En novembre, la Nouvelle-Aquitaine fête l’ESS


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En novembre, la Nouvelle-Aquitaine fête l'ESS

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 05/11/2018 PAR Romain Béteille

Un secteur fragile ?

Début octobre, le ministère de la Transition écologique et solidaire annonçait une augmentation de 25% du budget national dédiée à l’économie sociale et solidaire, qui comptait en 2017 un peu plus de 164 000 entreprises, soit un budget défini à une vingtaine de millions d’euros. Ces investissements supplémentaires doivent financer différents dispositifs existants comme les Dispositifs Locaux d’Accompagnement ou le « French Impact » mais aussi entamer la création d’un fond destiné à « la promotion de l’évaluation de l’impact social auprès des entreprises de l’ESS ». Ils doivent également confirmer la création de 100 000 Parcours Emploi Compétences en 2019, censés remplacer la suppression annoncée des 220 000 contrats aidés, pas forcément rassurante pour les différents acteurs évoluant dans le giron de cette économie dite « collaborative ». Pour Mélanie Thuillier Fournol, co-directrice de la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire en Nouvelle-Aquitaine, ce double discours est loin d’être une nouveauté.  « Ca fragilise tout l’écosystème même si on est dans une région qui le soutient favorablement et a parfois compensé ses problématiques, notamment les contrats aidés dans les collectivités. Ce n’est pas la première fois dans l’ESS qu’on a ce type de mesure. L’avantage, c’est que ceux qui en font partie ont cette capacité à rebondir et à réfléchir leurs modèles économiques. Les aides fluctantes sont très soumises aux changements politiques et c’est un secteur qui peut être très fragile ».

Coup de projecteur

Selon cette dernière, ce dont les entreprises de l’ESS ont besoin, c’est avant tout de se faire connaître, elles et leur (très) large champ d’actions. « Elles ont besoin de représentation, de visibilité. Les entreprises de l’ESS sont souvent cataloguées dans l’économie de la réparation, ce qui n’est pas une exception. Elles ont aussi besoin d’avoir un discours commun et de s’identifier entre elles ». Ca tombe bien : en novembre, Bordeaux, comme d’autres communes de la région, rassemble tout le monde et tente d’apporter un éclairage à travers le onzième édition du Mois de l’ESS. « Chaque année, on change un peu de thème mais l’idée générale, c’est de rapprocher les acteurs de l’ESS des citoyens pour rendre lisible et concret ce qu’ils font. L’ESS est présente dans de très nombreux secteurs d’activité, du bar associatif au chantier d’insertion. Elle représente un peu moins de 19 000 emplois (et 1600 structures différentes) sur la ville de Bordeaux, qui revendique un leadership en la matière puisque la seule ville où le pourcentage d’acteurs de l’ESS est plus élevée, c’est Niort », affirme pour sa part Yohan David, conseiller municipal délégué à l’emploi, l’insertion et l’ESS.  « Chaque année, on pense toucher entre 10 et 30 000 personnes sur le territoire. On s’est rendu compte que même dans la création d’entreprise, des gens étaient prêts à développer des schémas différents, plus collaboratifs (par exemple, une boulangerie solidaire à Mérignac) ».


Du 12 au 23 novembre, donc, le Mois de l’ESS donne rendez-vous aux bordelais autour de plus d’une quinzaine de manifestations : des visites d’entreprises (revalorisation des déchets, seconde vie des livres, supermarché coopératif) des ateliers participatifs aux côtés d’Action contre la faim (le 7 novembre à Darwin), des focus des missions locales pour aider les jeunes de moins de 25 ans à développer leur projet d’insertion, des collectes d’objets dans les écoles primaires (jusqu’au 23 novembre) pour sensibiliser les plus jeunes à l’économie circulaire ou encore (et ce sera l’un des temps forts) un forum « Inventer demain » dans les salons de l’Hôtel de ville autour de l’avenir proche et de « cette nouvelle façon de penser l’économie », avec des ateliers et un « village des acteurs ». L’enjeu de l’adaptation à l’avenir est en tout cas identifié depuis longtemps par ces derniers, comme le confirme Mélanie Thuillier Fournol. « Les entreprises de l’ESS sont en demande pour savoir comment, à plus long terme, on prépare le futur : comment on investit certains secteurs qui méritent d’être développés comme l’économie circulaire, l’économie bleue, le bois ou le numérique qui est une économie dans laquelle il y a encore assez peu d’ESS. A l’inverse, on se fait happer des secteurs comme l’économie collaborative, à l’origine plutôt issue de la société civile qui est aujourd’hui détournée par des entreprises privées éloignées des valeurs de départ de ces plateformes (à titre d’exemple l’emploi privé a en effet progressé de 24% dans l’ESS en France depuis 2000). C’est sur l’utilité sociale que tout repose au départ. C’est plutôt flatteur de se dire que l’économie classique est intéressée par ces projets là. Le problème, c’est que parfois ça dévoie les projets de départ alors que le privé a bien plus de facilités pour obtenir des financements ».

Responsabilité sociétale
Car oui, le financement reste le nerf de la guerre. L’ESS figure d’ailleurs dans les orientations de la loi PACTE actuellement débattue au Parlement et adoptée en première lecture en octobre. Elle prévoierait la généralisation de l’agrément ESUS (pour entreprise solidaire d’utilité sociale) permettant l’accès au financement par l’épargne solidaire à un peu moins de 1000 structures appartenant à l’ESS en France aujourd’hui. Voilà qui rassurera peut-être un secteur qui  en a visiblement besoin : selon un sondage Opinion Way paru en ce début novembre et réalisé auprès de 503 dirigeants associatifs de toutes tailles et secteurs d’activité, 58% se disent « inquiets pour la pérennité de leurs financements publics », même si le milieu associatif continue d’attirer. La récente nomination de Christophe Itier au sein d’un organisme international de l’ESS (le Groupe Pilote International de l’ESS) prouve (à défaut d’avoir défini un protocole d’actions concrètes et leur mise en place) que la problématique dépasse même le sol national et que les indicateurs chiffrés pour quantifier cette économie manquent encore. Au niveau national, on sait qu’elle représente environ 10% du PIB français. En région, selon la CRESS Nouvelle-Aquitaine, on se situe plus aux alentours des 12%, avec des départements ayant certaines polarités, notamment les mutuelles pour les Deux-Sèvres ou la Creuse. « C’est une évolution plutôt pérenne et longue ». Les partenariats liés avec les collectivités, les CDC (Caisses de Dépôts et Consignation) ou la BPI (Banque Publique d’Investissement) tentent, quant-à-eux, d’installer ces modèles plus durablement. « Une bonne idée ne suffit pas pour faire un bon schéma économique. Derrière, ca reste des entreprises qui n’ont certes pas vocation à faire des bénéfices mais qui ne peuvent pas être déficitaires. Un acteur de l’ESS qui se créé uniquement avec des services civiques et des contrats aidés, on ne va pas le valoriser parce qu’on ne trouve pas de plus-value même si le besoin social est fort. On accompagne des projets solides avant tout. Le fait de leur acheter des prestations les crédibilise et les met au même rang que les autres entreprises, mais le cahier des charges doit rester le même pour tous ».


L’ESS, tout comme le secteur associatif (qui, de fait, en fait partie intégrante), reste très subventionné.  Sur Bordeaux, on parle de 1,5 million d’euros versés « en soutien à des acteurs qui vont flécher un développement ou une aide à la création de l’ESS », mais de plus de 60 millions si l’on parle de l’ensemble des subventions (directes et indirectes) qui contribuent à son développement : par exemple, la métropole aide chaque année les acteurs de l’ESS dans l’installation de locaux. En Nouvelle-Aquitaine, selon le panorama 2017 de l’ESS, les secteurs les plus concernés par l’ESS sont le social (54,4%), les activités comme l’agriculture, la recherche, le tourisme (12,4%) et l’enseignement (10,5%). Elle compte environ 220 400 emplois, ce qui en fait la troisième région française en termes de volume. Et quand on sait que Bercy estime à 600 000 le nombre de recrutements en raison des départs à la retraite d’ici 2020, l’enjeu de l’identification et de la structuration est bien là.
Le Mois de l’ESS se décline d’ailleurs dans toute la région Nouvelle-Aquitaine, qu’il s’agisse d’un focus sur les recycleries à Naintré (Vienne), des 25 ans d’un chantier d’insertion à Chatellerault ou d’un éclairage sur les coopératives de consommateurs à Limoges, le programme est éclectique et dépasse même le mois de novembre (on pense, par exemple, au marché de Noël solidaire à Bordeaux à partir du 7 décembre). Vous pourrez retrouver le programme complet et l’ensemble des manifestations organisées dans chaque département sur le site dédié www.lemois-ess.org.

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