Entre les lignes: Claude Rouquet le fondateur de l’Escampette s’en est allé emportant ses « bonheurs de lecture »


Frédéric Desmesure

Entre les lignes: Claude Rouquet le fondateur de l'Escampette s'en est allé emportant ses "bonheurs de lecture"

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 16/01/2015 PAR Joël AUBERT

L’histoire de la « Douleur au côté »Ecoutons la genèse de cette « douleur au côté »: « je reçois par la poste le manuscrit de Jean-Paul Tardy de Toulouse; j’ouvre la première page, c’est beau ! Une écriture classique magnifique. J’écris une lettre enthousiaste à ce M. Tardy de Toulouse, il vient me rencontrer à Chauvigny. Lui aussi est un grand lecteur et un client de la librairie Ombres Blanches. Je découvre que cet homme est né à Nancy, voilà cinquante ans, dans une famille catholique. Il ne trouvait pas de réponses à ces questions sur le thème de l’existence, jusqu’au jour où, de passage à Paris, il pleut comme «vache qui pisse », il s’abrite sous un porche ; on lui propose d’entrer dans ce qui est une synagogue. Il trouve là, au sein d’une communauté juive, les réponses qu’il cherchait, décide de se convertir, prend le nom d’Elishama, rencontre à Jérusalem une juive de Toulouse avec laquelle il fonde une famille, a trois enfants et décide de quitter Israël au bout de vingt ans pour vivre et travailler…à Toulouse : scribe de son métier il calligraphie de courtes phrases de la Tora sur de petits parchemins.
Des histoires comme celles de ce Monsieur Tardy, Claude Rouquet en a d’autres, celle de François Gastineau , professeur de physique à Rouen qui apprend chez son libraire l’existence de l’Escampette et lui propose l’un des derniers titres publiés « le temps des Ersatz »….Pareils récits introduisent à la magie d’une rencontre qui naît entre l’éditeur et un auteur et constitue la promesse de ce chemin partagé, de cet accompagnement dans « les bons et les mauvais moments » dont parle l’éditeur de l’Escampette.

Alberto Manguel et le blasphème…Parmi les livres édités par l’Escampette, avec lesquels nous avons aimé voyager, figure en premier « ça & 25 centimes » publié en 2009, fruit de neuf conversations avec le grand écrivain argentin Alberto Manguel devenu son voisin dans un petit village de la Vienne. Manguel dont la vie, le parcours et les rencontres sont, à eux seuls, un roman universaliste, Manguel dont « L’histoire de la lecture » publiée en 1998 chez Actes Sud a marqué les esprits, Manguel dont rouvrant « le Livre des éloges », édité par l’Escampette, nous redécouvrons cette page sur le thème du blasphème qui date de 2007 et dont la lecture, en ces heures pour nous de chagrin et de grand trouble pour une partie des musulmans du monde entier, m’a semblé assez vivifiante pour vous en proposer la lecture: «  la polémique au sujet des caricatures de Mahomet publiées dans plusieurs journaux européens ( d’abord au Danemark comme une plaisanterie, puis ailleurs comme un défi) a déclenché une inquiétante réaction d’intolérance chez certains groupes musulmans. L’histoire se répète: la foi, ferme pilier du croyant, dit-on, semble ébranlée par une simple création artistique, faite de traits, coups de pinceaux ou mot, et craindre, au nom de l’être suprême, une terrible mauvaise humeur divine.
« Qu’un acte de cruauté ou de violence puisse irriter le Créateur de l’Univers ou son prophète, cela se comprend, car aucun auteur n’aime voir son œuvre détruite ou abîmée. Tuer, torturer, humilier, abuser d’une autre créature est sans doute un crime aux yeux de Dieu, et je suppose que les croyants ont amplement raison de voir dans le simple fait que le Déluge Universel ne se reproduise pas tous les mois, une preuve de l’inépuisable miséricorde divine. La survivance d’êtres comme Pinochet, Bush et Ben Laden montre que Dieu a une patience assurément singulière. Mais imaginer en même temps qu’un petit dessin, une blague, un jeu de mots puisse offenser Celui pour qui l’éternité est comme un jour, ou son élu béni parmi tous les hommes, me semble le plus grand des blasphèmes. Nous, faibles créatures humaines n’aimons pas que l’on se moque de nous: mais il en va autrement pour un être que nous imaginons suprême, invulnérable et omniscient. Borges suggérait que nous ne savions rien des goûts littéraires de Dieu ; il est difficile de concevoir que quelqu’un qui connaît tout et dont la générosité esthétique lui a inspiré tant le poème de la gazelle que la blague pesante de l’hippopotame, n’ait pas parmi ses livres de chevet quelque volume de Diderot, de Fernando Vallejo ou de Salman Rushdie. Mahomet recommandait le rire : «  Gardez le cœur léger à tout instant, car lorsque le cœur se fatigue, l’âme s’aveugle. »

HommageA sa compagne, Sylviane Sambor, qui créa à Bordeaux l’inoubliable « Carrefour des Littératures » et qui dirige, avec le don singulier de transmettre, le Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes, nous adressons l’expression de nos condoléances émues. Un hommage est rendu à Claude Rouquet, samedi 17 janvier à 15 heures, à L’Échappée, lieu de rencontres qu’il a créé l’été dernier, au rez de chaussée de ses bureaux. Il sera inhumé au cimetière des Sables à Chauvigny à 17 heures

l’Escampette BP 7, 86300 Chauvigny
Tél. 05 49 61 20 87 – lescampette.editions@wanadoo.f

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