oreille et l’idée que ça peut aider la production. Mais on souhaite aussi démontrer l’absurdité de la loi Hadopi. Ça ne pouvait marcher qu’avec l’aide d’un réalisateur, une salle et un public.

@! – Vous êtes plutôt satisfaits du test ?
I. W. – Le test est hyper concluant. Pour le moment, ce sont Paul dans sa vie et Les LIP, l’imagination au pouvoir qui partent le mieux. Ma mondialisation marche pas mal aussi. On a fait une bonne trentaine de ventes pendant l’été sans trop communiquer.

@! – Et alors techniquement, comment ça marche ?
I. W. – Objectif Libre a créé un logiciel libre de diffusion pour les salles en feront la demande. Il n’est pas encore complet, il manque la partie administrative mais il sera prêt courant septembre. Les ayant-droits gagnent trois euros sur les cinq demandés, la TVA prend 0,98 et la salle garde 1,02, ce qui devient beaucoup plus rentable qu’un DVD et qui demande beaucoup moins de travail autour. Le film est copié avec la licence, sans DRM, au format Matroska (ou mkv, lisible sur n’importe quel logiciel multiformat comme VLC) et éventuellement une pochette et une présentation du réalisateur. Ça peut rebuter des distributeurs et là, effectivement, j’imagine que les gens pourront télécharger leurs films (rires). Tous les distributeurs ne sont pas aussi ouverts que Les Films du Paradoxe, le premier à avoir accepter. Et les réalisateurs non plus. A part Tamani et Non au McDrive qui sont sous licence libre, tous les films ont été fournis par Paradoxe. On nous posait la question : « Est-ce que vous ne craignez pas que les gens copient les films ? » Évidemment qu’ils vont les copier. Mais il y aura toujours cette idée de partage. Le spectateur est partie prenante du soutien au cinéma.

@! – Pour le moment le catalogue est peu étoffé, vous avez eu quelques coups de coeur dans la sélection ?
I. W. – On a tous vu les films. Paul dans sa vie reste un documentaire mais avec un coté cinématographique prépondérant, comme chez Raymond Depardon. Tamani est très beau (et en HD). Nicolas Guibert, le réalisateur, fait partie de l’équipe Utopia, il est projectionniste. C’est du documentaire, mais de qualité. Là, on a ouvert avec des films un peu militants mais petit à petit le catalogue va s’élargir. Au mois de septembre, on va avoir plus de films. On aura des films pour enfants, donc on attend les petiots avec leurs clés. On espère avoir bientôt des fictions. On s’est aussi rendu compte que ça ouvrait une fenêtre bien après la diffusion, pour les vieux films qui ne ressortent plus en DVD par exemple.

@! – Du coup, est-ce qu’on peut vous considérer un peu comme un distributeur ?
I. W. – On a posé la question au CNC sur notre statut. Mais on est pas distributeur. Cela se rapproche de notre statut d’exploitant. La salle s’impose dans le choix des films, garde la même relation avec les distributeurs et reste dans son rôle de prescripteur. C’est un savoir faire, comme de la programmation classique, mais en vidéo. C’est un mode de diffusion alternatif au DVD, dont on respecte les mêmes fenêtres de diffusion. Avec ce système là, on fait gagner un accès au public à des films qui ne sortent ni en salle, ni en DVD, ni même en téléchargement illégal. Même pour ceux qui ont eu la chance d’être projetés… En DVD dans la grande distribution, personne n’y ferait gaffe. C’est un prolongement de la vie des films. Et surtout, c’est pas cher.

@! – Et pour plus tard, le téléchargement ou la mise en place de guichet automatique ne serait-il pas plus simple ?
I. W. – On n’envisage pas de mettre en place de borne automatique, c’est trop impersonnel. Le téléchargement non plus. D’abord parce que c’est beaucoup plus consommateur d’énergie. Et il y aussi l’idée de se détacher un peu de l’ordinateur. Même les médiathèques sont intéressées. Mais l’idée c’est de repasser par la salle.

@! – Est-ce que chaque salle gardera sa spécificité ?
I. W. – Il y aura un catalogue commun à tout le réseau. Et ensuite localement chacune des salles aura elle-même la possibilité de faire remonter les productions locales. Comme le réseau Utopia fait partie du réseau ISF (Indépendants, Solidaires et Fédérés) les salles devront surement faire partie de ce réseau pour participer. La totalité des salles Utopia seront équipées vers Décembre.

Thomas Guillot

Pour plus d’informations et la liste des films, rendez-vous sur leur site.

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