Dossier: Nanosciences et Nanotechnologies en Aquitaine


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Dossier: Nanosciences et Nanotechnologies en Aquitaine

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 11/04/2012 PAR Malika Ouaddah

Même si l’on ne peut pas parler de filière nano en Aquitaine, il y a «un  vrai potentiel dans la région»  d’après Thibault Richebois, directeur de la Recherche au Conseil Régional. «C’est une des voies prometteuses pour la compétitivité et l’emploi dans la région». D’après celui-ci, «tout se joue dans la capacité des filières existantes » à intégrer ces sciences et techniques. Car l’Aquitaine dispose d’atouts indéniables dans certaines disciplines; la chimie des matériaux ou la santé par exemple, dans lesquelles les nanos peuvent s’inscrire de manière transversale, grâce à des laboratoires de renommée nationale ou internationale. Au Sud, le Béarn abrite l’Institut Pluridisciplinaire de Recherche sur l’Environnement et les Matériaux, l’IPREM à l’UPPA, l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, en lien avec la plateforme de transfert technologique CANBIO. Mais c’est  surtout à Bordeaux que se concentre l’essentiel de la Recherche avec notamment l’Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux, l’ICMCB, l’Institut Européen de Chimie et de Biologie, l’IECB, le Laboratoire de Chimie des Polymères Organiques, le LCPO ou encore le CRPP, le Centre de Recherche Paul Pascal.

Des ponts entre la Recherche et les entreprises

Dans la chimie, une filière traditionnellement développée en Aquitaine, le CRPP, tout comme d’autres laboratoires, a noué des liens avec l’industrie. En l’occurrence Arkéma, spécialisé dans  les nanotubes de carbone et avec qui il a créé un laboratoire commun. Avec une capacité de  production de 400 tonnes par an, contre 2000 pour l’ensemble des producteurs mondiaux, le chimiste est aujourd’hui leader européen et l’un des premiers dans le monde. Produit à Mont, en Béarn, ce matériau accroît de façon spectaculaire à la fois la résistance et la légèreté des objets auxquels il s’intègre; raquettes de badminton ou cadres de vélo par exemple. Autre exemple avec le laboratoire du futur, le LOF, crée par le CNRS, l’université Bordeaux I et le chimiste Rhodia ou encore le Laboratoire Ondes et Matière d’Aquitaine, le LOMA en lien avec le pôle de compétitivité Route des lasers.

Des outils pour créer des synergies
En tout, une quinzaine de laboratoires et 130 chercheurs seraient plus spécifiquement impliqués dans la recherche en nanosciences bien que cette « discipline diffusante »  soit aussi utilisée dans des recherches pas forcément « marquées » nanos  d’après Jean-Pierre Aimé, le directeur de C’Nano Grand-Sud-Ouest. Ce centre dont la mission consiste  entre autres à structurer les nanos est l’un des 6 qui maillent le territoire français. Il englobe les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Limousin. C’est dans ce cadre qu’a été créé le Pôle 4 N, un regroupement de laboratoires qui travaillent avec une quarantaine d’entreprises comme l’Oréal, la Snecma ou encore Thalès Avionics pour n’en citer que quelques-uns. Autre outil de rapprochement ; CANOE; une plateforme d’innovation technologique et industrielle dédiée aux nanomatériaux et dont le but est de créer une chaîne de valeur intégrée, de la matière première au produit fini. C’est d’ailleurs un  projet structurant du Pôle de compétitivité mondial Aérospace Valley.

Structurer les N&N: une volonté politique de l’Europe au local

Nanotube de carbonneEn Aquitaine, les sommes consacrées à la Recherche et au Développement, la R& D, représentent 1,444 milliard d’euros, dont 63% sont issues des entreprises. La Région y consacre quant à elle 10% de son budget, soit quelques 130 millions d’euros, mais difficile de chiffrer les sommes consacrées exclusivement aux nano. Cet effort financier de la Région s’explique par la volonté de soutenir et développer des domaines d’excellence pour favoriser la compétitivité et l’emploi, une politique dans laquelle les N&N ont leur rôle à jouer. Et qui s’inscrit dans le droit-fil de la stratégie de Lisbonne dont l’un des objectifs est de développer en Europe, une économie de la connaissance, génératrice d’emploi et de compétitivité. En France, elle a débouché entre autres sur la création des pôles de compétitivité lancés en 2005. D’inspiration libérale, ils ambitionnent de placer les entreprises tricolores en bonne place en créant des synergies entre entreprises et Recherche. S’inspirant de ce modèle, le gouvernement, conscient du rôle stratégique des N&N, dans un contexte mondial extrêmement concurrentiel, mène depuis quelques années une politique en leur faveur.  Elle s’est concrétisée par la création de diverses structures dédiées et par, entre autres, la reconnaissance de laboratoires aquitains dans le cadre des Investissements d’avenirs. Parmi eux; AMADEus labellisé Labex, laboratoire d’excellence qui travaille entre autres sur le photovoltaïque organique, VIBBnano sur l’imagerie médicale et ELOrPrintTec, labellisé Equipex, c’est-à-dire équipement d’excellence et dont les débouchés vont de la puce RFID au livre électronique flexible.

Une carte des entreprises difficile à dessiner

En France, il y aurait 300 entreprises « engagées dans le domaine des nanotechnologies » d’après une étude de la DGCIS¹ datant de décembre 2011, dont 11 se trouvent dans la région, essentiellement en Gironde et dans les Pyrénées Atlantiques. Parmi elles, 3 sont spécialisées à 90 % dans les nanotechnologies, qui représentent en revanche 30% de l’activité des 8 autres. Elles œuvrent dans le domaine de la chimie, du caoutchouc, de l’aluminium, des  cartes électroniques, des articles de sport et dans les services de R & D. Qui sont-elles ? Où se situent-elles ? Secret statistique d’après le DGCIS. Pourtant, les nanosciences et les avancées qui en découlent sont souvent qualifiées de nouvelle révolution industrielle. Une révolution pour le moins silencieuse alors que les interrogations ne manquent, même si Thibault Richebois insiste sur la volonté du CRA de prendre en compte les questions sanitaires qui y sont liées.

Les nanotechnologies en questions

Selon Clément Rossignol, élu EE-les Verts à la mairie de Bègles et membre du Collectif de Veille des Nanotechnologies en Aquitaine, crée en novembre 2011 à Bordeaux, il y a en effet «un décalage entre l’essor des nanos et l’information dont dispose le public».  L’écologiste explique «qu’il faudrait 30 à 50 ans de recul pour étudier les effets des nanoparticules sur l’organisme et l’environnement». Et de citer  à l’appui, une récente étude du CEA sur les effets négatifs sur le cerveau des nanoparticules de dioxyde de titane ² utilisées par exemple dans certaines crèmes solaires et dans certains revêtements, qui justifie selon lui ces inquiétudes. Un manque d’information et de transparence qui n’est pas sans évoquer le scandale de l’amiante,  même si l’élu reconnait une certaine avancée, avec la publication d’un décret le 17 février dernier. Le texte, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2013, obligera les entreprises et les laboratoires de recherche privés et publics à déclarer la quantité de nanomatériaux qu’ils utilisent et l’usage qu’ils en font.
Pour Olivier Sigaut, également membre du collectif et spécialiste des questions environnementales,
cette asymétrie de l’information pourrait s’expliquer par un possible « lobbying» des industriels.  Ce qui pose par ailleurs la question de l’indépendance des scientifiques. Très présents dans le domaine, les entreprises pourraient redouter une mauvaise publicité sur un marché émergeant, mais ô combien prometteur. Le ministère de l’Industrie estime en effet que le marché mondial pourrait atteindre les 1000 milliards d’€ en 2015.

Photos : CNRS Photothèque – CAILLAUD François, CNRS Photothèque – JANNIN François UPR9048 – Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (I.C.M.C.B) – PESSAC
Pour aller plus loin: Le silence des nanos, documentaire réalisé par  Julien Colin (2005)

Malika Ouaddah  


¹ Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services
² Etude du CEA publié en octobre 2011


Repères: De l’empirisme antique à la révolution des nanotechnologies
Les nanosciences et les nanotechnologies désignent les sciences et les technologies à l’échelle du nanomètre, soit le milliardième de mètre. Les Romains, déjà, manipulaient, sans le savoir, des nanoparticules. Exemple avec les colloïdes présents dans le vin ou encore avec la coupe de Lycurgus datant du IVème siècle et contenant des nanocristaux d’or et d’argent. Cette dernière a la particularité de changer de couleur en fonction de l’orientation de la lumière. Elle apparaît verte lorsqu’elle est éclairée de l’extérieur, rouge lorsqu’elle l’est  de l’intérieur.
C’est en 1959 que Richard Feynman prononce son célèbre discours «There is plenty of room at the bottom» (il y a plein de place en bas) dans lequel ils invitent les scientifiques à s’intéresser au monde nanométrique. Dans les années 80, l’invention du microscope à effet à tunnel va permettre l’étude à cette échelle et ouvrir de larges perspectives dans toutes les disciplines scientifique
s.

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